Démantèlement de la "Jungle" de Calais : certains l’aiment show…

Dès ce lundi 24 octobre commence l’expulsion de la « Jungle » de Calais. Plus de 6.000 personnes sont concernées. Une opération exceptionnelle pour l’administration française et une aubaine pour les médias. Mais dont il faudra attendre longtemps pour connaitre le résultat.

C’est donc parti pour le démantèlement tant attendu de la « Jungle » de Calais. Dès ce lundi 24 octobre au matin, les migrants (environ 6.800 selon les estimations) seront appelés à sortir du camp où ils s’entassent en espérant passer au Royaume-Uni. Et ils seront répartis dans environ 160 centres d’accueil et d’orientation (CAO). Si les Français se demandent pourquoi les médias en parlent soudain autant, c’est parce que cette opération, une première en France, avec un enjeu politique majeur pour le gouvernement,  sera autant médiatique que policière ou humanitaire.

Pour l‘occasion, le ministère de l’Intérieur a décidé de jouer la « transparence la plus complète », comme annoncé lors d’un point de presse « off » place Beauvau et à la préfecture jeudi après midi . Toutes les administrations sur le pied de guerre étaient représentées : de la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio,  au directeur de l’OFII Didier Leschi, celui de l’OFPRA Pascal Brice, de la PAF et le cabinet de la ministre du Logement.

Bernard Cazeneuve joue la transparence

Ils ont détaillé le dispositif qui devrait permettre de vider « la lande » (vrai nom de la Jungle) en une semaine environ, espère-t-on : le nombre de places disponibles (7.500), le nombre de cars mobilisés (60 lundi, puis 45 mardi, 40 mercredi), les trajets de jour et de nuit, les paniers repas et les arrêts pipi avec présence policière pour éviter les fuites sur les aires d’autoroute ! Mais aussi le nombre de policiers et gendarmes (1.250), la taille du hangar servant de « sas » (3.000 m2) entre la Jungle et l’extérieur, le tri entre majeurs, mineurs, familles, vulnérables… Il ne semblait pas manquer un bouton de guêtre à cette opération historique. Même pas de places en centres de rétention pour les récalcitrants, ce que l’on a appris par ailleurs par la Cimade. Ni non plus les perturbateurs, puisque la police estime à 150 le nombre de « no borders », français ou étrangers déjà présents sur zone ! Mais ce n’est qu’après avoir livré bataille qu’on sait si on avait oublié quelque chose…

Bernard Cazeneuve et son équipe ne veulent surtout pas encourir le risque de se voir reprocher une once d’opacité, et encore moins d’attenter « à l’Etat de droit ». Alors, promis-juré, les journalistes (accrédités)  pourront aller partout (ou presque) où ils voudront – sur la Lande, au centre de tri – ou grimper à bord des cars, y compris pour accompagner les expulsés jusqu’à leurs nouveaux logis, et même venir au PC opérationnel installé au ministère de l’Intérieur lui-même.

Cela promet un déluge d’images : on pourra voir dans l’étrange lucarne des migrants au tri, des migrants dans un car, des migrants dévorant un sandwich SNCF, des migrants bien accueillis dans un village breton ou occitan, ou mal accueillis par des populations chauffées par les politiques de droite, des policiers en faction ou en action, des ministres s’inquiétant du déroulement des opérations, des manifestants hostiles refoulés à Calais, voire des députés britanniques s’inquiétant du respect des droits humains par les autorités françaises, bien à l’abri à Westminster…  Même si on n’aura pas accès au centre de rétention, la semaine de show télévisuel est assurée, en plus pour pas trop cher, quelle aubaine pour les chaînes d’info…

Derrière les images, le vrai bilan…

Mais le bilan réel d’une telle opération, dont personne à Marianne ne doute de l‘utilité, ne pourra être tiré que bien longtemps après que les caméras auront abandonné le Calaisis. Car il faudra en premier lieu savoir où sont passés les candidats au passage en Angleterre qui auront préféré ne pas monter dans les cars. Plus de 2.000 auraient déjà fait leurs baluchons pour ne pas être pris dans les mailles du filet. Ensuite combien parmi ceux qui ne peuvent pas accéder au statut de réfugiés auront été reconduits soit chez eux, soit dans les pays où ils ont déjà été enregistrés en Europe.

Mais surtout quelle sera l’attitude du gouvernement britannique ? On pense aux 1.191 mineurs isolés à Calais. La moitié d’entre eux ayant des liens familiaux de l’autre côté de la Manche et donc le droit d’entrer au Royaume-Uni. Pour l’heure, Londres n’en a accepté que 200… Des adultes aussi pourraient prétendre au même (heureux) sort : les règlements de Dublin sur l’asile permettent au gouvernement d’un pays d’élargir ses critères, par exemple aux conjoints de personnes déjà admises légalement sur leur territoire, ou d’autres liens de parenté. L’administration française pourrait faire passer les demandes des migrant(e)s à ce titre à l’administration anglaise.  Tenace, Bernard Cazeneuve a tenté à plusieurs reprises d’obtenir l’accord de son homologue britannique, sans recevoir de véritables assurances. Et nos « amis » britanniques ne semblent pas pressés : le nombre de fonctionnaires dépêchés en France pour aider la France est passé de 1 à …2 ! Tiens, ceux-là, on ne sait pas si on pourra les filmer ou les interroger… Pas grave, the show must go on

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply