Ces ministres qui préparent leur piste d'atterrissage pour 2017

Le bateau Hollande prenant l’eau de toute part, certains ministres du gouvernement multiplient les déplacements en circonscription pour assurer leur élection aux législatives de 2017. Passage en revue non-exhaustif de ces ministres très affairés.

Il y a comme un vent de panique qui souffle sur les ministères. Nos ministres sont soucieux. Rien ne se passe comme prévu. Normalement, entrer au gouvernement et obtenir un maroquin ministériel permet d’ajouter une ligne à son curriculum vitae politique. Un atout considérable lorsqu’on brigue un mandat électif, en particulier de député. Depuis le passage du septennat au quinquennat voulu par Jacques Chirac, les législatives se déroulent deux mois après la présidentielle, devenue l’élection reine qui dicte la composition de l’Assemblée nationale. Qui gagne la présidence assure à sa famille politique une belle représentation au Palais Bourbon. Voilà pour la théorie. Dans les faits, les ministres de François Hollande ont du mouron à se faire. Avec un président sortant contesté de toutes parts, qui accumule déconvenues et maladresses, la donne change radicalement. Les possibilités de remporter les mandats convoités s’amenuisent.

Résultat, certains d’entre eux ont décidé de se relever les manches pour mettre toutes les chances de leur côté.

Pascale Boistard, ministre en campagne

Pour une meilleure optimisation de leur temps, certains abusent de leurs visites ministérielles pour se rappeler aux bons souvenirs de leurs administrés. Au risque de cumuler dans une même journée, les habits de ministres et de candidats. C’est ce que reprochent plusieurs élus locaux à Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées. Élue en 2012 députée de la 1ère circonscription de la Somme, la ministre multiplie ces derniers temps messages et déplacements sur ses terres électorales en ses qualités de ministre. Le 1er septembre, on la retrouve ainsi au Lycée professionnel Romain Rolland à Amiens pour la rentrée des classes. Loin, très loin de ses attributions ministérielles.

Le 5 octobre, elle publie un communiqué à en-tête de son ministère pour se féliciter de l’installation « du centre de dépôt logistique à Boves (Somme) ». Là encore, les liens avec son champ de compétence sont ténus, voire inexistants.

Communiqué de presse : je salue l’installation d’un site @AmazonFR à #Boves #Somme. 500 emplois seront créés @axellelemaire pic.twitter.com/w8u3ofrdFr

— Pascale Boistard (@Pascaleboistard) 5 octobre 2016

Très présente sur Twitter, elle n’oublie pas d’envoyer ses « encouragements aux joueurs pour le premier match de l’équipe élite de volley d’Amiens ».

Une situation qui échaude ses adversaires politiques. Le 7 octobre, Alain Gest, député de la Somme LR a ainsi écrit à la préfète pour se plaindre : 

« Depuis quelques semaines, vos services font parvenir aux parlementaires et à d’autres élus des invitations concernant des visites ministérielles de Madame Pascale Boistard. Force et de constater que ces « visites ministérielles » s’avèrent en réalité, à de rares exceptions près, de simples déplacements qu’effectue Madame la Ministre sur le territoire de la circonscription électorale où elle a été élue ». 

Dans son courrier, l’élu de droite évoque ainsi « un pot de l’amitié de la réderie d’Amiens [qui] a mobilisé rien moins que la sous-préfète de permanence, la gendarmerie et la Direction départementale de la sécurité publique. » 

 

Le même jour, lui, ainsi que le sénateur (UDI) Daniel Dubois et le président du Conseil départemental (UDI) Laurent Somon, ont adressé un courrier de la même teneur, cette fois à Manuel Valls. Resté lettre morte. « C’est du jamais vu », s’étrangle le parlementaire joint par Marianne. « Madame Boistard fait campagne avec les moyens de l’Etat. La moitié de ses déplacements ministériels sont sur ses terres électorales. A chaque fois, le préfet, les élus et les forces de l’ordre sont là », rappelle-t-il. 

► Myriam El Khomri, une candidate à la peine

Il y a ceux qui, malgré tous leurs efforts, rament sec. C’est le cas de Myriam el Khomri, ministre du Travail, qui vise la circonscription du 18ème arrondissement de Paris pour 2017. Conseillère de Paris depuis 2008, la ministre de plein exercice s’y voyait déjà. Christophe Caresche, l’actuel député et proche du Premier ministre, était prêt à lui céder la place. C’était sans compter Anne Hidalgo, la maire de Paris, qui ne lui a toujours pas pardonné d’être entrée dans le gouvernement de Manuel Valls. Résultat, une autre élue convoite le siège : Afaf Gabelotaud, conseillère de Paris, adjointe chargée du Commerce à la mairie du 18e. Avantage pour cette dernière, elle a toute la bénédiction de la maire de Paris.

