Lors du deuxième débat télévisé de la campagne, ce jeudi 3 novembre à 20h30 sur BFMTV et iTélé, les sept candidats à la primaire débattront notamment de leurs propositions pour l’Education nationale. L’occasion pour « Marianne » de les faire passer au banc d’essai.
► Alain Juppé : méthode douce et propositions tièdes
Pour l’occasion, il s’était livré à une gymnastique bien inhabituelle. Les bras écartés, un pied en l’air, Alain Juppé sautait à la marelle, en photo dans le Parisien Magazine pour « vendre » le premier de ses livres programmatiques, Mes chemins pour l’école. C’était en août 2015 et le favori des sondages dévoilait à la fois sa priorité, l’éducation, « mère des réformes », et sa méthode en apparence plutôt douce. Il annonçait en effet qu’il n’avait pas l’intention de pratiquer la politique de l’essuie-glace après le quinquennat Hollande : il ne souhaitait ni revenir sur la si décriée réforme du collège, ni remettre en cause la réforme des rythmes scolaires, dont l’enjeu est pour lui « plus budgétaire que pédagogique ».
Il y a un an, il présentait donc une proposition phare : l’augmentation du salaire des enseignants, en commençant par le premier degré avec une revalorisation de 10 % dès la première année du mandat. L’annonce avait connu un certain retentissement. Juppé, « le septuagénaire de gauche » (une expression de Nicolas Sarkozy), draguait chez les profs ! Depuis, le gouvernement lui a fauché l’herbe sous le pied, annonçant au printemps une revalorisation du salaire des enseignants, mais aussi le dégel du point d’indice des fonctionnaires. Il y avait urgence : une enquête du Cevipof venait de montrer qu’au premier tour de la présidentielle, les profs, électorat traditionnel du PS, envisageaient de se tourner pour 28 % d’entre eux vers Juppé, contre 26,5 % vers François Hollande. Après le cadeau gouvernemental, le camp du candidat Juppé s’est trouvé fort dépourvu.
« C’est la mesure que tout le monde a retenue, mais il y avait bien autre chose dans ce livre », rétorque Benoist Apparu, en charge de l’éducation dans l’équipe du maire de Bordeaux. Alain Juppé propose par exemple un déplacement des moyens : il déshabillerait le secondaire pour concentrer l’effort sur les trois années de maternelle et l’année de CP. Il veut aussi donner leur autonomie aux collèges et lycées. Avec notamment une répartition de la dotation horaire globale en fonction des besoins des élèves. « On peut par exemple décider de donner plus d’heures de maths à des enfants qui en ont besoin et moins à d’autres », poursuit le député de la Marne. Une telle flexibilité obligerait à remettre en cause la définition hebdomadaire du temps de travail des enseignants, qu’il faudrait annualiser. Voilà qui aurait au moins le courage de l’impopularité.
► Nicolas Sarkozy : la promesse de faire plus avec moins
Pour le Sarkozy cuvée 2016, l’éducation se résume avant tout à une question d’autorité. Celui qui avait déclaré à Latran en 2007 que « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur » déplore dans son dernier livre, Tout pour la France, que « l’autorité du maître à l’école n'[ait] jamais été autant remise en cause » qu’aujourd’hui. Et pour l’ex de l’Elysée, reconquérir « l’autorité » passe d’abord par l’effacement du quinquennat Hollande : il souhaite revenir sur la réforme des collèges et celle des rythmes scolaires.
Comme Alain Juppé, il veut revaloriser le salaire des enseignants, mais en échange d’une augmentation de 25% de leur temps de présence dans les établissements. Le « travailler plus pour gagner plus » appliqué à l’Education nationale. Lui aussi veut concentrer ses efforts sur le primaire, avec la création d’un cours préparatoire CP + pour les enfants en grande difficulté d’apprentissage de la lecture. Cela nécessiterait de nouveaux moyens humains mais, cela, l’ancien chef de l’Etat ne l’évoque pas. Dans le même temps, il souhaite réduire de 300.000 les effectifs des fonctionnaires entre 2017 et 2022. Seront épargnés au nom de l’impératif de sécurité « les forces de justice, de l’armée, de la police et de la gendarmerie », mais pas les profs… L’équation s’annonce bien compliquée.
