Conseil économique, social et environnemental (CESE) : 70 ans de République des copains

François Hollande prononcera ce vendredi 28 octobre un discours devant un Conseil économique, social et environnemental (CESE)… rempli de nombreux amis. Normal, il les a nommés lui-même en 2015. Cela fait 70 ans que l’institution du Palais d’Iéna est le lieu du recasage des alliés politiques en mal de mandat.

Les applaudissements promettent d’être nourris. Ce vendredi 28 octobre, quand François Hollande prononcera un discours devant le Conseil économique social et environnemental (CESE), à l’occasion des 70 ans de l’institution, il pourra en effet compter sur une assemblée bienveillante et attentive. Et pour cause, puisque le président de la République a lui même nommé par décret en Conseil des ministres 40 des 233 membres de la « Chambre consultative de la République ». Et il n’a pas choisi que des ennemis…

Pour écouter le Président, on retrouvera Jean-Marie Cambacérès, membre de la fameuse promotion Voltaire de l’ENA et ami proche du chef de l’Etat depuis plus de 30 ans ou encore Jacky Bontems, syndicaliste CFDT qui a conseillé le candidate socialiste en 2012, avant de publier en 2015 Le Moteur du changement : la démocratie sociale ! (Lignes de Repères, Fondation Jean-Jaurès), un ouvrage préfacé par… François Hollande. On pourra également reconnaître dans l’assistance Jean-Luc Bennahmias, ex-député européen Modem devenu soutien ennamouré du Président ou bien le rappeur Rost… lui aussi membre de l’équipe de campagne du candidat PS en 2012.

Comme toujours dans l’histoire de la Vème République, le renouvellement du CESE intervenu en novembre dernier a servi de prétexte à un nombre incalculable de recasages politiques. Ces conseillers, appelés à donner leur avis sur des projets de loi ou à donner des pistes de réformes à l’exécutif, sont nommés pour 5 ans, pendant lesquels ils touchent 3.767 euros brut par mois. En échange, ils doivent assister à la réunion de section organisée chaque semaine pendant une demi-journée ainsi qu’aux deux séances de l’assemblée plénière organisée chaque mois. Ces obligations sommes toutes légères suscitent des vocations. L’exécutif a l’habitude d’y nommer sur le collège des personnalités qualifiées des amis politiques pour services rendus.

Inventaire des amis de François Hollande

La « promotion » 2015 du CESE a proposé un inventaire à la Prévert impressionnant des amis de François Hollande. Les entourages ont été particulièrement soignés. On y a retrouvé pêle-mêle la collaboratrice historique de l’écologiste rallié Jean-Vincent Placé (Laure Lechatellier), un élu PRG très proche de Jean-Michel Baylet (Patrick Molinoz), le conseiller spécial de Jean-Christophe Cambadélis (Jean Grosset) ainsi qu’un ami du premier secrétaire du PS (Nacer Kettane), l’ex-directeur de la campagne numérique de Ségolène Royal en 2007 (Benoit Thieulin), un ex-maire PS, soutien de Martine Aubry à la primaire de 2011 (Bernard Amsalem), une ex-présidente de SOS Racisme, proche de Julien Dray (Cindy Léoni), une conseillère régionale EELV, proche de Nicolas Hulot (Annabelle Jaeger), l’ex-président du groupe PS au conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA), proche de l’ex-ministre Michel Vauzelle (Jean-Louis Joseph) ainsi qu’une dirigeante de la Ligue de l’enseignement, militante PS (Nadia Bellaoui). La franc-maçonnerie a également été convenablement traitée puisque deux de ses hiérarques ont été nommés : Philippe Guglielimi, ex-grand maître du Grand Orient de France (GODF), ex-conseiller régional PS, accompagne Daniel Keller, grand maître du GODF jusqu’en août dernier, nommé au CESE en tant que…. directeur du digital chez Humanis, une mutuelle de santé.

Les socialistes ne sont pas les premiers avoir eu l’idée de se servir du CESE comme d’une chambre de recasage pour amis politiques méritants. Depuis sa création, en 1946, l’institution du Palais d’Iéna a souvent servi de placard de luxe à des politiques en mal de mandat (et d’indemnités). André Roche, président du Parti radical au début des années 1950, en est le premier exemple. Faute d’obtenir un maroquin aux élections, il en est nommé président en 1954. Au gré des défaites politiques et des rapports de force au sein des partis, les fonctionnaires y ont vu défiler des personnalités comme l’ex-député populiste Pierre Poujade (1984-1999), le maire de Lyon Gérard Collomb (1989-1994), le secrétaire d’Etat Harlem Désir (1989-1994), Laurence Rossignol, actuelle ministre des Familles (1999-2004), le militant socialiste Gérard Filoche (1999-2001), ou encore l’ex-ministre de l’Education nationale Luc Ferry (2004-2010). Selon nos calculs, pas moins de 21 anciens parlementaires et 14 ex-ministres ont intégré le Palais d’Iéna depuis 1989. Sans compter les élus locaux ou les collaborateurs des uns et des autres.

Douze élus locaux UMP pour Sarkozy

En 2010, Nicolas Sarkozy s’en était lui aussi donné à coeur joie. En plus d’y propulser ses conseillers Raymond Soubie et Pierre Charon, le Président d’alors avait récompensé Yves Urieta, ex-maire socialiste de Pau, volontaire pour se présenter aux élections municipales de 2008 sous l’étiquette UMP. Ce qui avait provoqué la défaite de François Bayrou… Quelque douze élus locaux UMP avaient également eu la chance de faire partie de la « promo » 2010, dont l’ex-maire de Bordeaux Hugues Martin, fidèle parmi les fidèles d’Alain Juppé. Figuraient également dans la liste une ex-députée européenne Modem proche de Jean-Marie Cavada (Claire Gibault), un ex-élu UDF (Pierre Frémont), la navigatrice Maud Fontenoy, aujourd’hui vice-présidente UMP de la région PACA…

Jacques Chirac avait également nommé un nombre important de fidèles en 2004, dont quatre anciens ministres. A l’époque, le premier secrétaire du PS avait dénoncé une « conception clanique » de la République. Il s’agissait d’un certain François Hollande.

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