Rémi Féraud, président du groupe PS au Conseil de Paris expliquait ainsi au Monde le 25 octobre que Hidalgo « a construit une majorité qui rassemble toutes les composantes de la gauche et ne veut pas la voir fragilisée par une candidature qui exacerberait les tensions », notamment après la déchirure sur la loi Travail. « Ce n’est pas acquis de garder la circo à gauche. Il y a un risque de la perdre si on n’arrive pas à rassembler au second tour« , analyse un socialiste de l’arrondissement. Avec son passif de la loi Travail, ce sera dur de le faire avec El Khomri. Voire impossible. Sa candidature risque d’avoir un effet négatif ».

La ministre du Travail, face à cette fronde, a donc décidé d’accélérer le tempo. Le 8 décembre, elle devra passer devant le vote des militants pour espérer l’investiture. Face à Afaf Gabelotaud, donc, « qui a commencé sa campagne depuis juillet et arrive à parler avec l’ensemble des acteurs de gauche », souligne notre socialiste. Résultat, Myriam El Khomri multiplie les déplacements. « Elle est de plus en plus présente. Depuis deux semaines, elle en est à trois réunions militantes. Une en appartement, une dans un café et une en section », poursuit-il.

C’est beau une ministre au travail…

► Matthias Fekl, la force tranquille

Toujours au gouvernement, le discret ministre du Commerce extérieur, Matthias Fekl ne se ménage pas. Après avoir lancé son mouvement Movida pour peser sur le débat de la présidentielle, et s’assurer d’une visibilité politique en dehors de son domaine ministériel, Fekl travaille déjà à sa réélection dans sa circonscription du Lot-et-Garonne.

Le jeune ministre consacre, lorsqu’il n’est pas en déplacement pour les besoins de son ministère, ses week-end à labourer le terrain dans une circo arrachée à la droite en 2012.

« Matthias doit bétonner la circo, à la différence d’autres, elle a été reprise à la droite. Donc rien n’est joué », indique un socialiste. Depuis la rentrée, le jeune ministre enchaîne effectivement les tournées. Le 6 octobre, il accompagne ainsi Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice, pour l’inauguration du Palais de justice de Marmande, dans le Lot-et-Garonne, commune dont il a été conseiller municipal. Le même jour, profitant d’avoir un Premier ministre sous la main, il fait la visite « d’un fleuron industriel lot-et-garonnais ». 

Egalement conseiller régional de la région Nouvelle-Aquitaine, deux jours plus tard, il n’oublie pas d’aller serrer des mains militantes dans les Landes lors de la Fête de la Rose. Le 21 octobre, il accompagne cette fois Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine pour une tournée en entreprises, faisant un crochet au parc du Futuroscope à Poitiers. Le lendemain, il prend bien soin de venir féliciter les « équipes et à tous les bénévoles autour du président Busquet« , du club de handball de Marmande.

Rebelote le week-end d’après, à Cenon, dans le département de la Gironde pour les universités de l’engagement. A ce rythme-là, Matthias Fekl risque le burn-out

► George Pau-Langevin la démissionnaire

Celle-ci a profité d’un remaniement pour se faire la malle. L’ancienne ministre des Outre-mer George Pau-Langevin, entrée au gouvernement dès 2012, a repris sa liberté le 30 août dernier. Officiellement pour retrouver sa vie de député, « quatre ans et demi, c’est long », se justifiait-elle auprès du JDD. Mais c’est surtout la perspective de voir sa circonscription lui passer sous le nez qui l’a « motivée ». Elue députée du 20e arrondissement en 2012, une circo acquise à la gauche, Pau-Langevin avait pour suppléante, Fanélie Carrey Conte, frondeuse de la première heure proche de Benoît Hamon. Une rivale potentielle à l’heure de faire les comptes de la mandature qui pourrait lui contester sa place. « Au moment où les députés vont faire les bilans de mandat, je ne voulais pas laisser le mien défiguré », précisait-elle pudiquement à l’hebdomadaire du dimanche…

Elle, aura au moins eu le mérite de quitter le navire afin de manier sa barque sans maroquin.

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply