Alors que les salariés de la chaîne info du groupe Canal+ entament leur huitième jour de grève, la situation est toujours plus kafkaïenne.
Le feuilleton serait du plus haut comique si la crédibilité d’une chaîne d’information n’était pas en jeu. La direction d’iTélé annonce dans un communiqué ce lundi 24 octobre « la suspension pour des raisons opérationnelles » de Morandini Live, l’émission quotidienne animée depuis une semaine par Jean-Marc Morandini, dont l’arrivée à l’antenne a provoqué une grève qui ne s’est pas essoufflée depuis. Toutefois, la chaîne info du groupe Canal+ (propriété de Vincent Bolloré) assure que le programme « reprendra dès l’arrêt de cette grève »… Voilà donc iTélé plongée dans une situation proprement surréaliste : l’émission de Morandini est arrêtée jusqu’à la fin d’une grève… qui vise précisément l’arrêt de l’émission de Morandini !
Depuis une semaine, Morandini Live, entre 18 heures et 19 heures, était le seul programme en direct sur iTélé, qui doit se cantonner à des rediffusions en raison de la grève. Une émission lunaire dans laquelle les « enquêtes » sur les salaires des stars de la télé américaine alternaient avec les chroniques d’une « spécialiste en politique française » exerçant en réalité le métier de consultante RH, ou encore d’une « spécialiste de la télévision américaine » intervenant « en duplex » de Los Angeles – vérification faite, elle n’était autre que la fille d’une autre chroniqueuse de l’émission et n’était pas du tout à Los Angeles. Selon Le Figaro, de nombreux annonceurs ont fait savoir à la chaîne qu’ils ne souhaitaient pas que leurs spots publicitaires soient diffusés pendant la tranche de Morandini…
De leur côté, les grévistes ne désarment pas. Un peu plus tôt ce lundi, les salariés de la chaîne ont reconduit leur mouvement pour 24 heures supplémentaires, à 85% des voix. Un nouvel épisode a fait monter la tension d’un cran ce week-end : les affaires personnelles de certains journalistes ont été jetées à la poubelle lors d’un déménagement brutal des bureaux d’iTélé pour faire de la place à la rédaction du quotidien gratuit Direct Matin, lui aussi propriété de Bolloré.
La semaine dernière, après avoir reçu les responsables du groupe Canal, le CSA avait « manifesté sa vive préoccupation quant à la pérennité de la chaîne I-Télé » et avait surtout « insisté sur la disproportion entre les enjeux liés à l’avenir de cette chaîne qui suppose un engagement au service d’un projet collectif clair et ceux propres à la situation individuelle d’une personnalité des médias« .
Mais pour l’heure, la direction ne cède toujours pas aux revendications des salariés qui réclament, outre le départ de Jean-Marc Morandini, une charte éthique et des moyens supplémentaires. En revanche la grève l’a contrainte à faire marche arrière sur le changement de nom et d’habillage visuel d’iTélé, qui devait être rebaptisée CNews ce lundi. Ce lancement est « reporté » à une date non précisée. Vincent Bolloré serait-il en train de s’apercevoir qu’il est difficile de faire tourner une chaîne de télévision en se passant de ses journalistes ?
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