Alain Juppé peut se targuer d’avoir été bien accueilli ce mercredi 2 novembre sur la dalle d’Argenteuil. Dans un pied-de-nez très politique à Nicolas Sarkozy qui, il y a onze ans, promettait de débarrasser la ville de ses « racailles », le maire de Bordeaux a voulu donner l’image d’un candidat rassembleur. Reportage.
“Oooooooh !” Un cri de joie sur la dalle d’Argenteuil. Le gamin, baguette sous le bras, vient de demander à sa maman qui est cet homme qui déambule, à quelques mètres de là, traînant avec lui des dizaines de journalistes, de caméras et de passants curieux. Il est ravi, ce petit garçon, de voir l’effervescence médiatique, bien rare dans son quartier natal. Content, même s’il est compliqué pour lui comme pour les autres d’apercevoir le crâne chauve du candidat à la primaire. Plus compliqué encore, pour les habitants d’Argenteuil, de voir sans pincement au coeur ce cortège de journalistes se presser en banlieue une fois tous les cinq ans.
Les Argenteuillais que l’on interroge sont d’accord sur un constat : leur quartier, resté célèbre pour y avoir vu Sarkozy parler de ses “racailles”, a été laissé à l’abandon depuis bien des années. Mais tous ici n’ont pas complètement perdu l’espoir, comme Ali qui se réjouit de cette visite de campagne : “Ici, c’est un ghetto, il faut que Juppé mette le doigt sur les problèmes !” Pour la venue du maire de Bordeaux, on a dépoussiéré, on a ripoliné un peu, si l’on en croit un journaliste du Bondy Blog : la vitrine de la boulangerie, brisée depuis un mois, a été réparée ce matin-même. Le commissariat du quartier, qui ne s’anime habituellement à 14 heures, était curieusement ouvert dès le matin de la visite.
De temps à autre, on entend bien quelques applaudissements. Un ou deux “Juppé président !”, même. Mais pour l’équipe du maire de Bordeaux, c’est surtout l’absence d’incident qui compte. Non pas que ceux-ci craignaient d’être agressés, mais surtout qu’ils savent que leur principal adversaire se verrait sévèrement chahuté dans une situation similaire. Lorsque Sarkozy parlait des “racailles” de la ville, Alain Juppé exhorte les élus locaux et militants associatifs à “ne pas renoncer au bonheur de vivre-ensemble”. Le chantre de l’identité heureuse pousse son avantage face à l’ancien président de la République, coupable tout à la fois d’avoir stigmatisé toute une ville pour les uns, et de n’avoir jamais passé le “Kärcher” selon d’autres.
Se voulant rassembleur, Alain Juppé donne à ces uns et à ces autres, souhaitant d’abord “la fin des zones de non-droit” et aspirant également à un “sentiment de respect de la diversité”. “Quand on arrive dans un pays, il faut connaître son histoire et sa langue”, débute-t-il, avant de louer la “richesse” des différences de la France. A Argenteuil, Alain Juppé s’est présenté tel qu’en lui-même. Ni déclarations de guerre, ni promesses tonitruantes.
Une fois le cirque médiatique reparti, un habitant interpelle les journalistes avec une formule que ne manqueront pas d’apprécier les candidats à la primaire, souvent obsédés par la question musulmane : “En fait, la dalle d’Argenteuil, c’est leur Mecque. Ils viennent tous en pèlerinage !”
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