Les déclarations à l’emporte-pièce sur le droit d’asile se multiplient en ce début de campagne présidentielle. Un point sur les vrais chiffres de cette partie de l’immigration en France, un sujet souvent caricaturé.
«On sait très bien que dans les demandeurs d’asile, nous allons avoir une extraordinaire majorité, 95%, qui vont être déboutés. Et sur ces déboutés du droit d’asile, il y a en a 1% qui rentreront chez eux !» Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d’Ile-de-France (LR), le 15 septembre dernier. « 95% aujourd’hui des dossiers sont validés, ou en tout cas, une grande partie des dossiers (de demandeurs d’asile) sont validés. » David Rachline, sénateur-maire de Fréjus (FN), le 23 septembre. Si elles se contredisent, ces deux déclarations ont une chose en commun : elles sont erronées. Tour d’horizon des « on dit que » sur le droit d’asile en France.
Un rapport du 8 juillet 2016 livre les chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). En 2015, 80.075 demandes d’asile ont été enregistrées à l’OFPRA. Une augmentation de 23,6% par rapport à 2014. Pascal Brice, le directeur général de l’OFPRA, parle effectivement de « la plus forte hausse au cours de ces quinze dernières années ». Et pour 2016, il estime que le chiffre tournera autour de 100.000. Sauf que les principaux pays d’origine ne sont pas forcément ceux que l’on cite le plus souvent, indique l’OFPRA :
1) République Démocratique du Congo
2) Chine
3) Bangladesh
4) Russie
5) Syrie
L’obtention du droit d’asile se fait à des conditions très précises. Deux statuts sont à différencier : le statut de réfugié, qui dépend de la convention de Genève et concerne les pays signataires, et la protection nationale qui relève d’une juridiction propre au pays. Le premier octroie un statut pour des motifs de race, religion, opinions politiques et orientation sexuelle. Le second s’applique lors de situations ponctuelles comme les guerres (exemple : la Syrie). En France, l’OFPRA est le premier organe à statuer sur l’octroi ou non de l’un de ces deux statuts. Sur les 80.075 demandes enregistrées en 2015, l’OFPRA a délivré 14.119 accords, soit 18% environ (contre 8.763 en 2014).
En cas de décision négative de l’OFPRA, le demandeur se dirige vers la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Celle-ci est en mesure de retoquer la première décision. Et sur les 35.961 dossiers qui lui ont été présentés l’an dernier, 5.387 ont finalement obtenu le droit d’asile, soit 15%. Au total, sur 80.075 demandes, il y en a donc 19.506 qui ont bénéficié du droit d’asile par l’un ou l’autre organe, soit 24,3%. Loin, fort loin des 95% de déboutés dont parle Valérie Pécresse… Tout aussi loin des 95% de dossiers validés qu’évoque David Rachline…
Mais alors, pourquoi cette idée tenace que la France rechigne au droit d’asile ? Pascal Brice l’explique par l’origine des demandeurs : certaines nationalités n’ont quasi-aucune chance d’obtenir ce droit, or elles sont parmi les plus présentes chez les demandeurs en France. Par exemple, les Haïtiens ou les Albanais sont pratiquement sûrs de se voir débouter. A contrario, pour les Syriens et Erythréens, le taux de protection s’élève respectivement à 97 et 100%. Enfin en France, 10 à 20% de moins de Syriens font la démarche qu’en Allemagne. Laquelle montre un taux général de protection plus élevé.
La Cour des Comptes avait mis le feu aux poudres en octobre 2015 dans un rapport sur le droit d’asile, qui estimait à plus de 96% le taux de déboutés qui restaient sur le territoire français. « C’est un torchon ce rapport« , estime le délégué à l’asile de la Cimade, Gérard Sadik. Manuel Valls avait d’ailleurs, dans une réponse adressée à la Cour des Comptes, regretté que le calcul ne prenne pas en compte les départs volontaires ni les déboutés ayant obtenu par la suite un titre de séjour pour d’autres motifs. En fait, il n’existe pas de statistiques fiables sur le sujet. En effet, l’OQTF peut être contestée par celui ou celle qui reçoit le document, il s’agit seulement d’un recours suspensif. Ce qui fait qu’elles ne sont pas forcément exécutées d’une année à l’autre car la procédure peut s’allonger. Pour être juste, le calcul devrait se faire sur une durée plus longue. Selon la Cimade, calculer ce chiffe sur une période de 4 ans entre le dépôt de demande d’asile et la sortie de territoire permettrait d’évaluer un taux de départ « de l’ordre de 20%« . S’il s’est vu refuser l’asile, et si le recours suspensif n’a pas fonctionné, le demandeur débouté se « perd » au milieu des autres immigrés illégaux. Aussi le nombre de raccompagnements à la frontière de cette catégorie n’est-il pas quantifiable. A la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF) qui dépend du ministère de l’Intérieur, l’on confesse : « Même nous, nous avons du mal à établir des statistiques.«
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