► François Fillon : suppression du bac et récit national
Seul candidat à la primaire de la droite et du centre à avoir un jour logé Rue de Grenelle, l’ancien Premier ministre est très remonté – il l’a redit le 28 août dernier – contre les programmes scolaires. Il leur reproche de faire « douter de notre histoire », d’« apprendre à avoir honte » de son pays et propose donc de « réécrire » celui d’histoire « avec l’idée de le concevoir comme un récit national ». Parti très tôt en campagne, Fillon scandait déjà le 10 avril 2014, un an avant Juppé, que « tout commence par l’école ». C’est ainsi qu’il avait baptisé le premier des rendez-vous thématiques qui lui ont servi à bâtir son programme.
Lui aussi réclame davantage d’heures de présence aux profs dans les établissements, avec en contrepartie des carrières plus attractives. Il veut rendre la scolarité obligatoire à partir de 5 ans « afin de commencer dès la grande section de maternelle une pré-entrée dans la lecture ». Il souhaite aussi la bivalence des professeurs, qui enseigneraient deux matières. Avant Juppé, il plaidait aussi pour une véritable autonomie des établissements, avec un projet et un chef d’établissement à qui on laisse le choix de ses enseignants. Le Sarthois prévoit aussi une réforme du bac, examen qu’il présente comme un gaspillage d’argent public. Il souhaite instaurer une part de contrôle continu au lycée avec le maintien d’une épreuve sur table en français à la fin de la classe de première et de trois écrits en terminale.
► Bruno Le Maire : défense du français, mais pas de révolution
A droite, le député de l’Eure avait sonné l’hallali contre la réforme du collège, fustigeant « l’abandon de l’enseignement du latin » et « la suppression des classes bilangues ». « Singulier totem, qui refuse de reconnaître la diversité des talents des enfants, qui veut imposer au lieu de suggérer, qui préfère la médiocrité pour tous au succès du plus grand nombre », écrivait-il dans son livre Ne vous résignez pas !, où il critique aussi la réforme des rythmes scolaires. Comme ses concurrents, il propose également de « faire de la maîtrise de la langue française la priorité absolue de la maternelle et du primaire ». Et il envisage la suppression de l’enseignement des langues et cultures des pays d’origine, mis en place dans les années 70, qui est selon lui « un obstacle à la bonne intégration ». Il veut également la fin du collège unique pour un collège diversifié, avec dès la sixième des options comme le numérique, la mécanique, la musique ou le sport.
► Nathalie Kosciusko-Morizet : des profs contractuels et plus de français
La mesure devrait déplaire aux professeurs : Nathalie Kosciusko-Morizet veut mettre fin à leur statut de fonctionnaire, qu’elle souhaite réserver aux fonctions régaliennes de l’Etat. A l’image de la libéralisation tous azimuts qui irrigue son programme, la députée de l’Essonne rêve aussi d’écoles plus autonomes. Pour elle, le chef d’établissement devrait être « en mesure d’effectuer ses recrutements librement et d’évaluer ses professeurs », comme elle l’écrit dans son projet. En classe, NKM veut mettre le paquet sur l’apprentissage du français : selon ses calculs, un élève qui sort du collège a reçu environ 600 heures de français de moins qu’en 1976.
► Jean-François Copé : évaluez-vous les uns les autres
Chante de la « droite décomplexée », Jean-François Copé veut une école où règnent l’ordre et le patriotisme, avec port de l’uniforme et cérémonies de levée du drapeau au son de l’hymne national. Il prône la sortie du collège unique en rétablissant l’apprentissage dès 14 ans, ainsi que l’instauration de cours d’anglais dès la maternelle et d’une initiation à l’informatique dès la classe de cinquième. Pour lutter contre l’illettrisme, le député-maire de Meaux veut mettre en place deux évaluations nationales (en CE1 et en CM2). Et il pousse le bouchon très loin sur l’autonomie des établissements : pour lui, ceux-ci doivent passer des contrats d’objectifs avec leur rectorat et être évalués par une agence indépendante. Un chef d’établissement pourra recruter librement ses enseignants, puisque Jean-François Copé compte supprimer le concours de l’enseignement, remplacé par un simple diplôme universitaire.
► Jean-Frédéric Poisson : vive l’école privatisée !
Pour le candidat du Parti chrétien-démocrate (PCD), l’histoire et le français sont mal enseignés à l’école. Jean-Frédéric Poisson veut « restaurer une approche chronologique » dans les programmes scolaires et contrôler la maîtrise du français « dès les premiers niveaux de l’école primaire ». Lui aussi souhaite une autonomie accrue des établissements et estime que le statut de la fonction publique ne se justifie plus pour les enseignants. Est-ce parce que le député des Yvelines tient en haute estime les écoles privées ? Jean-Frédéric Poisson souhaite en effet faciliter l’installation des établissements hors contrat. Au risque d’enterrer un peu plus l’école de la République.
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