Dans la nuit du dimanche au lundi 17 octobre, le Premier ministre irakien a annoncé la lancement de l’opération visant à reprendre Mossoul, deuxième ville d’Irak, aux mains de l’Etat islamique. Un moment décisif dans la guerre contre l’EI, la prise de Mossoul lui ayant assuré une place prédominante en Irak. L’après s’annonce également difficile à préparer.
C’est une bataille importante. Dans la nuit de dimanche à lundi, le Premier ministre irakien, Haïder-al-Abadi, a annoncé le lancement de l’offensive pour libérer la ville de Mossoul des mains de l’Etat islamique. « Le temps de la victoire est venu et les opérations pour libérer Mossoul ont commencé », a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée. Deuxième ville d’Irak après Bagdad, Mossoul est tout à la fois un enjeu stratégique et symbolique dans cette guerre contre l’EI. Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a lui-même qualifié cette opération de « moment décisif » « pour infliger à Daech une défaite durable ».
Stratégique d’abord. Comme le rappelle le Général Dominique Trinquand contacté par Marianne :
« Mossoul, lorsqu’elle est tombée, a fourni à Daech un apport logistique considérable. D’abord avec les stocks d’armements laissés par l’armée irakienne au moment de sa débandade. Ensuite, par les 450 milliards de dollars en liquide qui se trouvaient dans la banque central irakienne. C’est aussi la ville la plus importante après Bagdad. Sa prise par l’EI lui a assuré de fait, une place prédominante en Irak ».
Symbolique aussi. C’est de Mossoul, après sa prise en juin 2014, qu’Abu Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EI, avait proclamé le califat, provoquant des départs de milliers de candidats au djihad du monde entier. La chute de Mossoul porterait un coup terrible à l’organisation terroriste.
« La ville de Falloujah est tombée en quatre semaines, ce n’était qu’une ville de 200 000 habitants. Mossoul, c’est 1,5 million d’habitants, dont une partie encore difficile à définir favorable à l’EI. C’est aussi plus de 2 000 combattants qui sont préparés, avec un terrain qu’ils connaissent et qui est sûrement truffés de mines. Ce sera une bataille rude », prévient le général Trinquand précisant qu’« en zone urbaine, les positions défensives ont toujours l’avantage ».
D’autant qu’en face, c’est une coalition disparate qui est alignée, composée de forces qui pourraient s’avérer même antagonistes.
Aux côtés de l’armée nationale irakienne, des forces d’élite et de la police nationale qui depuis 2014 ont bénéficé du soutien de l’armée américaine en armes et en formateurs, se trouvent les forces de mobilisation populaire. Des milices paramilitaires en grande majorité chiites qui répondent officiellement au Premier ministre irakien. Dans les faits, elles ont tissé des liens très étroits avec l’Iran. Sur le terrain, elles se sont déjà à plusieurs reprises rendues coupables d’exactions sur des populations sunnites. Or, Mossoul, à la différence de Bagdad est une ville entièrement sunnite.
« Mossoul était tombée très rapidement aux mains des combattants d’Abu Bakr al-Baghdadi. Les civils, depuis l’installation par les Américains d’un pouvoir central dominé par les Chiites, avaient vu d’un œil favorable ces combattants sunnites, las du traitement que leur réservait le gouvernement », note le Général Dominique Trinquand.
Dans sa déclaration, le Premier ministre a d’ailleurs tenu à préciser que « la force qui mène les opérations de libération est la courageuse armée irakienne avec la police nationale, et ce sont elles qui entreront dans Mossoul, pas d’autres ».
On retrouve aussi des troupes kurdes venues du Kurdistan autonome irakien, « 4 000 Peshmergas », selon un communiqué du commandant général des forces kurdes. Elles devraient s’arrêter aux portes de Mossoul. Mais comme l’a relevé Michel Goya, enseignant d’Histoire militaire de la guerre à Science-Po Paris, ce matin sur France Info : « Les Peshmergas kurdes (d’Irak ndlr) […] ont bien profité de la prise de Mossoul, ils n’ont rien fait pour l’empêcher et en ont profité pour s’emparer des champs pétrolifère de Kirkouk ». Les vielles rancunes pourraient être tenaces et empêcher la progression des forces anti-EI.
« Si militairement, la prise de Mossoul sera bien sûr difficile, c’est l’après qu’il faut déjà préparer », pointe également Dominique Trinquand.
« Si l’Etat islamique a pu prospérer aussi vite en Irak, c’était à cause de la situation politique, de cette fracture entre le pouvoir central chiite installé par les Américains et la population sunnite irakienne. Il ne faut surtout pas reproduire les mêmes erreurs », prévient le gradé.
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