Les médicaments contre Alzheimer jugés inutiles mais toujours remboursés par la Sécu

Publié ce samedi, le rapport de la Haute autorité de santé juge inefficaces les traitements médicamenteux prescrits contre la maladie d’Alzheimer. Le ministère de la Santé refuse néanmoins le déremboursement de ces médicaments par la Sécurité sociale. La médecin lanceur d’alerte dans l’affaire du Mediator, Irène Frachon, y voit une nouvelle pression des lobbies pharmaceutiques.

C’est un pavé dans la marre que jette la commission de la transparence au sein de la Haute Autorité de santé : les quatre médicaments prescrits en France pour traiter la maladie d’Alzheimer sont jugés inefficaces et hors de prix pour la Sécurité sociale. Les conclusions du rapport publié officiellement hier et éventée par Libération le 19 octobre sont sans appel. Pourtant, la ministre de la Santé Marisol Touraine a expliqué dès le milieu de la semaine dernière que la Sécu ne dérembourserait pas ces médicaments qui sont aujourd’hui les seuls proposés aux familles.

« Il n’y aura pas de déremboursement dans l’état actuel des choses« , a-t-elle indiqué sur RTL le 26 octobre, ajoutant vouloir mettre en place « un protocole de soins » avant toute décision de ce type :

 « Tant que ce protocole de soin ne sera pas non seulement élaboré, mais mis en oeuvre, la question du déremboursement ne peut pas et ne doit pas se poser. »

Du côté des associations de patients, on passe rapidement sur l’inefficacité supposée des médicaments pour rappeler que ces traitements ont au moins permis à la maladie d’Alzheimer d’exister auprès des pouvoirs publics, des médecins et dans l’opinion. Tout en « socialisant » les malades – aujourd’hui 850 000 en France – dans un parcours de soins. Les effets secondaires, parfois lourds, existent eux bel et bien : troubles neuropsychiatriques, risques d’accidents cardio-vasculaires, réactions cutanées lourdes, syncopes, chutes, etc.

« Le lobby de l’Alzheimer s’est réveillé »

Certains, à l’image d’Irène Frachon, craignent cependant d’y voir une nouvelle fois l’influence des lobbies sur la décision politique. Cette pneumologue lanceur d’alerte qui a permis de révéler le scandale du Mediator commercialisé par le groupe Servier il y a sept ans – groupe jugé directement responsable d’environ 2 000 morts en France à cause de ce coupe-faim – est toujours en poste au CHU de Brest. Elle estime auprès de Marianne que l’imbroglio autour du non-déremboursement des médicaments contre Alzheimer est typique des rapports toujours aussi incestueux entre la médecine française et les multinationales pharmaceutiques : « Le rapport sur Alzheimer, rédigé par des experts totalement indépendants, confirme ce que chacun sait. Ces médicaments sont inefficaces et dangereux pour les patients. En plus, ils ruinent la sécurité sociale », résume la praticienne qui avance un argument simple pour expliquer la réaction du ministère de la Santé :

« Le lobby de l’Alzheimer s’est réveillé ! Même certaines associations de patients sont financées par l’industrie pharmaceutique ».

La médecin, dont le combat a été porté à l’écran par Emmanuelle Bercot dans La fille de Brest (en salles le 23 novembre), dénonce une « incohérence totale » dans le choix de Marisol Touraine. Et s’inquiète d’une profession soumise au diktat des labos… et au confort de leur soutien financier. À tel point qu’il lui importe aujourd’hui de sensibiliser les étudiants en médecine aux dérives déontologiques qui gangrènent leur profession. Car « pour les vieux » praticiens, estime Irène Frachon, « c’est foutu ».

 

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