Spoiler : alors que le CSA a reçu à ce jour pas moins de 2.526 plaintes contre l’émission de Cyril Hanouna du 13 octobre, la chaîne C8 devrait une nouvelle fois s’en sortir sans sanction. On vous explique pourquoi.
Plus d’un millier de plaintes et puis c’est tout ? Alors que le CSA, autorité de régulation de l’audiovisuel, a reçu à ce jour selon les informations de Marianne pas moins de 2.526 plaintes à la suite d’une séquence scandaleuse qui s’est déroulée le jeudi 13 octobre au cours des 35 heures de Touche pas à mon poste présentées par Cyril Hanouna sur C8, où le chroniqueur Jean-Michel Maire a embrassé le haut du sein d’une jeune femme qui venait pourtant de lui refuser un baiser sur la bouche, les perspectives de voir enfin l’émission ou la chaîne sanctionnées paraissent minces.
Cela fait pourtant la cinquième fois depuis l’an dernier que le CSA est invité à rappeler la chaîne à l’odre au sujet de TPMP. L’instance l’avait d’ailleurs souligné le 9 mai, quand elle avait émis une « mise en garde » contre D8 (l’ancien nom de C8) après l’incident avec JoeyStarr, qui avait giflé l’un des collaborateurs d’Hanouna, lequel avait ensuite retenu l’antenne en guise de représailles. Regrettant que « cette provocation ait été diffusée en direct » et que « l’animateur, instigateur de celle-ci, ait pu faire part de son envie de représailles » dans une émission « notamment suivie par un jeune public », le CSA avait exprimé « sa vive préoccupation du fait de la récurrence de débordements », insistant sur le fait qu’il « a été conduit à intervenir pour la quatrième fois en moins d’une année concernant cette émission ».
Les trois avis du CSA précédemment émis dans l’année sur TPMP étaient les suivants, qui dressent au passage un portrait assez édifiant de l’émission :
23 mars 2016 : « intervention auprès de D8 » après qu’un animateur, Matthieu Delormeau, s’est vu verser un bol de nouilles dans le slip lors de l’émission du 25 janvier. N’ayant « pas relevé pour l’heure de manquement caractérisé de la chaîne à ses obligations », le CSA s’était contenté d’une « intervention », estimant tout de même « que la multiplication de ce type de séquences – qui peut être perçu comme une forme d’humiliation – pourrait devenir problématique pour de jeunes téléspectateurs, par la banalisation de telles pratiques ».
1er juillet 2015 : D8 « mise en demeure » après une autre séquence choquante, au cours de l’émission du 11 mai 2015, dans laquelle un invité s’était écrié au sujet d’un groupe étranger dont les membres étaient atteints d’autisme et de trisomie : « On va niquer les trisomiques ». Le CSA avait alors considéré que « ces propos étaient de nature à stigmatiser un groupe de personnes du fait de leur handicap et à alimenter les discriminations », ajoutant que Cyril Hanouna n’était « pas intervenu pour dénoncer, modérer ou reformuler ces propos qui ont provoqué l’hilarité des personnes présentes sur le plateau ».
13 janvier 2013 : « intervention » auprès de D8 après la diffusion non autorisée d’un match de football retransmis sur TF1.
Mais alors pourquoi, après ces interventions répétées, la chaîne du groupe Canal + n’a-t-elle jamais été sanctionnée ? Eh bien la réponse se trouve dans la nature de ces avis. Dans l’ordre de gravité, ils s’échelonnent ainsi : intervention, puis mise en garde et enfin, mise en demeure. Jusqu’ici, TPMP a été l’objet par deux fois de la forme la plus grave, la mise en demeure. La première fois en 2013 pour de la publicité clandestine, la deuxième fois, donc, en juillet 2015 pour les propos discriminants sur les trisomiques.
Pour aller jusqu’à la mise en demeure, contrairement à une intervention ou à une mise en garde, le CSA doit s’appuyer sur un fondement juridique. En l’espèce, la prohibition de la publicité clandestine puis le non-respect des conventions signées par la chaîne sur la lutte contre les discriminations. Dans le cas de la séquence du baiser forcé de Jean-Michel Maire sur le sein d’une jeune femme, d’ores et déjà qualifié d’« agression sexuelle » par la ministre du Droit des femmes en personne, il ne fait guère de doute qu’un fondement juridique puisse être trouvé pour une nouvelle mise en demeure de la chaîne. Et donc pour une sanction ? Pas si vite…
En effet, le règlement du CSA prévoit bien que dans les cas les plus problématiques, le Conseil puisse saisir un rapporteur indépendant qui, après instruction du dossier, peut lui recommander d’appliquer des sanctions, lesquelles peuvent aller d’une amende à la suspension de l’émission en question, voire au retrait pur et simple du canal de diffusion de la chaîne. Mais pour en arriver à la saisine du rapporteur, il faut que la chaîne ait cumulé au moins deux mises en demeure… sur le même fondement juridique ! Or, « l’affaire Maire » serait la première concernant les droits des femmes, a fortiori pour une agression sexuelle.
En résumé, C8 peut tranquillement cumuler les mises en demeure, tant que celles-ci sont basées sur des manquements à la loi différents les uns les autres. Jointe par Marianne, la chaîne considère d’ailleurs que l’affaire est close depuis qu’elle a réinvité, ce lundi 17 octobre, Soraya Riffy dans TPMP, et que Jean-Michel Maire lui a présenté des excuses publiques. Quant à la question de savoir si en interne, et avant même une éventuelle mesure du CSA, des consignes ont été données à ses employés pour faire preuve d’un peu plus de mesure dans leurs agissements sur le plateau, voici la réponse de C8 : « Quelle consigne voulez-vous qu’on donne ? C’est une émission potache »…
>> Cet article a été mis à jour avec le dernier décompte des plaintes par le CSA.
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