Florange : sur ses 5 promesses, combien Hollande en a-t-il tenues ?

En février 2012, le candidat à la présidentielle François Hollande avait assuré aux salariés d’ArcelorMittal à Florange : « Je ne veux pas, moi, me retrouver dans la situation d’être élu un jour sur une promesse et ensuite de ne pas revenir parce qu’elle n’aurait pas été tenue ». Plus des quatre ans plus tard, le président Hollande est de retour sur place, avec bien peu de résultats…

On se souvient de l’image : le candidat Hollande perché sur le toit d’une camionnette des salariés d’ArcelorMittal à Florange, en Moselle. C’était le 24 février 2012. On se souvient moins de ses promesses exactes… Quatre ans et demi plus tard, alors qu’il se rend de nouveau à Florange ce lundi 17 octobre, le président de la République assure dans les journaux lorrains :

« Je leur avais fait deux promesses : sauver le site et éviter tout plan social. Elles ont été tenues. Les 650 salariés qui travaillaient sur le haut fourneau ont été reclassés sur place et aucun n’a été licencié. »

En fait, François Hollande avait pris cinq engagements en 2012, plus précis que les deux objectifs remplis affichés aujourd’hui :

Rouvrir les hauts fourneaux

« Je sais ce que vous espérez, c’est-à-dire que les hauts fourneaux puissent rouvrir et que vous fassiez en sorte d’avoir une industrie sidérurgique moderne et d’avenir. Le premier engagement, c’est de faire en sorte que nous défendions notre filière d’excellence, la filière sidérurgique ! Et je (…) qu’ici se fabrique le meilleur acier d’Europe (…), d’où l’enjeu de la réouverture. »

NON TENUE : C’est bien simple, les hauts fourneaux du site d’ArcelorMittal à Florange n’ont jamais rouvert depuis 2011. Ce n’était de toute façon même pas prévu par l’accord signé le 30 novembre 2012 entre son PDG indien et l’Etat, engageant le groupe à investir « au moins 180 millions d’euros sur 5 ans » à Florange et à sauver les emplois menacés. Quatre ans plus tard, assure le sidérurgiste, « 200 millions d’investissements » ont été autorisés depuis 2013, dont « 156 millions déjà réalisés ou en cours de réalisation en octobre 2016 ». Mais selon la CGT du site, seuls 53 millions ont été versés pour des investissements stratégiques. Quant aux 629 salariés des hauts-fourneaux dont les emplois étaient menacés, ils ont effectivement presque tous été reclassés à Florange. Mais ce n’était pas la promesse du candidat Hollande.

Imposer par la loi aux groupes de céder les sites qu’ils veulent fermer

« Je suis venu aussi vous dire que si Mittal ne veut plus de vous (…), je suis prêt, parce que je viens aussi ici comme député, à ce que nous déposions une proposition de loi qui dirait la chose suivante : quand une grande firme ne veut plus d’une unité de production mais ne veut pas non plus la céder, nous en ferions l’obligation pour que des repreneurs viennent et puissent donner une activité supplémentaire (…) Si elle n’est pas votée d’ici le mois de mai (…) alors quel que soit mon avenir, soit comme président de la République (…) soit comme député, je reprendrai ce texte parce que je vous le dois. »

NON TENUE : Le 29 mars 2014 a bien été voté au Parlement un texte dit « loi Florange », sur l’« obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement ». Une loi qui ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 1.000 salariés, excluant donc les PME. Surtout, un point limite son champ d’action par rapport à ce qui avait été promis : elle ne prévoit que des obligations de moyens et non de résultats. C’est-à-dire qu’un groupe souhaitant fermer un site est contraint « d’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention », « d’examiner les offres de reprise qu’il reçoit » et enfin « d’apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues ». Mais elle n’est en aucun cas tenue d’accepter une offre de reprise. Quant aux pénalités initialement prévues pour les entreprises ne respectant pas cette obligation de recherche d’un repreneur, le Conseil constitutionnel les a censurées, estimant qu’elles « portent une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ». De la même manière que les Sages ont jugé les pénalités pour les entreprises fermant un site rentable « contraires à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété ». Résultat, la « loi Florange » reste un voeu pieu.

