L’historien Vladimir Fédorovski revient sur les relations entre la Russie du « psychorigide » Vladimir Poutine avec l’Occident. Pour lui, nous payons aujourd’hui les conséquences d’une « incompréhension durable de la position russe ».
Marianne : Les Occidentaux doivent-ils, selon vous, avoir peur de la Russie poutinienne ?
Vladimir Fédorovski : Non, ils doivent plutôt tenter de comprendre comment Vladimir Poutine a construit son ascension depuis les années Eltsine. Ils ne doivent pas s’enfermer dans l’interprétation de la sortie de la guerre froide donnée par la majorité des stratèges américains. Le schème de la « fin de l’Histoire », popularisé par de nombreux géostratèges washingtoniens, a permis l’incompréhension durable de la position russe. Nous en payons, aujourd’hui, les conséquences. En tant que cofondateur, à l’époque, du premier parti démocratique russe, j’ai vu, dans la proximité amicale des dissidents, pourquoi le communisme a été tué : il a été tué parce que la dissidence intérieure au système n’en voulait plus. Dès que Gorbatchev a rompu avec la terreur, le système s’est effondré comme un château de cartes. Les Russes, il faut bien en avoir conscience, poursuivaient le rêve de construire un nouveau monde. Les Américains n’y ont donc joué qu’un rôle secondaire. La stratégie américaine, alors, n’était pas plus concluante et tangible qu’aujourd’hui.
Y a-t-il eu, depuis l’époque de la perestroïka, un regain de la conflictualité Est-Ouest ?
Oui, il faut bien voir que, dès les débuts de la période postcommuniste, les Etats-Unis ont cherché à affaiblir la Russie et à renforcer l’Ukraine. Cela a été une stratégie délibérée. Aujourd’hui, l’Occident continue sur cette erreur de départ et s’auto-intoxique. D’abord par l’intensité des calomnies à son endroit…
Poutine a quand même poussé le bouchon un peu loin, et depuis longtemps… Souvenez-vous de l’époque où il promettait de « butter » les Tchétchènes jusque dans les chiottes…
Oui, c’est vrai ! Mais je crois que cette formule a été mal comprise. Poutine fixait surtout ainsi à la Russie ses deux priorités stratégiques : 1. combattre l’islamisme ; 2. ne pas reculer face à l’Occident, notamment l’Otan. Vous savez, Poutine est un psychorigide, il dit ce qu’il fait…
La France devrait-elle rectifier l’orientation de sa diplomatie ?
La France a été forte quand elle a joué son rôle de go-between avec la Russie. Aujourd’hui, vingt-cinq ans après la chute de l’URSS, le monde traverse une des périodes les plus dangereuses de son histoire. Je suis de ceux qui plaident pour une rectification radicale de trajectoire. Il ne faut pas humilier la Russie – surtout pas !
*Vladimir Fédorovski est historien. Il publie un Dictionnaire amoureux de Saint-Pétersbourg (Plon, en librairie le 27 octobre).
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