Lettre d’un vieux flic à ses jeunes collègues : "Ne lâchez rien sinon nos enfants en pâtiront"

Alors que les policiers appellent à un nouveau rassemblement « sauvage » ce mercredi soir à Paris, nous avons décidé de donner la parole à un major proche de la retraite après une carrière entière passée sous l’uniforme – comprenez que nous ne divulguions pas son identité. Mieux qu’une dissertation sur les raisons qui ont poussé les collègues du policier blessé dans le quartier de la Grande Borne (Essonne) à défiler sur l’avenue des Champs-Elysées à bord de leurs voitures de service, comme les gendarmes le firent en 2002, son adresse à ses jeunes collègues en dit long sur la révolte qui couve dans les rangs.

« Dans deux ans, je suis à la retraite, mais je suis exaspéré pour vous. Ne lâchez rien, sinon ce sont nos enfants qui en pâtiront. Le seul rempart républicain – hors état de guerre -, c’est la police. C’est elle qui doit faire régner l’ordre sur le territoire et faire en sorte que l’immense majorité silencieuse n’ait pas peur. Ne reculez pas devant les menaces de la hiérarchie, face à cette administration qui veut acheter la paix sociale. Vous êtes les seuls à savoir exactement ce qui se passe dans le pays, puisque tout passe par vous. Nous, les anciens, nous monterons au créneau s’il le faut.

« Votre intégrité physique est plus menacée que la nôtre ne l’a jamais été »

Votre intégrité physique est plus menacée que la nôtre ne l’a jamais été. Le danger est plus prégnant, même s’il y a 20 ans, retranchés dans ce commissariat des Yvelines où j’exerçais alors, nous avons reçu nous aussi des cocktails Molotov. Déjà. Je passais pour un méchant parce que je leur demandais d’enlever la casquette dans le commissariat et de ne pas insulter ma femme. S’ils continuaient, je leur mettais la tête contre le bureau. Plusieurs ont porté plainte et la troisième fois, la hiérarchie a considéré que je les provoquais. La justice a mis en doute ma crédibilité. « Diantre, veuillez arrêter, je suis fort marri de votre comportement », c’est ce que j’aurais du leur dire. J’ai préféré demander ma mutation.

Les malfrats veulent qu’on ne leur fasse pas de mal quand on les arrête, même s’ils ont braqué huit fois le boulanger. Pourtant, lorsque tu as face à toi des individus prêts à toutes les barbaries, nous devons avoir les moyens de nous défendre. Si tu ne leur fais pas peur, ils reviennent…

« Ceux qui vous attaquent aujourd’hui ont plus de moyens que vous »
Il y a longtemps que la peur a changé de camp, mais avant, on n’osait pas le dire, par pudeur et par crainte de passer pour des poules mouillées. Ceux qui vous attaquent aujourd’hui ont plus de moyens que vous. Ils sont mieux armés, plus nombreux et mieux soutenus. Dites-le à la population, car l’Etat va le nier. Dites que vous voulez faire votre travail et qu’on vous laisse la possibilité de le faire. Si vous faites ce métier, c’est que vous êtes courageux.  

La violence que vous subissez est de plus en plus lourde. Il va peut-être falloir revoir certains cadres juridiques qui n’ont pas bougé depuis les années 50 ! Nos patrons sont dépassés par les événements. Leur façon de répondre à la colère en proposant des voitures blindées et des vêtements non inflammables est d’un ridicule déconcertant. Le rappel à la déontologie effectué ce matin dans les services n’est pas passé. Cela relève d’une forme d’infantilisation. Si vous avez décidé de manifester, de vous regrouper et de vous montrer solidaires, c’est que vous êtes au bout du rouleau, physiquement et psychiquement fatigués.  

Vous êtes l’avenir de notre police et nous devons tous vous soutenir ».   

  

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