Macron perd son mentor et compte ses soutiens : et si Royal le ralliait ?

En rassemblant ce week-end les délégués nationaux de son mouvement En Marche, Emmanuel Macron a voulu mobiliser ses troupes avant de lancer sa grande offensive. Mais, pour le moment, l’ex-ministre de l’Economie réfléchit encore sur le timing et la forme de l’annonce de sa prochaine candidature. Coïncidence de la vie : son mentor, Henry Hermand, homme d’affaires et figure de la deuxième gauche, est mort dans la nuit de samedi à dimanche… C’est lui qui conseilla très tôt à Macron de se lancer dans la course à la présidentielle dès 2017.

Naissance d’un mouvement politique et mort d’un ami proche : un week-end fort en émotion pour Emmanuel Macron. Alors qu’il avait rassemblé à Paris samedi après-midi près de Bercy les 850 délégués de son mouvement En Marche, l’un de ses plus fidèles soutiens, l’industriel Henry Hermand, 92 ans, qui avait fait fortune dans l’urbanisme commercial, est mort dans la nuit de samedi à dimanche. « Je perds un ami proche, ainsi qu’un compagnon de pensée et d’action exigeant », a réagi ce dimanche 6 novembre l’ancien ministre de l’Economie.

Les notes d’Hermand à Macron

Car Henry Hermand n’était pas qu’un mécène, c’était aussi un compagnon de route de Michel Rocard, du PSU à la deuxième gauche du PS, un chrétien humaniste, militant anti-colonialiste, qui avait rencontré le jeune Macron quand ce dernier avait été stagiaire à la préfecture de l’Oise, alors élève énarque. Financeur de Terra Nova, de l’hebdomadaire Le 1, le vieil homme n’avait pas la langue dans sa poche, et voyait dans Macron l’héritier d’une gauche non-marxiste et libérale, au grand dam de Manuel Valls. C’est d’ailleurs lui qui conseilla très tôt à l’ancien chouchou de François Hollande de se lancer dans la course à la présidentielle dès 2017.

À l’automne dernier, il envoya ainsi de nombreuses notes à Emmanuel Macron sur la situation politique en cette fin de quinquennat. Pour Hermand, il était clair que Hollande ne serait pas en capacité de se représenter au devant des Français. Dès le début de l’année, il poussa ainsi son jeune ami à démissionner du gouvernement et à annoncer ses ambitions pour 2017, afin de « sortir de l’ambiguité », aimait-il répéter à ses interlocuteurs. Cet été, il envoya également des notes à Emmanuel Macron pour lui conseiller d’accélérer le tempo « pour ne pas décevoir », et militait pour une sortie du gouvernement dès la fin août. Cette fois-là, son jeune favori le suivit.

Macron en pleine partie de poker

Aujourd’hui, alors que d’autres de ses proches le pressent de se présenter – comme le sénateur de la Côte d’or, François Patriat, qui a confié au JDD ce dimanche que Macron devait, selon lui, se déclarer « avant le 20 novembre, pour perturber les équilibres avant le premier tour de la primaire de la droite » –, Emmanuel Macron compte maîtriser son tempo comme bon lui semble. « Il n’a pas l’air d’avoir envie de se dévoiler tout de suite », nous confie l’un de ses proches. « Cela me fait penser à l’épisode de sa démission. En réalité, dès le 20 juin, il avait acté qu’il allait démissionner mais après il n’annonce jamais, y compris à ses proches, quel sera son calendrier ». Une manière de procéder qui en déconcerte plus d’un parmi ses soutiens. Mais qui s’explique également par les incertitudes liées au contexte politique : « Pendant très longtemps, sa stratégie était fondée sur le pari qu’Hollande ne serait pas en l’état d’y aller, mais, tous les signaux montrent que le président est déterminé à se représenter », nous décrypte un autre soutien.

