Présidentielle 2017 : vivement Noël !

Tant que l’on ne connaîtra ni le nom du candidat de la droite, ni la décision du président de la République de se représenter ou non, les éditorialistes en seront réduits à des évidences provisoires…

Impossible de le nier : à propos de la présidentielle, nous sommes dans le pot au noir, c’est-à-dire dans cette zone de brumes épaisses redoutée des aviateurs et des marins. Tant que l’on ne connaîtra ni le nom du candidat de la droite, ni la décision du président de la République de se représenter ou non, les éditorialistes en seront réduits à des évidences provisoires – Alain Juppé est aujourd’hui le favori des quatre tours de cette course d’obstacles – ou à des spéculations gratuites du type : en cas de retrait de François Hollande, Manuel Valls pourrait-il créer la surprise ? Rendez-vous donc à la mi-décembre.

En politique, il ne faut jamais tenir pour acquises les tendances du moment ; il ne faut jamais prolonger mécaniquement les courbes, car l’Histoire est faite des changements de pente et des ruptures dans les évolutions. Mieux vaut donc tenter de comprendre quelle est l’équation propre à chacun des principaux candidats, ainsi que son projet personnel.

1. Jean-Luc Mélenchon ou la gauche identitaire. Entre deux options possibles, ou bien donner une chance à la gauche ou bien punir François Hollande, Jean-Luc Mélenchon et ses partisans n’ont pas hésité un instant : c’est la seconde qu’ils ont choisie. En annonçant sa candidature et en commençant sa campagne en ne consultant personne, pas même ses alliés communistes, «M. Onzepourcent» (c’est son score à la précédente présidentielle) a ruiné toutes les chances d’une primaire de gauche pour la désignation d’un candidat unique. On dit que cette nature narcissique n’a pas supporté les rebuffades que lui a souvent infligées François Hollande. Plutôt Juppé que Hollande : telle est la conséquence ultime de cette décision.

Mélenchon est néanmoins trop lucide pour imaginer qu’il pourrait être élu président. C’est pourquoi son programme, qu’il fait adopter par des militants tirés au sort, ne prétend nullement à la cohérence. Il n’est pas fait pour être appliqué, mais pour être affiché. Il multiplie les occasions de jouissance pure, les propositions gratifiantes. Telle est la gauche identitaire. Après tout, il n’est écrit nulle part que le but exclusif de la politique de gauche soit d’exercer le pouvoir. Il pourrait être aussi de jouir de soi-même. Au total, Mélenchon aura raté sa carrière et réussi sa vie. Il n’est pas homme à le regretter.

2. Arnaud Montebourg ou la tentation de l’union nationale. Arnaud Montebourg est en train d’accomplir le chemin inverse de celui de Mélenchon. Parti pour prendre rang en prévision de 2022, il se dit que la faiblesse persistante de François Hollande dans les enquêtes d’opinion pourrait accélérer les échéances et modifier son propre carnet de route. Parti, comme Mélenchon, pour ignorer la primaire socialiste, les sondages lui proposent aujourd’hui une chance non négligeable de la gagner. D’où une modification à vue d’œil de sa posture. Le franc-tireur arrogant de naguère a adopté un ton plus calme, un discours plus réfléchi, un style discrètement présidentiel. A considérer la Ve République comme une éventualité, il parle beaucoup moins de la VIe comme d’une panacée. Sur les questions qui touchent à l’islam, ainsi qu’à l’immigration, il est d’une remarquable prudence. Et, surtout, il se veut le candidat de la recomposition économique du pays : «Je veux une alliance des forces productives – ouvriers, cadres, patrons – autour de notre appareil industriel.»

Voilà qui n’est guère «lutte des classes», et qui ressemble plutôt à une version de gauche de l’union nationale, fondée sur le patriotisme industriel. On est ici plus proche de Chevènement que de l’extrême gauche politique. C’est une attitude séduisante pour l’esprit ; mais un tel programme, adossé à une posture générale de gauche, laissa Jean-Pierre Chevènement à l’étiage de 5 % lors de la présidentielle de 2002. Arnaud Montebourg avance à pas de loup ; mais c’est un homme qui n’a pas achevé sa mue.

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