Comment Sarkozy a désespérément dragué (et perdu) les anti-mariage gay

L’ancien chef de l’Etat a tout tenté, cet été, pour s’attirer les bonnes grâces du mouvement Sens commun, émanation de la Manif pour tous chez Les Républicains. Las : les opposants au mariage pour tous rejoignent un à un ses rivaux pour la primaire. Voici comment l’ex de l’Elysée s’est pris une série de vents.

Nicolas Sarkozy ne doute de rien, et surtout pas de lui. Malgré son spectaculaire revirement sur le mariage pour tous – auquel il ne veut plus toucher après en avoir promis l’abrogation en 2014 – l’ancien chef de l’Etat a tout essayé pour se rabibocher avec les opposants à la loi Taubira. Au point de tenter une OPA sur le mouvement Sens commun, une émanation politique de la Manif pour tous qui a fait de l’entrisme à l’UMP, devenue Les Républicains. Un coup fumeux conclu par un échec…

Le début du feuilleton remonte à juin 2016. Alors qu’ils ont publiquement cloué Nicolas Sarkozy au pilori après sa volte-face, certains responsables nationaux de Sens commun plaident pour se rapprocher d’un autre candidat à la primaire qui désignera en novembre le candidat de la droite à la présidentielle. En l’occurrence, leur cœur bat pour François Fillon. Tant pis si l’ancien Premier ministre ne s’est rendu à aucun défilé de la Manif pour tous et s’il ne propose qu’une « réécriture » de la loi Taubira, et non son abrogation. On trouve parmi les partisans de ce ralliement la jeune normalienne Madeleine Bassin de Jessey, figure médiatique du mouvement, ou encore le conseiller régional d’Ile-de-France Arnaud Le Clere.

« Sarko a cru pouvoir nous acheter avec des postes »

Le problème, c’est que le président de Sens commun milite, lui, pour ne soutenir personne. Il est vrai que pendant que ses petits camarades entamaient leur flirt avec François Fillon, Sébastien Pilard se rapprochait, lui, de Nicolas Sarkozy. Ce patron d’une PME de Loire-Atlantique est sur les rangs pour une investiture aux législatives de 2017 dans son département – qu’il obtiendra fin juin avec la bénédiction de Sarkozy, alors patron du parti. Mais la base de Sens commun, qui se sent trahie par l’ex de l’Elysée, est loin d’être aussi fan que lui. Poussé vers la sortie, Sébastien Pilard doit laisser les rênes à Christophe Billan, un ancien haut fonctionnaire passé dans le privé.

Sous son impulsion, les discussions avec l’équipe Fillon se poursuivent et Sens commun officialise son soutien le 1er septembre. Plus tôt, en réalité, que le calendrier prévu. La raison ? Les dirigeants du mouvement redoutent un mauvais coup de l’ancien chef de l’Etat, qui aurait cherché à les torpiller. « Nous avons appris que l’équipe Sarkozy comptait annoncer le ralliement de Pilard à grand renfort de communiqué, afin de neutraliser les autres éléments de Sens commun », confie un cadre du mouvement, qui peste : « Sarko a cru pouvoir nous acheter avec des postes. Il y a eu de grosses pressions de son équipe sur certains de nos membres. »

Le 31 août, Nicolas Sarkozy nomme Sébastien Pilard dans son équipe de campagne. Le soir même, Sens commun contre-attaque et acte en interne son ralliement à François Fillon, rendu public dès le lendemain matin. Une sur-réaction, critique un ancien membre actif du mouvement : « Ils ont paniqué, mais ils n’auraient pas dû se précipiter comme ça juste parce que Sarko a nommé Pilard. Personne ne le connaît ! » L’inconnu appréciera, lui qui se défend de toute manœuvre : « Je ne me suis jamais engagé avec Nicolas Sarkozy au nom du mouvement. J’ai d’ailleurs toujours été opposé au fait que Sens commun prenne position dans cette primaire. » Dans l’entourage de Nicolas Sarkozy aussi, sans surprise, on dit n’avoir « absolument pas souvenir » d’avoir voulu orchestrer un ralliement. Tout en pointant « de grandes dissensions » et « des conflits de personnes » chez Sens commun : « Ce n’est pas un mouvement homogène. Il y a un manque de cohérence. » Comprenez : Sarkozy n’a pas réussi à mettre la main sur Sens commun, mais Fillon n’en aura que les restes.

Tapis rouge pour Hervé Mariton

Pas découragé, l’ancien chef de l’Etat va tenter autre chose pour s’attirer la sympathie d’opposants au mariage pour tous. Fin septembre, il se tourne vers le député Hervé Mariton, grand pourfendeur de la loi Taubira, qui a échoué à obtenir ses parrainages pour participer à la primaire. L’opération a peu de chances d’aboutir : Hervé Mariton pilonne régulièrement l’ancien chef de l’Etat et ses « sincérités successives ». Les deux hommes se retrouvent quand même autour d’une omelette dans un restaurant parisien, le 27 septembre. Tout miel, Nicolas Sarkozy se montre « plein d’empathie et de propositions de coopération », raconte Mariton, qui se refuse à être plus précis sur les offres que lui déroule son interlocuteur.

Rien n’y fait : le lendemain, l’élu de la Drôme, qui garde une dent contre le ralliement de Sens commun à François Fillon, déclare sa flamme à… Alain Juppé, partisan du mariage et de l’adoption pour les couples homosexuels. La semaine suivante, c’est l’un de ses proches, le député de la Manche Philippe Gosselin – lui aussi étiqueté Manif pour tous – qui annonce au Figaro qu’il rejoint le maire de Bordeaux. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy accorde une interview au magazine Famille chrétienne, expliquant notamment que « la parole publique est frappée d’un grand discrédit ». Cocasse pour un homme boudé par les anti-mariage pour tous en raison d’une fâcheuse tendance à retourner sa veste…

 

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