Si Emmanuel Macron se refuse encore à dévoiler ses propositions concrètes, il profite de son « diagnostic » de la France pour esquisser son futur projet présidentiel. Dénonçant le « modèle social français » qui selon lui n’est plus adapté à une « société du changement », il annonce entre les lignes un véritable big bang du droit du travail. Une perspective qui aura bien du mal à recevoir le soutien des salariés…
Macron veut prendre son temps. Deuxième meeting au Mans, et l’ancien ministre de l’Economie ne veut s’en tenir pour l’instant qu’à son « diagnostic » sur l’état de la France. Pas question pour lui de faire ses premières propositions concrètes alors qu’il n’a pas encore déclaré officiellement sa candidature à la présidentielle. Une « méthodologie », pour reprendre ses propres mots, qui ne passe pas très bien auprès des médias avides de petites phrases et de déclarations chocs.
Et des journalistes, il y en avait au Mans ce mardi 11 octobre. Tout au long de sa « déambulation dans la ville », dixit son équipe de campagne – il a en fait rendu visite à plusieurs entreprises –, les caméras l’ont poursuivi. Devant elles, l’ancien ministre de l’Economie semble ravi de continuer à faire son petit effet. Sourire aux lèvres, il n’oublie pas cependant de serrer les mains de potentiels électeurs, pour le moins étonnés par la présence de cette horde médiatique. Même le sénateur maire socialiste de la ville, Jean-Claude Boulard, à la chevelure blanche, a bien du mal à rester sur la photo, et doit jouer des coudes auprès de la star.
Au cours de la visite macronienne, un tramway a même été pris d’assaut devant le regard mi-amusé, mi-irrité des voyageurs. Une étape où le futur candidat à la présidentielle a dû répondre aux questions du Petit Journal de Canal + sur le prix d’un ticket de métro à Paris… Après quelques (longues) secondes d’hésitation, Macron donnera la bonne réponse, 1,90 euros. La gaffe n’est pas passée loin… Ce deuxième déplacement en région avait pourtant pour thématique « la vie quotidienne des Français ».
Un peu plus tôt dans la journée, Macron a fait un premier « briefing » devant les journalistes rassemblés au parc des expositions, pour leur expliquer la substance de son discours du soir. Cinq thématiques abordées : la sécurité, la mobilité, la santé, et l’éducation. Un tour d’horizon conséquent, résumé en quelques formules… particulièrement abstraites. Mais avec une intuition macronienne de fond : le « modèle français » construit après la Seconde guerre mondiale n’est plus opérant face aux « nouvelles inégalités » : « Ce système n’est plus adapté à une société de plus en plus hétérogène », assure-t-il. Dans son discours d’analyse, Macron pointe toutefois plusieurs pistes d’action future : rétablir une police de proximité, réformer en profondeur la formation professionnelle pour « réarmer les individus », instaurer une « politique de l’offre » concernant le logement – en réduisant les normes de constructions et en libérant les possibilités foncières face aux élus locaux – mais aussi développer une santé de la prévention…
Mais quand les journalistes lui posent des questions sur ce qu’il entend par la réforme du « modèle social » français, Emmanuel Macron préfère rester dans le flou, tout en annonçant clairement un projet de dérégulation en profondeur du marché du travail : « Ne revenons pas sur le CDI, mais revenons sur l’ensemble des normes ». Il souhaite ainsi développer la négociation pour toutes ces normes – et pas uniquement la question du temps de travail – « au niveau des entreprises ou des branches ».
Emmanuel Macron confie alors qu’il faut aller beaucoup plus loin que la loi El-Khomri (loi qu’il a largement inspirée)… afin de « donner plus de mobilité au système » tout en « protégeant les gens face à une société du changement ». En quelques mots, Macron annonce finalement un véritable big bang du droit du travail : « Le changement de paradigme que je propose est un basculement beaucoup plus radical », affirme-t-il, dénonçant des « normes qui enferment, cadenassent et bien souvent font une victime qui est le plus jeune, le moins qualifié ». Rappelons que s’il est vrai qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile pour un jeune salarié d’obtenir rapidement un CDI, reste que ce contrat est toujours majoritaire parmi les salariés (85%). Macron annonce même vouloir « protéger les individus » plutôt que de « protéger les emplois » ! Mais, assure-t-il toutefois, il ne s’agira pas, pour réduire le chômage, « de détruire le droit des salariés ». Pour autant, avec son son projet de libéralisation du marché du travail, on se demande bien où Macron va aller chercher ses futurs électeurs… Vraisemblablement plus à droite qu’à gauche.
Ces objections de journalistes politiques, l’ambitieux préfère les ignorer : « Vous êtes les coproducteurs d’un système qui ne fonctionne plus », tance-t-il. Et face à ceux qui souhaitent plus de précisions, le directeur de communication du futur candidat préfère mettre un terme à l’échange : « Fin de la bande annonce ». Place au storytelling Macron. Son meeting s’ouvre ainsi sur l’officialisation d’un soutien politique supplémentaire, celui du centriste Jean Arthuis, député européen, régional de l’étape, qui déclare, dans une vidéo diffusée au public, explique avoir un « motif d’espoir » dans « la démarche d’Emmanuel », notamment au sujet de la « construction européenne » : « L’Europe peut influencer l’organisation du monde », assure le député européen, face « aux replis nationalistes ».
De son côté, Macron refuse de présenter pour l’instant des propositions claires (quid des rentes financières, immobilières par exemple ? Quid des groupes transnationaux qui touchent des aides de l’Etat…?) car « ce que nous avons à construire ce sont des solutions », explique-t-il. Justement, la dérégulation du marché du travail qu’il propose avec ferveur n’a-t-elle pas été le principal carburant du rejet populaire de cette Union européenne engoncée depuis bien trop d’années dans l’impuissance du néolibéralisme ? Celui qui adore défier les « professionnels de la politique » n’est plus à une contradiction près.
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