De Bigard à Régine, les invités les plus saugrenus des voyages présidentiels

Pour avoir invité une amie et un journaliste au sein de sa délégation en Afrique, aux frais du contribuable, Manuel Valls suscite ce mardi 1er novembre la polémique. Avant lui, de nombreux présidents de la République se sont faits remarquer par des choix d’invités baroques au cours de leurs voyages officiels à l’étranger.

Inviter un journaliste et une amie aux frais du contribuable lors de voyages officiels « fait partie des privilèges de la fonction » de Premier ministre. C’est ce qu’aurait déclaré en « off » l’entourage de Manuel Valls à l’émission Quotidien lundi 31 octobre. Pour sa tournée en Afrique, du 28 octobre au 1er novembre, le chef du gouvernement a en effet choisi de convier parmi sa délégation Laurence Katché ainsi que le journaliste Nicolas Domenach. « Il n’est pas rare que le Président ou le Premier ministre en voyage vienne avec un ou deux invités de son choix« , confirme René Dosière, député de l’Aisne et spécialiste des finances publiques. Lesquels présentent habituellement la double caractéristique de disposer d’une certaine notoriété et d’avoir un lien avec le pays visité.

Mais comme Manuel Valls, certains hommes d’Etat et en particulier des présidents de la Vème République ont eu l’idée de convier lors de leurs voyages officiels des invités pour le moins baroques. Marianne vous propose une sélection de cinq de ces convives les plus inattendus.

1. Sous Sarkozy : Jean-Marie Bigard… au Vatican

Pour rendre visite au Pape, Benoît XVI, en décembre 2007, Nicolas Sarkozy a l’idée de solliciter… Jean-Marie Bigard, qui l’a soutenu quelques mois plus tôt lors de l’élection présidentielle. L’humoriste, très pieux, est fou de joie. En 2013, il reviendra auprès de Nice Matin sur cet épisode : « Je me rappelle que quand Nicolas Sarkozy m’a présenté à Benoît XVI, il m’a décrit comme un homme de Dieu. Il lui a très gentiment dit que j’étais un grand donateur, que j’y allais de ma poche. » Puis le président de la République tente de faire l’éloge de l’humoriste, sans grand succès. Jean-Marie Bigard raconte : « Nicolas Sarkozy lui dit : “Vous vous rendez compte, cet homme a rempli le Stade de France !”. Le Pape continuait à hocher la tête, on aurait dit un chien à l’arrière d’une bagnole. » Très pieux, on vous dit…

2. Sous Mitterrand : Françoise Sagan fait une overdose… en Colombie

A cette époque, la présence d’artistes lors de voyages présidentiels est encore perçue comme une curiosité. En 1985, François Mitterrand décide d’effectuer une visite officielle en Colombie, premier producteur de cocaïne au monde, accompagné de… l’écrivaine Françoise Sagan, qui combat alors son addiction aux stupéfiants. Ce qui n’a évidemment rien à voir. Il n’en reste pas moins que l’auteur de Bonjour tristesse doit rapidement être hospitalisée d’urgence à Bogota, officiellement victime « du mal de l’altitude ». En réalité, elle vient de faire une overdose de cocaïne, comme le racontent deux biographies de l’écrivaine publiées en 2008, Sagan à toute allure (Denoël) de Marie-Dominique Lelièvre, et Un amour de Sagan (Pauvert) d’Annick Geille. Françoise Sagan en réchappera et sera inculpée trois ans plus tard pour « usage et transports de cocaïne ».

3. Sous Chirac : Gérard Depardieu fait affaire… en Roumanie

En 1993, François Mitterrand avait créé la sensation en débarquant en Corée du Sud avec Sophie Marceau, célèbre dans le pays asiatique en raison de sa participation à de nombreuses publicités. Quatre ans plus tard, Jacques Chirac reprend ce modèle en enrôlant le célèbre acteur Gérard Depardieu au sein de la délégation française en voyage… en Roumanie. Contre toute attente, le comédien se prend au jeu et dépasse ses fonctions. Selon La face cachée des people de Bernard Violet (L’Archipel, 2009), il quitte la délégation officielle pour aller annoncer aux journalistes son intention d’investir dans le pays. Devant le Premier ministre et le Président, il réitère sa promesse. En 1999, Gérard Depardieu viendra tourner en Roumanie une série télévisée, Les rois maudits.

4. Sous Sarkozy : Arthur, Enrico Macias et Régine… en Israël

En juin 2008, Nicolas Sarkozy effectue une visite en Israël. En plus du traditionnel aréopage d’élus et de chefs d’entreprise, le président de la République choisit d’emmener avec lui des personnalités médiatiques qui appartiennent à la communauté juive. Arthur, Enrico Macias ou la jet-setteuse Régine font partie du voyage et sont donc reçus avec les honneurs par les autorités israéliennes. Ils ont eu tous les trois la bonne idée de soutenir le candidat de l’UMP en 2007. En 2014, Enrico Macias annoncera son intention d’aller vivre en Israël.

5. Sous Sarkozy et Mitterrand, déjà des journalistes…

La polémique autour de la présence de Nicolas Domenach au sein de la délégation officielle auprès de Manuel Valls en Afrique n’a en réalité rien de nouveau. En janvier 2008, les journalistes qui suivent Nicolas Sarkozy en voyage en Inde doivent débourser 1.500 euros pour les frais d’avion et d’hôtel et voyagent à part. Tous sauf un : Jean-Pierre Elkabbach, le président d’Europe 1, convié dans l’avion du Président.

En janvier 2011, Etienne Mougeotte, le directeur de la rédaction du Figaro, est intégré à l’avion présidentiel vers l’Ethiopie, selon Le Monde. Dans leur ouvrage Elysée 2012, les journalistes Elisabeth Chavelet et Mariana Grepinet notent que le même Etienne Mougeotte est souvent invité « dans une voiture de la délégation française » à l’étranger. Dès 1983, la journaliste du Nouvel Observateur Marcelle Padovani avait été invitée au sein de la délégation officielle auprès de François Mitterrand en Chine, selon Les mondes de François Mitterrand (Fayard, 1996), d’Hubert Védrine.

L’entourage de Manuel Valls a donc beau jeu de considérer ce mardi 1er novembre que l’invitation de Nicolas Domenach et Laurence Katché fait partie « des choses qui se font« . Que ces pratiques aient fait partie des usages est indéniable. Qu’elles évitent efficacement le mélange des genres, c’est une autre histoire.

 

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