Soutenir le projet Ulcos

« Je sais aussi ce qu’est votre attente par rapport au projet Ulcos (…) : dès le mois de mai, je ferai autant pression que nécessaire sur la Commission européenne pour que la décision d’aider ce projet soit prise. »

RATÉ : Le projet européen Ulcos (« Ultra-Low Carbon Dioxide Steelmaking », pour « processus sidérurgiques à très basses émissions de CO2 »), c’était le Godot qui devait un jour venir sauver Florange. L’idée : que Mittal maintienne ses hauts fourneaux en état de marche afin qu’au moins l’un des deux soit transformé dans les six ans en un « démonstrateur industriel » de cette nouvelle technologie permettant de produire de l’acier de manière plus propre. Mais Ulcos n’a jamais vu le jour : trop de « difficultés techniques ». ArcelorMittal l’a remplacé par LIS (pour « Low Impact Steelmaking »). La différence ? Ulcos devait draîner 150 millions d’euros de l’Etat vers Florange, quand LIS n’en ramène que 15 millions. Soit dix fois moins. Et encore, LIS pourrait finalement profiter aux sites d’ArcelorMittal de… Dunkerque (Nord), avait révélé L’Usine nouvelle.

« La recherche sur LIS se poursuit à Maizières-lès-Metz. Nous travaillons sur des pilotes industriels à Dunkerque », indique aujourd’hui au Républicain lorrain Eric Niedziela, qui dirige ArcelorMittal Atlantique et Lorraine. Quant aux millions promis par l’Etat, une part d’entre eux « ont été répartis dans plusieurs petits projets, principalement en Lorraine », assure à Europe 1 le directeur de programme Énergie au Commissariat général à l’investissement. Mais avant d’en arriver là, l’Etat a-t-il tenu sa promesse de soutenir Ulcos ? Officiellement, oui, le Premier ministre de l’époque Jean-Marc Ayrault l’ayant clamé sur tous les tons. Mais son ex-ministre de l’Ecologie Delphine Batho l’accuse d’avoir menti : « L’accord signé entre Matignon et Mittal mentionne explicitement l’abandon du projet Ulcos », a-t-elle révélé sur Arrêts sur images.

Mieux associer les syndicats aux décisions stratégiques

« Je sais aussi que vous attendez des droits nouveaux et j’ai pris l’engagement que dans toutes les grandes entreprises, les organisations syndicales devraient avoir des représentants dans les CE, dans les comités stratégiques, parce que vous êtes aussi en droit d’apporter vous-même votre vision de l’avenir. »

TENUE : Le 14 juin 2013 est votée la loi relative à « la sécurisation de l’emploi », qui prévoit d’améliorer l’information et la consultation des institutions représentatives du personnel, notamment en leur donnant un accès permanent à une base de données regroupant l’information stratégique de l’entreprise dans les domaines économiques et sociaux.

Pénaliser la précarité par rapport au CDI

« Enfin, j’ai entendu le message de notre ami intérimaire, il y en a ici beaucoup, qui sont finalement les variables d’ajustement et à qui on fait subir un sort qui est souvent injuste, indigne (…) eh bien moi je ferai la proposition suivante : les entreprises qui recourent à l’intérim paieront davantage de cotisations chômage que les entreprises qui embauchent et gardent des salariés en durée indéterminée, parce qu’il faut pénaliser le recours à la précarité. »

TENUE… par les syndicats : Depuis le 1er juillet 2013, le taux de la cotisation patronale d’assurance chômage a effectivement été relevé pour les contrats de travail à durée déterminée (CDD). Mais c’est le fruit de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé le 11 janvier 2013, un compromis négocié entre les représentants du patronat et les syndicats de salariés représentatifs. Pour répondre à ces derniers, qui réclament toujours une meilleure valorisation du CDI par rapport aux contrats courts, le gouvernement avait bien envisagé de faire figurer une surtaxation des CDD dans sa fameuse loi Travail portée par Myriam El Khomri. Mais il a finalement reculé face au Medef. La question a donc encore été renvoyée à la négociation chômage entre partenaires sociaux, aujourd’hui en cours, où les syndicats se battent pour une nouvelle taxation des contrats de travail courts.

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