Matthias Fekl, un émetteur de gauche pour François Hollande ?

Matthias Fekl, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, a lancé ce mardi 4 octobre au soir son propre mouvement destiné à « alimenter le débat public » d’ici à la présidentielle. Le jeune ministre, « très critique du social-libéralisme » pourra servir d’atout à un François Hollande en pleine quête de légitimation à gauche.

Un ministre en exercice qui lance son propre mouvement, on a déjà connu ça. Mais cette fois, cela pourrait bien faire les affaires de François Hollande. Matthias Fekl, secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, a lancé ce 4 octobre au soir son propre mouvement, baptisé « Movida« . Sur la péniche La Concrete amarrée quai de la Rapée à Paris, sous le patronage de l’imposant bâtiment de Bercy, le jeune ministre a réuni ses soutiens. « Ce sera quelque chose de simple et très convivial. Ce sera dans un climat très militant avec des représentants de la société civile », indiquait un de ses apôtres quelques heures avant l’événement. Devant une trentaine de parlementaires, des militants et des jeunes en nombre, Matthias Fekl a martelé son message : « Les alternatives sont toujours possibles ».

Plaidant pour « une nouvelle République (…), la Vème République est à bout de souffle » », pour un virage éco-socialiste du PS, estimant que « notre famille politique a trop souvent sous-traité [l’écologie] » et le rassemblement de la gauche, ne croyant pas « à la théorie des gauches irréconciliables », Matthias Fekl a développé une ligne bien ancrée à gauche… De quoi inquiéter le président de la République ? Rien n’est moins sûr.

A la @ConcreteParis pour le débat « Quelle Gauche pour demain ? » et le lancement de @MouvMovida #Movida pic.twitter.com/yruojP842w

— Matthias Fekl (@MatthiasFekl) 4 octobre 2016

Hollande veut donner des gages à sa gauche

François Hollande le sait. Pour passer l’étape de la primaire et espérer ne pas faire figure de touriste à la présidentielle, il va devoir se réconcilier avec une partie de sa gauche. Surtout depuis que son « atout » Emmanuel Macron, son arme anti-Valls, lui a filé entre les doigts. Hollande espérait que l’ancien banquier lui apporterait une aide précieuse pour ratisser large – du centre droit au centre gauche – dans la course à la présidentielle. Il s’avère que si l’impétrant s’y active effectivement… c’est avant tout pour sa personne. Surtout, si l’ancien ministre de l’Economie est toujours marqué du sceau de « social-libéral », les derniers sondages montrent qu’une bonne partie de l’électorat socialiste, et plus largement de gauche, pourrait être tenté par sa candidature. Raison de plus pour que Hollande se réconcilie avec ce « peuple de gauche ».

Ainsi, l’annonce du sauvetage du site d’Alstom de Belfort avec l’achat de 15 TGV, pour la modique somme de 500 millions d’euros, n’est pas étranger à l’échéance 2017. Sept mois avant la présidentielle, un nouveau Florange coûterait cher, très cher dans les urnes. Autre exemple, mardi, le Président défendait la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qui comprend une revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) de 700 millions d’euros. « Il n’en avait jamais parlé jusque-là. Mais là, c’est un moyen pour lui de cocher la case ‘promesse de campagne’ et de mettre un œuvre une vraie loi de gauche », analyse un socialiste.

Un émetteur pour la gauche

Autre nécessité pour lui, trouver « des émetteurs de gauche légitimes dans le bloc gouvernemental », explique un Solférinien. Lors d’une rencontre avec des frondeurs, François Hollande avait ainsi concédé à l’un d’eux qui se plaignait de l’existence d’une seule voix vallso-macronienne audible au sein du gouvernement : 

 « C’est vrai que du temps de Jospin, le gouvernement marchait sur ses deux jambes avec Dominique Strauss-Khan et Martine Aubry ».

Matthias Fekl pourrait-être l’un d’eux. Sa position sur le Tafta, ses sorties répétées contre le libéralisme macronien –« non seulement le libéralisme n’est pas de gauche, mais il est même incompatible avec une certaine conception de l’intérêt général, du rôle de la puissance publique et du respect des choix démocratiques », a-t-il lâché dans la revue de l’ENS -, et son entregent au sein du PS lui donnent un certain crédit. Un élu proche de Martine Aubry qui a ainsi passé la tête mardi soir, confie ouvertement que « ce qu’il dit [lui] plaît tout comme la façon dont il le dit ». « Je regarde tout ça avec intérêt ». Même jugement d’un animateur de l’aile gauche :

« C’est le seul ministre avec lequel François Hollande devrait se balader. Grâce au Tafta, il peut remplir une salle de communistes, d’écolos et de la gauche du PS  sans craindre de s’en prendre plein la figure ».

Un anti-Macron arrivé trop tard ?

Il observe d’ailleurs d’un œil amusé les récentes interventions de Marisol Touraine, Thierry Mandon et Matthias Fekl, « les seuls ministres bien identifiés à gauche », qui prennent de plus en plus la parole dans la débat public. « François Hollande a besoin d’émetteurs qui disent qu’on peut lui être à la fois loyal et porter une parole bien plus à gauche que Manuel Valls« , décrypte ce même socialiste. Si le secrétaire d’Etat, lors de son discours, a mis en garde « ceux qui voudraient instrumentaliser ce club », il lâche tout de même cet indice face à la presse : « J’ai toujours fait mon travail au gouvernement avec une loyauté totale ». 

Matthias Fekl, l’anti-Macron ? Peut-être se voit-il ainsi. Il n’a en tout cas pas résisté, après sa réunion, à envoyer des piques à son ancien collègue devant un petit comité de journalistes. Au sujet de son mouvement: « Je n’irai pas chercher de l’argent dans les banques à Londres pour faire de la politique ! » répond-t-il. Sur son parcours militant: « Je fais partie de ceux qui ont fait le choix de passer par un légitimité élective »se targue-t-il.

Ce nouveau mouvement pourra-t-il vraiment faire la différence ? Pas certain, de l’aveu même d’un socialiste pourtant favorable à Matthias Fekl : « Hollande, s’il avait vraiment été plus malin, aurait mis Matthias en avant beaucoup plus tôt. Là, c’est quand même un peu tard. Je ne suis pas certain que tous les Français puissent reconnaître Fekl dans la rue. »

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply