Taxe de solidarité sur les billets d'avion : en finir avec les fausses vérités

Alors que la taxe de solidarité sur les billets d’avion fait de nouveau office de bouc émissaire dans la situation économique d’Air France, il est temps de rappeler comment fonctionne cette source de financement innovant au service de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

 

Par Aurélien Beaucamp, président de AIDES, Hakima Himmich, présidente de Coalition PLUS et Bruno Rivalan, directeur France d’Action Santé Mondiale.

 

Si Air France est en mal de compétitivité, cela serait dû à la taxe de solidarité sur les billets d’avion. Voilà ce que la Cour des Comptes ose nous faire croire dans son dernier rapport sur le transport aérien. Une rengaine scandaleuse ! En 2014, dans un rapport remis au Premier ministre, le député socialiste Bruno Le Roux avait déjà préconisé sa suppression. En 2015, les dirigeants d’Air France en personne étaient repartis à la charge en demandant au gouvernement un moratoire.

Soyons clairs, la taxe de solidarité sur les billets d’avion ne doit pas servir de bouc émissaire. Si la compagnie française, dont le nouveau plan stratégique doit être présenté mercredi, rencontre des difficultés récurrentes, c’est qu’elle a des problèmes de fond à régler.

Remettons les pendules à l’heure. Expliquons en toute transparence comment fonctionne cette source de financement innovant au service de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et plus généralement de la santé mondiale, créée sous le mandat présidentiel de Jacques Chirac. 

Première vérité. La taxe française sur les billets d’avion s’applique autant à Air France qu’aux compagnies concurrentes. Par ailleurs, les passagers qui ne passent par la France que pour un transit en sont exonérés. Par exemple, un Américain qui prend l’avion depuis New York pour se rendre à Marrakech via une correspondance par l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle ne payera pas son billet plus cher à cause de la taxe. Dit autrement, la taxe avion ne défavorise pas le hub d’Air France. C’est en outre une micro-taxe. Même avec la revalorisation de 12,7% décidée en 2014, elle ne prélève qu’entre 1,3 et 6,3 euros par billet en classe économique et au maximum 45,07 euros en classe première ou affaire selon la destination.

Jusqu’à présent aucune étude économique indépendante n’a démontré que la taxe sur les billets d’avion avait entraîné des délocalisations de vols ou provoqué des distorsions de concurrence au sein du secteur aérien. D’ailleurs, la Cour des Comptes l’avait reconnu précédemment dans un rapport de 2010 :

« La taxe n’a eu aucun des effets négatifs qui avaient été présumés : aucune perte de trafic français ou d’emplois salariés dans le secteur aérien n’a été établie ».

Deuxième vérité. Si la taxe est indolore pour les voyageurs, elle a un impact bénéfique massif sur la santé mondiale. Elle est devenue la plus importante source de financement innovant pour la lutte mondiale contre le sida. Rien qu’en France, elle a permis de lever plus d’un milliard d’euros.

Depuis sa mise en oeuvre en 2006, elle a bénéficié en large partie à UNITAID, institution internationale qui déploie des solutions innovantes pour éradiquer les grandes épidémies de la planète. Elle a contribué à réduire de 80% le prix des médicaments pour les enfants vivant avec le sida. Le mécanisme est simple : grâce aux fonds collectés par la taxe de solidarité, UNITAID est en capacité de négocier des baisses de prix des médicaments en garantissant aux fabricants des volumes élevés et stables. L’institution a également développé des traitements contre le sida et la tuberculose spécialement conçus pour les enfants, a lancé une nouvelle génération de traitements contre le VIH, a déployé un nouveau type d’insecticide pour renforcer la lutte contre le fléau du paludisme, et mis au point des tests de dépistage plus efficaces contre le VIH, l’hépatite C et la tuberculose. 

Ces innovations techniques restent indispensables non seulement pour faire reculer les pandémies les plus meurtrières au monde, mais également pour que le coût de la riposte mondiale soit de moins en moins onéreux. C’est dans ce contexte de cercle vertueux que s’inscrit la taxe de solidarité sur les billets d’avion. 

Au-delà d’UNITAID et de la lutte contre les pandémies, la taxe permet aussi de développer des programmes de vaccination, d’alimentation et d’assainissement dans les pays à bas revenus.

Troisième vérité. Dans un environnement international aussi tendu qu’aujourd’hui, où le développement des pays pauvres est l’une des clés de la stabilité mondiale, la taxe de solidarité sur les billets d’avion mériterait d’être davantage défendue qu’attaquée. C’est une fiscalité avant-gardiste qui honore la communauté internationale.

Si en effet seuls 9 pays l’appliquent, comme le pointe la Cour des Comptes, est-ce une raison de l’abandonner ? Non, c’est au contraire une raison pour chercher à convaincre de nouveaux pays à l’appliquer. Mais, dans ce domaine, force est de constater l’inaction du Président Hollande, qui n’a rien fait en cinq ans pour promouvoir cette invention française.

En son temps, pour lancer la taxe avion, Jacques Chirac était parvenu en une réunion interministérielle à fédérer une coalition d’Etats pour la mettre en oeuvre. François Hollande, s’il a multiplié les déclarations d’intention sur les financements innovants – telles la taxe sur les transactions financières – n’a toujours pris aucune initiative pour qu’ils permettent à la France de rattraper son retard de solidarité avec ses voisins (Grande Bretagne, Pays Bas, etc) .

Sans collecte sur les billets d’avion en 2017, c’est UNITAID qui dépose le bilan et d’autres organisations de la santé mondiale qui se fragilisent, c’est la lutte mondiale contre les grandes pandémies qui recule, ce sont des milliers de malades du sida, de la tuberculose et du paludisme, condamnés à mourir partout dans le monde. 

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