France Télévisions : la Cour des comptes alerte sur un paquebot en dérive financière

La Cour des comptes a remis ce lundi un rapport très critique sur le fonctionnement de France Télévisions, dont elle déplore une gestion trop peu rigoureuse qui placent le groupe en situation d’« impasse financière ».

C’est un rapport cassant qu’a remis ce lundi 24 octobre la Cour des comptes sur France Télévisions. Après s’être penchés de 2009 à 2015 sur le groupe doté de 2,5 milliards d’euros de fonds publics (2015), les magistrats pointent tout à la fois une gestion désastreuse, de mauvais choix et des réformes insuffisantes qui ont conduit la télévision publique dans une situation d’« impasse financière ». Si France Télévisions a fait revenir son résultat net comptable à l’équilibre en 2015, son déficit d’exploitation reste en effet de 30 millions et atteindra selon la Cour 34 millions à la fin 2016.

Une mauvaise gestion

Le rapport souligne donc en premier lieu qu’une maîtrise des dépenses est indispensable. Ciblant en particulier la masse salariale : passés de 10.211 postes équivalent temps-plein en 2009 à 9.932 en 2015, les effectifs ont baissé de 2,7% en six ans mais quasi exclusivement sur les emplois non permanents (-15,4%). Ce à quoi l’équipe de Rémy Pflimlin (qui a présidé le groupe de mi-2010 à mi-2015) répond qu’il s’agit surtout de CDD devenus permanents… à la demande expresse de l’Etat.

Pour encadrer ces dépenses, France Télévisions a impulsé, entre 2009 et 2012, un processus d’entreprise unique qui consistait à regrouper une quarantaine de sociétés. Sauf que le rapport rendu met en lumière les ratés de cette entreprise unique « inaboutie », qui ont empêché l’ensemble de tirer profit de la fusion. En cause notamment, une insuffisante différenciation éditoriale des différentes chaînes, responsable d’une baisse globale des audiences sur la période 2008-2015.

Et les magistrats ne semblent guère parier sur un redressement grâce au lancement cet été de la chaîne d’information en continu Franceinfo, dont ils mettent sérieusement en doute les conditions : « Conduit à marche forcée, ce projet novateur – dont le coût en année pleine ne sera connu qu’en 2017 – présente (…) un risque sérieux de dérapage financier ».

Des investissements hasardeux

Face à la difficulté de réduire ses charges, la direction de France Télévisions a coupé dans le budget des programmes, passé de 1,124 à 1,068 millions entre 2011 et 2015, soit une baisse de 5,1%. Un choix peu judicieux, déplorent les magistrats : « Dans un environnement où l’investissement sur les contenus est essentiel pour résister à la concurrence de Netflix ou Amazon, il n’est pas certain que cet arbitrage, au détriment des achats de programmes, constitue la façon la plus appropriée de préparer l’avenir ». 

Même problème pour le numérique, dans lequel l’entreprise n’a pas investi autant qu’elle aurait dû le faire.

Des responsabilités, à tous les étages

Si les responsables de cet échec sont nombreux, l’État, qui détient 100% du groupe, y a sa part. Notamment parce que l’encadrement financier et les choix stratégiques fixés pour France Télévisions n’ont pas été « suffisamment clairs ». Aussi, la réduction des revenus publicitaires, voulue par Nicolas Sarkozy en 2012, a contribué à plonger le groupe dans le malaise financier dans lequel il est aujourd’hui.

La gestion de Rémy Pflimlin est également ciblée. À la tête de France Télévisions entre 2010 et 2015, il a réagi dans Le Monde à la publication du rapport pour défendre son bilan : « La fusion des rédactions a été engagée, ce qui était attendu de France Télévisions depuis des décennies. (…) Je pense que donner à croire que France Télévisions ne peut pas bouger, c’est la desservir au lieu d’encourager ses équipes. »

Les magistrats l’invitent l’actuelle directrice de France Télévisions, Delphine Ernotte, à revoir le modèle économique de l’entreprise et à envisager par exemple une nouvelle stratégie pour le réseau régional des France 3, « très dense, trop coûteux et pas adapté à la nouvelle carte des régions ». Quelques semaines après la brutale éviction de Vincent Meslet, directeur exécutif de France 2, décidée par Delphine Ernotte pour causes de « divergences sur la stratégie », et alors que la nouvelle grille des programmes de la chaîne phare du groupe a du mal à prendre, les dossiers chauds s’accumulent sur le bureau de la direction.

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply