Des moustiques transgéniques pour lutter contre le virus Zika et la dengue

La ville brésilienne de Piracicaba s’est lancée dans la production industrielle d’une arme pour éradiquer le virus Zika et la dengue : des moustiques mutants détruisant leur homologues naturels en s’accouplant avec eux.

Quand la génétique passe, les moustiques trépassent. Voilà une idée qui fait son chemin au Brésil, pays durement frappé par le virus Zika et la dengue. À Piracicaba, une ville brésilienne de 360.000 habitants, un vaste projet sanitaire est en train d’aboutir. Comme le rapporte l’AFP ce 28 octobre, le principe est simple : « fabriquer » des hordes de moustiques transgéniques ayant pour mission d’exterminer les moustiques infectés… en les fécondant. Les larves issues de ces accouplements seront alors porteuses d’une maladie mortelle qui ne leur laissera pas le temps de se reproduire. Les moustiques transgéniques, quant à eux, sont génétiquement programmés pour périr peu de temps après leurs accouplements.

Ce projet est diligenté par Oxitec, une société anglaise qui a installé son usine à Piracicaba. Dans de vastes hangars où sont reproduites les conditions de chaleur et d’humidité propices à la prolifération de moustiques, 60 millions de larves mutantes sont créées chaque semaine. Puisque seules les moustiques femelles sont susceptibles de transmettre le virus Zika ou la dengue à l’être humain, ce sont les mutants mâles qui sont lâchés dans la nature. Les mutantes femelles, elles, sont conservées pour la pérenniser la production. « C’est la première et plus grande fabrique au monde de moustiques transgéniques », affirme Hadyn Parry, le PDG d’Oxitec.

Certaines ONG de défense de l’environnement s’inquiètent

Entre avril 2015 et début 2016, le Brésil a été l’épicentre d’une terrible épidémie du virus Zika. Ce dernier a contaminé près de 1,5 million de personnes, provoquant de graves malformations congénitales chez de nombreux nouveau-nés. Le virus s’est alors propagé à la totalité de l’Amérique du Sud par l’intermédiaire du moustique aedes aegypti, le vecteur de la maladie. La dengue se propage de la même manière et a été transmise à plus de 1,3 million de Brésiliens entre janvier et juillet 2016. Potentiellement mortelle, la dengue engendre de violentes fièvres et de féroces douleurs musculaires.

Le projet mené par Oxitec est cependant critiqué par plusieurs ONG de défense de l’environnement. « Il n’existe aucun test de toxicité prouvant qu’être piqué ou qu’avaler un moustique génétiquement modifié ne présente pas de danger pour l’être humain ou les animaux », s’inquiète ainsi l’ONG GeneWatch par la voix d’un communiqué. Un argument balayé par Hadyn Parry qui affirme que tuer les moustiques en vaporisant massivement des insecticides dans la nature a un impact autrement plus néfaste sur l’environnement.

« On nous met dans le même sac que les plantes OGM, alors que cela n’a rien à voir, argumente-t-il. Une plante est modifiée pour lui donner un avantage et peut le transmettre à d’autres. Notre moustique, lui, est doté d’un gros désavantage qui accélère sa disparition. »

Une méthode d’éradication pas encore commercialisée

Le projet de la société Oxitec demeure toutefois au stade de l’expérimentation. L’entreprise n’a pas encore obtenu l’agrément de commercialisation de la part des autorités sanitaires brésiliennes. Il reste que, entre 2011 et 2014, cette méthode a déjà fait l’objet de cinq tests au Brésil, au Panama et aux îles Caïman. À chaque fois, la population de moustiques aedes aegypti a chuté d’environ 90%. Des résultats encourageants qui ont poussé la ville de Piracicaba à accueillir l’usine d’Oxitec et à lui verser 1,1 million de dollars sur quatre ans pour s’attacher les services de ses moustiques transgéniques. À terme, la ville a prévu de relâcher 10 millions de moustiques transgéniques par semaine sur son agglomération.

Le Brésil a déjà expérimenté une autre méthode de lutte contre les maladies. Cette méthode-là recourt aussi à des moustiques : non pas en les modifiant génétiquement, mais en leur inoculant la bactérie Wolbachia, qui réduit leur capacité à propager le virus Zika et la dengue. De nouveaux lâchers de ces moustiques immunisés vont être menés en 2017 au Brésil et en Colombie. Mais du côté d’Oxitec, on estime que cela ne sera pas suffisant. Pour Karla Tepedino, scientifique travaillant avec l’entreprise, il convient avant tout de s’attaquer à la racine du problème. « Il y a trois facteurs essentiels de transmission de ces maladies, explique-t-elle. Les moustiques, les virus et les êtres humains. Ce n’est qu’en éliminant le moustique – le vecteur du virus – qu’on éradiquera les maladies. » Un différend méthodologique qui n’a pas fini d’alimenter le débat, et pour cause. En portant le virus Zika, la dengue mais aussi la malaria ou le paludisme, le moustique est devenu l’animal le plus dangereux au monde.

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