Prix Renaudot à Yasmina Reza : et pourtant…

« Babylone », le dernier livre de Yasmina Reza qui a reçu ce jeudi 3 novembre le prix Renaudot, ressemble beaucoup à cette (très) longue scène de soirée qui en occupe le premier tiers : on y croise des tas de gens qu’on ne connait pas, et qui ne nous intéressent pas beaucoup…

Yasmina Reza a conquis des lauriers mérités, au théâtre surtout, en mettant en scène des incidents insignifiants et en les regardant dégénérer ensuite en pugilats d’où personne ne sort vainqueur : l’achat d’un tableau dans « Art », une bagarre d’enfants dans « Le dieu du carnage »… Satire et effets parfois appuyés s’y mêlaient à une analyse souvent fine et drôle de nos ridicules.

Un dégraissage qui ne mène qu’à la platitude

Plus que ses autres romans, « Babylone » transpose en prose ce procédé théâtral : même si l’événement ici incriminé est plus dramatique, (un invité étrangle sa femme au sortir d’une réception chez la narratrice), il est surtout traité par ce qu’il est censé révéler de notre indifférence aux autres et de nos ambiguïtés. Hélas, le livre ressemble beaucoup à cette (très) longue scène de soirée qui en occupe le premier tiers : on y croise des tas de gens qu’on ne connaît pas, et qui ne nous intéressent pas beaucoup.

Même s’il y a de-ci de-là quelques notations pas trop malvenues (le portrait de la victime, touchante et ridicule militante bio), quelques amorces de portraits intrigants, on fait avec eux trois petits tours, et on les quitte sans que grand chose nous retienne. Le style se veut neutre, et joue sur les répétitions comme dans une parodie de Duras. Dans « Heureux les heureux » ou « Adam Haberberg », ce dégraissage affinait le trait. Ici, il ne mène qu’à la platitude. Des petits riens qui mènent à pas grand chose : n’est pas Sarraute qui veut.

« Babylone » de Yasmina Reza, Flammarion, 300 p., 20 €

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