Nicolas Sarkozy, autoproclamé « candidat de la majorité silencieuse », veut organiser un référendum au second tour des élections législatives, le 18 juin 2017. Encore une idée brillante.
Pour redonner la parole au peuple, quoi de mieux qu’un référendum ? N’en déplaise à ses réticences passées, Nicolas Sarkozy, autoproclamé « candidat de la majorité silencieuse » se plaît à évoquer depuis quelque temps l’organisation d’une consultation populaire le jour du deuxième tour des élections législatives, le 18 juin 2017. « Tous mes concurrents n’ont à la bouche que le mot de démocratie participative. Mais quand c’est le référendum, ils veulent moins de participation« , a-t-il cinglé dimanche 16 octobre sur le plateau de C8.
Lui président, ce référendum porterait sur trois questions qui n’ont rien à voir entre elles. Premièrement, l’enfermement préventif des fichés S « les plus dangereux ». En second lieu, la suspension du droit au regroupement familial. Enfin, la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires. Sauf que contrairement à ce qu’affirme l’ex-chef de l’Etat, cette proposition s’avère hautement irréaliste, tant en ce qui concerne la date promise que le contenu du texte soumis au vote.
Le choix du 18 juin 2017 semble a priori absurde. Comment proposer un référendum alors qu’une Assemblée à majorité de gauche est toujours en place ? Ce n’est pourtant pas le point qui pèche le plus dans le plan de Nicolas Sarkozy. La voie envisagée par l’ancien Président est celle de l’article 11 de la Constitution. Ce texte permet bel et bien au président de la République d’organiser une consultation populaire contre l’avis de l’Assemblée nationale. Selon cet article, le chef de l’Etat peut en effet organiser une consultation populaire sur simple proposition du Premier ministre. Il suffit ensuite qu’une présentation du texte suivie d’un débat sans vote soit organisée à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Imaginez donc. Nous sommes entre le 15 mai 2017, date de prise de fonctions du nouveau chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy dans cette hypothèse, et le 11 juin, jour du premier tour des élections législatives. Le Premier ministre François Baroin (au hasard) vante les mérites de l’internement préventif des fichés S devant une majorité de députés socialistes ébahis. Ceux-ci pourraient très bien… déposer une motion de censure et renverser le gouvernement. Dans cette hypothèse, François Baroin doit donc démissionner quelques jours après sa nomination ! Belle crise insitutionnelle pour démarrer un quinquennat. Nicolas Sarkozy pourra toutefois choisir de laisser son Premier ministre en place jusqu’aux élections législatives, et pourra même le renommer en cas de victoire… Tout un pataquès pour un référendum.
Une telle situation n’empêcherait cependant pas la tenue du référendum. En 1962, le Général de Gaulle a d’ailleurs précisément outrepassé la censure de son Premier ministre Georges Pompidou pour organiser son référendum (gagnant) sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Une autre disposition de cet article 11 de la Constitution pourrait en revanche réduire à néant les promesses de Nicolas Sarkozy. Selon cet article, le référendum ne peut être organisé sur n’importe quel thème :
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent.«
La question sur la réduction du nombre de parlementaires paraît entrer dans ce champ, comme le confirme Jean-Philippe Derosier, professeur de droit constitutionnel à l’université Lille II : « Cette question entre dans le cadre de l’organisation des pouvoirs publics, elle peut donc être soumise à référendum. » Pour l’internement des fichés S et l’interdiction du regroupement familial, l’universitaire estime que cela n’est pas le cas : « Nicolas Sarkozy pourrait affirmer que ces sujets sont relatifs à la ‘politique sociale de la nation’, mais par ce terme, le Conseil constitutionnel désigne habituellement ’les rapports sociaux du travail’. Il y a donc toutes les chances pour qu’il empêche la tenue d’un tel référendum. »
Au moment de la révision constitutionnelle de cet article, en 1995, pour élargir le champ du référendum, le garde des Sceaux Jacques Toubon avait d’ailleurs expressément écarté devant l’Assemblée nationale son utilisation pour des questions tendant aux « libertés publiques » ou au « droit pénal »:
« Il est des sujets qui me paraissent devoir impérativement relever de la voie parlementaire. Il s’agit d’abord des questions dont l’examen relève des prérogatives traditionnelles du Parlement, comme les libertés publiques, le droit pénal ou encore les lois de finances. Il en est de même des questions de souveraineté comme la police, la défense et la politique étrangère. Pour d’autres sujets, le référendum, qui demeure toujours l’exception par rapport à la voie parlementaire, est souhaitable lorsqu’une grande question est en jeu.«
Mais le Conseil constitutionnel peut-il vraiment annuler l’organisation d’un référendum ? Il ne l’a jamais fait. En 1962, les juges de la rue de Montpensier ont d’ailleurs admis qu’ils ne pouvaient contrôler la validité d’un référendum adopté par les Français car il constitue « l’expression de la souveraineté populaire ».
Pour Jean-Philippe Derosier, le cas de figure envisagé par Nicolas Sarkozy aurait toutefois toutes les chances d’aboutir à une décision inédite : « le Conseil constitutionnel ne contrôle pas la validité des référendums après le vote. En revanche, depuis une jurisprudence de 2000, il contrôle les actes préparatoires à un tel scrutin. Il pourrait donc annuler le décret de convocation du référendum« .
Cette décision provoquerait à n’en pas douter une déflagration politique. Mais l’universitaire estime pour autant que « le Conseil constitutionnel, gardien des libertés fondamentales, choisira cette solution, certes délicate, plutôt que de laisser passer un projet de loi comme l’internement des fichés S, lequel porte atteinte à plusieurs droits consitutionnels comme la présomption d’innocence. » Si Nicolas Sarkozy décidait de passer outre cette décision et organisait quand même le référendum, il réaliserait selon le juriste « un véritable coup d’Etat« .
S’il veut quand même faire voter cette loi par référendum, Nicolas Sarkozy le peut mais il doit utiliser l’article 89 de la loi fondamentale, relatif aux révisions constitutionnelles. Cette procédure nécessite des votes conformes du Sénat ainsi que de l’Assemblée nationale… et donc de disposer d’une majorité de députés. Ce qui rendrait le délai du deuxième tour des élections législatives impossible à tenir. Satanées « arguties juridiques ».
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