Barroso chez Goldman Sachs : le comité d’éthique européen ne voit pas le problème

José Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne, au coeur d’une vive polémique après son récent pantouflage dans la banque d’affaires Goldman Sachs, a été dédouané par le comité d’éthique créé spécialement pour traiter ce qui s’apparente pourtant à un conflit d’intérêts.

Tout ça pour ça. Le comité d’éthique de la Commission européenne a estimé que José Manuel Barroso, malgré ses dix ans passés à la tête de la Commission, n’avait pas bafoué le code de conduite des commissaires de l’institution phare de l’Union européenne, en devenant conseiller pour une banque d’affaires décriée pour son rôle dans la crise économique et financière de 2008. Le comité, reconnaissant dans son rapport rendu lundi 31 octobre que Barroso «n’a pas fait preuve du bon jugement que l’on pourrait attendre de quelqu’un qui a occupé un poste à haute responsabilité pendant de si longues années», conclut cependant qu’«il n’y a pas d’éléments suffisants pour établir une violation du devoir d’intégrité et de réserve». 

« M. Barroso aurait dû être conscient et informé qu’en agissant ainsi, il déclencherait des critiques et risquerait de nuire à la réputation de la Commission, et de l’Union en général »

L’affaire débute en juillet dernier, lorsque Goldman Sachs annonce publiquement avoir recruté l’ex-Président de la Commission, José Manuel Barroso, en temps qu’expert “Brexit”. De nombreuses critiques sont alors émises par des personnalités de premier plan, à l’instar de François Hollande, qualifiant le pantouflage de « moralement inacceptable ». L’actuel chef de la Commission, Jean-Claude Juncker, crée sous la pression un comité “ad-hoc”, chargé d’évaluer au regard des règles de son institution l’intégrité d’un tel “transfert”. Installé début septembre, le comité d’éthique vient de rendre son rapport et conclut donc… que José Manuel Barroso n’a commis aucune faute en partant faire profiter de son expérience à l’une des banques les moins éthiques de l’Histoire.

Parier sur l’effondrement des crédits et maquiller les comptes de la Grèce

Le Portuguais, figure de l’UE, a dirigé la Commission européenne de 2004 à 2014. C’est durant son mandat que l’une des pires crises économiques mondiales s’est déclenchée. Crise dite des “subprimes”, du nom des crédits immobiliers à risques qui se sont totalement effondrés en 2007, entraînant les places financières avec eux… Une chute monstrueuse, sur laquelle Goldman Sachs avait parié. De quoi générer pour la banque plus de 10 milliards de dollars de profits alors que l’économie mondiale menaçait de disparaître…
 
 
Par effet “domino”, cette crise a exercé une pression monstre sur les dettes publiques des Etats européens qui ont voulu sauver le système bancaire planétaire… Etats qui, en mettant la main à la poche, ont été frappés à leur tour par une crise financière en 2010, mettant particulièrement à mal la zone euro. Parmi les pays européens les plus durement frappés, la Grèce a été plongée dans un chaos économique et social dont elle ne s’est toujours pas relevée. C’est que le pays hellénique vivait dans le mensonge, ayant réussi accéder à la zone euro en 2001 grâce à un maquillage de ses comptes opéré par… Goldman Sachs. Les instances de la zone euro, et ses “critères de convergence” (dette et déficits publics de 60% et 3% du PIB maximum) n’y ont vu que du feu.

« Ami » de Goldman Sachs ?

Et en 2016, c’est bien par Goldman Sachs, banque américaine considérée par beaucoup comme le chantre du capitalisme financier, que Barroso se fait recruter comme “conseiller Brexit”. Un « défi intéressant et stimulant » avait simplement expliqué Barroso à l’hebdomadaire portugais Expresso, après « plus de trente ans dans la politique et le service public”… dont dix à la tête de la Commission européenne à faire la promotion du libéralisme.

 
Le rapport rendu lundi par le comité d’éthique n’est pas si étonnant. Pour la Commission européenne, José Manuel Barroso n’a violé aucune règle : rien n’oblige les anciens membres de la Commission à rendre des comptes au-delà de 18 mois après la fin de leur mandat. Barroso a en effet quitté la Comission en novembre 2014, plus d’un an et demi après se sont écoulés depuis l’annonce de sa nommination chez Goldman Sachs. Certes, l’avis du comité n’est pas contraignant, mais un signal fort aurait été le bienvenu, contre l’action d’un ancien haut-fonctionnaire européen qui, selon les informations d’un journal portugais, aurait eu de nombreuses rencontres très “amicales” tout au long de son mandat avec les cadres de Goldman Sachs. L’Union européenne (UE), si critiquée par les peuples pour ses dérives technocatriques et libérales, voit son image un peu plus écornée.
 
 
     

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