Emmanuel Macron est donc en train de jouer une partie de poker, dans laquelle il jauge ses concurrents pour trouver le meilleur moment pour dévoiler son jeu. Forcément, quand il rassemble ses soutiens, comme ce samedi avec les 850 délégués nationaux d’En Marche, l’ancien ministre use de la métaphore guerrière pour galvaniser ses troupes, et les rassurer sur ses véritables ambitions : « L’armée, elle est là, partout dans les territoires, dans cette salle prête à y aller ». Des mots clairs qui signifient : je suis prêt à aller au combat présidentiel.

OPA sur les sympathisants socialistes ?

Pour le moment, Macron doit en tout cas gérer la sortie de son livre courant novembre. Et continuer à faire entendre sa petite musique pour s’imposer dans l’opinion comme le candidat « des progressistes » face à la droite et à l’extrême droite. Manière pour lui d’organiser une OPA sur les sympathisants socialistes en contournant le parti du même nom.

Finalement Macron, en se positionnant en dehors des partis traditionnels, ressemble à un Mélenchon, malgré leurs différences idéologiques, qui lui aussi essaye de s’imposer au PCF en le contournant par ses sympathisants. Les deux hommes veulent exercer leur leadership politique sans forcément prendre le contrôle d’appareils politiques à bout de souffle, souvent sans idées et en manque de relais dans la société civile : « Parmi les soutiens de Macron, on trouve ainsi de nombreux associatifs du grand Ouest de la France, qui aujourd’hui n’ont plus de lien avec le PS mais auraient été des militants de ce parti dans les années 1970 », remarque un de ses conseillers. « Macron c’est la gauche chrétienne, Valls, la gauche des Francs-maçons », rigole un autre.

Royal, missile anti-Valls

Dans cette stratégie qui vise à embrasser l’électorat traditionnel du PS, Macron réfléchit à se rapprocher de Royal qui pourrait le soutenir dans leur détestation commune de Solférino : « Royal est le meilleur missile contre Valls, estime un proche de Macron. Et puis, elle n’a pas envie qu’Hollande y aille car elle a peur que le père de ses enfants subisse une humiliation. Si elle annonçait un soutien à Macron avant qu’Hollande annonce sa candidature, ce serait la meilleure manière pour l’imposer aux sympathisants socialistes ».

En attendant, Macron gagne du temps, tout en accélérant son tempo. Il multiplie ainsi les signaux à l’égard de cet électorat socialiste : la semaine dernière le grand débat avec la rédaction de Mediapart avait cet objectif, comme ses attaques ce week-end à l’égard du Front National : « Je ne veux pas que, dans mon pays, une colère, qui est parfois justifiée, devienne le monopole d’un parti qui salit la République », a-t-il martelé devant ses partisans. Ajoutant, en direction de la gauche : « Nous n’avons rien fait depuis le 21 avril 2002 », qui avait vu Jean-Marie Le Pen se qualifier pour le second tour de la présidentielle. « Nous avons donné des leçons de morale au pays, nous n’avons tiré aucune leçon pour nous-mêmes ».

Concurrence sur le « vote utile »

Pas sûr, pour autant, que certaines propositions très libérales d’Emmanuel Macron, notamment sur le marché du travail, lui permettent de répondre à la colère du pays. À force d’avoir renvoyé le mouvement social et les opposants à la loi Travail au camp du « conservatisme », il n’est pas sûr que le peuple de gauche, même apeuré par une droite dure, lui accorde son soutien, d’autant plus que Mélenchon aspire à devenir le « vote utile » dans cet espace. Pour le moment donc, Macron peaufine sa stratégie, plus que jamais en mode solitaire : « Il a son calendrier dans la tête, et il fera ce qu’il veut », assure un de ses proches. A son calendrier de novembre est en tout cas déjà prévu deux nouveaux rendez-vous avec les parlementaires socialistes et radicaux de gauche qui le soutiennent, un déjeuner et une réunion à son siège de campagne. Car Solférino et l’Elysée n’ont pas dit leur dernier mot.

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