Ceta : l'honneur de l'Europe défendu par les Wallons

Grâce au « non » de la Wallonie, la Belgique permet de bloquer la signature du Ceta. Le vrai scandale n’est pas que 3,5 millions d’individus défendent le bonheur et l’honneur de 496,5 millions contre les représentants de cette majorité, mais que 27 nations aient accepté le déshonneur ou le risque du déshonneur.

Notre civilisation s’illustre chaque jour davantage dans le syndrome du « roi est nu » d’Andersen, où il revient à une petite fille de faire acte de lucidité dans une foule béate d’admiration devant un souverain à poil. Ainsi donc, le projet de Ceta, de son vrai nom « Canada-Eu Trade Agrement » dans sa langue dominante (traduisez Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne), avait été approuvé par 27,5 des 28 états de l’Union. Par chance, au vu du malaise suscité par le Tafta et par le Brexit, le gouvernement français avait demandé que le traité soit mixte, à savoir coopté par la Commission européenne et par les 28 exécutifs, à la grande déception du très barrosien Jean-Claude Junker qui souhaitait que la Commission puisse décider seule d’un accord qui implique l’avenir des peuples. Il s’est donc trouvé par miracle un territoire peuplé d’irréductibles Européens pour dire non à un compromis reniant les valeurs fondatrices de l’Europe. La moitié francophone de la Belgique, dite Wallonie, a eu l’outrecuidance de pointer des articles constituant une menace directe sur le fonctionnement de l’économie et de la société. Le Ceta entend rompre toutes les barrières, au nom du libre échange globalisé euro-canadien, en contournant ou annulant des normes qualitatives protégeant le producteur et le consommateur.    

Cette éthique économique et commerciale, exprimée à travers des réglementations mises en place au nom de la sécurité et de la transparence, mais aussi des appellations et des labels garantissant l’origine et l’authenticité des produits, est évidemment une odieuse entrave au libre échange. Le marché roi autour duquel se recompose l’économie mondiale ne veut plus d’entraves morales. Les grandes multinationales ont besoin de museler les Etats si elles veulent financiariser une fois pour toutes la consommation globalisée.

Les Wallons ont dit « non » à l’une des plus odieuses forfaitures politiques de ce siècleAlors que de Athènes à La Haye et de Lisbonne à Helsinki, en passant par Berlin, Rome et Paris, les dirigeants européens avaient fermé les yeux, au nom d’une omelette que l’on ne fait pas sans casser les œufs, sur des renoncements incompatibles avec l’idée même d’une Europe libre et souveraine (ou alors tout est faux) il est une vieille cité, d’une vieille province, où siège le vrai parlement d’un vrai peuple, qui a dit non à l’une des plus odieuses forfaitures politiques de ce siècle. Frappés de bon sens, de clairvoyance et d’un courage certain, les Wallons, ces « Français d’outre Meuse », ainsi que nombre d’entre eux se revendiquent, ont, à travers leur ministre président, le très européen et socialiste Paul Magnette, refusé d’entériner un traité dont ils considèrent, en toute légitimité, qu’il remet en cause leur sécurité, leur société, leur économie et leur souveraineté nationale.    

Nous n’énuméreront pas ici tous les points d’achoppements provoquant le refus belge, sinon le plus emblématique de tous, celui qui prévoit que des tribunaux spéciaux pourront recevoir la plainte de firmes étrangères attaquant en justice un Etat dont le changement de réglementation pourrait constituer un préjudice pour leurs intérêts financiers. «T’as vu jouer ça où ? » serait-on tenté de lancer au concepteur de cette sinistre plaisanterie. Vous imaginez Nutella traînant la France devant le tribunal parce qu’une taxe anti-huile de palme entamerait ses bénéfices ? Vous imaginez Coca Cola portant plainte contre Berlin si le Bundestag décidait une réduction de la dose d’aspartam dans les sodas lights ? Vous imaginez Mac Do faisant condamner l’Italie au titre que le parlement de Rome souhaiterait limiter le taux de matière grasse dans un hamburger ?

Cela, 27 états européens plus la Flandre en avait accepté le principe. Le vrai scandale n’est donc pas que 3,5 millions d’individus défendent le bonheur et l’honneur de 496,5 millions contre les représentants de cette majorité, mais que 27 nations aient accepté le déshonneur ou le risque du déshonneur. Ce « Non » belge est donc un « Oui » à une Europe des citoyens et des nations dont la communauté de destin s’appuie sur une économie porteuse de concurrence libre et non faussée. Gageons que d’autres voix et d’autres consciences s’y joindront. Ici Namur !

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