Tournant sécuritaire : le gouvernement ne croit plus à la déradicalisation en prison

Changement de tactique. Face à la menace que représentent les détenus radicalisés en prison, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas va désormais employer la manière forte. Finies les « unités dédiées » (UD) de prévention de la radicalisation, place notamment aux « quartiers pour détenus violents » (QDV) censés contenir les profils les plus dangereux dans un régime de détention proche de l’isolement.

On change tout. Finies les « unités dédiées » (UD) de prévention de la radicalisation en prison testées dans la banlieue parisienne (à Fresnes, Fleury-Mérogis, Osny) ou encore à Lille-Annoeullin. Censées permettre une évaluation complète des détenus radicalisés grâce à une prise en charge individualisée (à travers des entretiens avec des psychologues ou des intervenants extérieurs), l’expérimentation lancée par Christiane Taubira après les attentats de janvier 2015 laissera bientôt place à un nouveau dispositif davantage axé sur la sécurité que sur la déradicalisation, a annoncé Jean-Jacques Urvoas lors d’une conférence de presse, ce mardi 25 octobre.

« Je n’utilise pas le terme de déradicalisation, je ne crois pas qu’on puisse inventer un vaccin contre cette tentation« , a en effet déclaré le ministre de la Justice. Car ce qui intéresse le Garde des Sceaux c’est le « désengagement de la violence ». L’agression de deux surveillants de l’unité dédiée d’Osny le 4 septembre dernier par un détenu condamné pour ses velléités de départ en Syrie n’est sans doute pas étrangère à ce revirement.

Pressé par les surveillants et les syndicats pénitentiaires, qui n’ont cessé de dénoncer le manque de moyens et de sécurité dans les prisons françaises, le gouvernement a donc été contraint de réagir vite et avec fermeté. Les nouvelles mesures annoncées visent ainsi à créer six « quartiers pour détenus violents » (QDV) autrement dit des quartiers de plus haute sécurité, au régime de détention proche de l’isolement.

6 nouveaux « quartiers d’évaluation de la radicalisation »

290 places seront par conséquent créées pour les profils les plus dangereux dans les Maisons centrales (pour longues peines) et 200 autres dans les quartiers disciplinaires (à l’isolement) des maisons d’arrêt. Pour les autres, 120 places seront mises à disposition dans les six nouveaux « quartiers d’évaluation de la radicalisation » (QER), répartis entre les établissements de la région parisienne, de la région bordelaise et du sud. Placés dans ces QER pour une période de quatre mois, ces détenus radicalisés seront ensuite disséminés ou non selon leur dangerosité vers l’un des 27 établissements où sera instaurée une « prise en charge spécifique ».

Une sous-direction de la sécurité pénitentiaire verra de plus le jour en février 2017 avec un bureau central du renseignement pénitentiaire qui devrait permettre de mettre en commun les informations recueillies sur le terrain. Les effectifs du renseignement pénitentiaire, qui ont doublé en 2015, passant de 75 à 186 agents, verront la création de 51 postes supplémentaires prévus dans le budget 2017.

Face à eux, le nombre d’individus à surveiller a lui explosé. 349 personnes condamnées ou en attente de procès sont détenues en France pour des délits ou des crimes de nature terroriste, a de fait précisé Jean-Jacques Urvoas, contre 90 en 2014. Les prisons comptent également deux fois plus de détenus radicalisés que l’an dernier, 1.336 en tout. Parmi eux des femmes, qui seront elles-aussi soumises à un dispositif spécial d’une centaine de places qui comprend notamment une évaluation organisée à Fleury-Mérogis.

« On abandonne la philosophie angélique, on acte que la déradicalisation ça n’existe pas », se félicite d’ores et déjà Jean-François Forget, le secrétaire de l’Ufap-Unsa, syndicat pénitentiaire majoritaire. Le gouvernement a le mérite de chercher une troisième voie « entre la tentation d’un Guantanamo à la française et la dissémination totale » estime lui aussi Alexis Grandhaie, de la CGT Pénitentiaire. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, dénonce quant à elle « les effets pervers » de la distinction faite entre les détenus radicalisés et les autres… 

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