12 octobre 2016, le jour où la campagne d'Hollande s'est crashée

Entre une longue interview dans la presse sans vision d’ensemble, un nouveau livre-confession catastrophique et une énième joute avec Valérie Trierweiler sur l’affaire dite des « sans-dents », ce 12 octobre – qui devait marquer une fracassante entrée en campagne – est un pitoyable fiasco pour François Hollande.

« Je n’ai pas eu de bol ». Nul doute que François Hollande emploiera son expression familière quand il se souviendra de ce mercredi 12 octobre, ce jour noir où, ce qui devait être l’acte I de son entrée fracassante en campagne, s’est révélé être un pitoyable fiasco, le parfait condensé d’un quinquennat fait de petites blagues, de petites phrases et de petites trahisons. Pourtant tout avait été préparé avec soin pour susciter ce désir éteint au sein de la gauche et à plus forte raison du pays.

D’abord, l’Elysée a pris soin de déblayer le terrain politique dans son propre camp. Ce qui a consisté à tenter de coincer une candidature de Manuel Valls entre les tenailles d’une mirifique candidature d’Emmanuel Macron et d’une hypothétique candidature présidentielle. Privé d’oxygène politique, réduit à se « filloniser » chaque jour qui passe : tel devait être le lot du Premier ministre. Le problème est que Macron, tel le Golem de la légende, a fini par prendre son autonomie. Quand on veut jouer aux marionnettistes, il est toujours dangereux de couper les fils. 

Quand on veut jouer aux marionnettistes, il est toujours dangereux de couper les fils. A la veille de la présidentielle de 1988 (un film qu’Hollande s’est passé et repassé), François Mitterrand avait usé et abusé de ce registre jusqu’à obliger le malheureux Michel Rocard a le suivre sous la pluie sur un chemin de campagne boueux, une photo qui restera dans les archives. Le problème est que Macron n’est plus près à crotter ses escarpins pour un homme qu’il a vu de trop près pour ne pas savoir qu’il avait une fâcheuse tendance à confondre l’ambition politique et son destin personnel. Le sémillant ministre parti trop tôt et trop vite, il fallait donc accélérer le tempo et ne pas attendre décembre comme cela était initialement prévu. 

Heureusement, pensa l’Elysée, trois éléments pouvaient permettre de revenir dans le jeu politique : une série de discours justifiés par des commémorations diverses (le chef de l’Etat adore ce genre politique qui lui rappelle son ancien mandat de conseille général) ; la sortie d’un livre d’entretiens ; la couverture d’un hebdomadaire où il dispose de quelques relais.

Les discours ? Ils ne furent ni meilleurs ni plus mauvais que les précédents. Cela sentait juste à chaque fois l’honnête dissertation de collège émaillée ici ou là de formules assez paresseuses. Et surtout rien ne les reliait entre eux. Rien. Ni un souci commun, ni une méthode de gouvernement, encore moins un projet politique. Rien. Il y avait dedans autant d’idées nouvelles que de milkshake bar dans le désert de Gobi. Comment s’étonner que la parole présidentielle « n’imprimait pas » ? Quand il n’y a pas d’encre, on reste toujours avec le vertige de la page blanche.

La platitude des propos le dispute à la confusion de la pensée.Le livre ? Un président ne devrait pas dire ça de Gérard Davet et Fabrice Lhomme est l’ouvrage le plus destructeur contre François Hollande pour la simple et « bonne » raison, que l’impétrant en est l’auteur. Pour aller vite, les hollandistes nous chantaient qu’avec ce livre, on allait avoir les mémoires d’un bretteur, de d’Artagnan, au mieux, on a plutôt les souvenirs de Planchet. La platitude des propos le dispute à la confusion de la pensée. Prenons l’exemple de l’islam où Hollande dit à peu près tout et son contraire excitant la droite identitaire, indisposant les laïcs et indignant la gauche islamophile. 

C’est comme si le chef de l’Etat pensait que sur des sujets sensibles, il était « malin » d’utiliser les vieilles ficelles d’un premier secrétaire du PS mitonnant, dans son coin, une impossible motion de synthèse entre les courants. Le résultat produit surtout un cafouillage général et un peu grotesque. Un peu seulement. 

Car le grotesque, dans toute son acceptation baroque, est arrivé ce matin avec les « sans dents ». Pour avoir eu l’imprudence et l’impudence de remettre en cause cette expression que lui a attribué Valérie Trierweiler, il s’est pris dans les dents en retour ses messages passés qui montre un esprit étroit et sexiste.

Reste la couverture de l’Obs où il figure en grand avec ce titre « Je suis prêt ». On y apprendra que s’il sait cogner sur la gauche quand il gouverne, il sait cogner sur la droite quand il est en campagne. Mais à part proposer de remplacer « l’identité heureuse » de Juppé par « la solidarité malheureuse », une formule creuse née du cerveau de communicants visiblement fatigués (on se demande de quoi ), là encore pas de projet, pas de vision d’ensemble. 

« Je suis prêt ». Au vu de cette journée si particulière, à bien y réfléchir, la phrase prend un tout autre sens : celui des politiques qui sont en paix avec eux-mêmes avant d’affronter la guillotine électorale pour peu qu’ils persévèrent dans la folle entreprise de se (re)présenter à la magistrature suprême.

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