Un rapport publié par un groupe d’experts britanniques alerte sur les dégâts de la malnutrition sur notre santé. Un constat d’autant plus alarmant que la malbouffe gagne chaque jour du terrain, entraînant une explosion dans le monde du nombre de personnes obèses ou en surpoids.
« Fumer tue », « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé », « Sortez couverts »… Autant de formules entrées dans le langage courant pour mettre en garde contre les dangers de la consommation d’alcool, de tabac ou du sexe non protégé. Des slogans autrement plus percutants que le fade « Pour votre santé, mangez équilibré », on en conviendra. Et pourtant, selon les conclusion d’un récent rapport du groupement d’experts britanniques Global Panel on Agriculture and Food Systems for Nutrition, la malbouffe constitue le risque numéro 1 pour la santé. Mal se nourrir causerait ainsi davantage de maladies que le tabac, l’alcool et le sexe non protégé réunis.
Pour étayer leur propos, les experts s’appuient notamment sur ce graphique, fruit d’une étude menée l’an dernier. Il met à jour les 11 principaux facteurs de risques responsables de maladies, classés par le nombre d’années de vie en bonne santé perdues qu’ils causent à l’échelle mondiale. Six, parmi lesquels l’hypertension artérielle, le diabète, l’excès de cholestérol ou les maladies cardio-vasculaires, figurent dans ce classement et sont directement liés à la façon dont on se nourrit.
Les données collectées ici attestent qu’une alimentation ne satisfaisant pas les besoins nutritionnels est donc ce qu’il y a de plus nocif pour la santé. En parallèle, et comme pour inciter les leaders politiques mondiaux à prendre leurs responsabilités, le rapport indique que la malbouffe gagne chaque jour du terrain, jusque dans les pays en voie de développement, paradoxalement aussi confrontés aux problèmes de sous-nutrition. Pour ces pays, situés principalement en Afrique et en Asie, l’étude montre d’ailleurs que la courbe de l’obésité est en train de rattraper, voire de dépasser, celle de la sous-nutrition. Les exemples du Sénégal et de l’Éthiopie sont parlants : entre 2011 et 2030, le nombre de diabétiques au sein de ces pays passera respectivement de 3,1 à 6,1 millions de personnes, et de 1,4 à 2,7 millions de personnes, soit le double.
À l’échelle mondiale, le constat véhiculé par le rapport est similaire : il confirme que la proportion de personnes en surpoids connaît une constante augmentation. Estimée à ce jour à 30%, elle devrait atteindre les 40% d’ici à 2030. Ce problème de santé publique s’accompagne évidemment d’un volet financier déterminant. Selon les chiffres du gouvernement, en France en 2012, le coût social de la surcharge pondérale s’est ainsi élevé à 20 milliards d’euros, un montant comparable à celui de l’alcool (15 milliards d’euros) et du tabac (26,6 milliards d’euros).
Pourtant, des propositions ont été mises sur la table depuis déjà plusieurs années pour faire en sorte de modérer notre consommation de produits riches en gras et en sucres. L’idée d’un logo à cinq couleurs (du vert au rouge) affiché sur les produits pour indiquer leur qualité nutritionnelle a par exemple été envisagée par la ministre de la Santé Marisol Touraine. Soucieux de préserver leurs intérêts, les industriels ont obtenu la réalisation d’une étude financée par l’Assurance maladie (2,2 millions d’euros), qui sera rendue en décembre. Censée évaluer quatre différents systèmes d’étiquetage, elle est commandée par deux comités gangrénés par les soupçons de conflits d’intérêt, révélés dans une enquête du Monde. Plusieurs experts membres de ces comités ont même quitté le navire en chemin, estimant les dés pipés. Le professeur Serge Hercberg, président du Plan national nutrition santé (PNNS) et à l’origine du système du logo à cinq couleurs, a lui été écarté. Son idée, plébiscitée par l’association de consommateurs UFC Choisir, est jugée trop stigmatisante par les industriels, qui ont demandé à Stéphane Le Foll l’arrêt des travaux de recherche menés par son équipe, dans un courrier que Mediapart s’est procuré. Il y a cinq ans, le même lobbying avait déjà retenu la Commission européenne d’agir en faveur d’un étiquetage clair des denrées alimentaires.
Aussi, au début du mois septembre, la direction du Trésor a soumis dans un rapport une autre proposition afin d’endiguer la consommation de produits mauvais pour la santé : une taxe sur les produits alimentaires favorisant le surpoids. Cette « taxe sur la malbouffe » a été balayée d’un revers de la main par Michel Sapin, le ministre de l’Économie et des Finances, et Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, au prétexte qu’elle était trop compliquée à mettre en place et que le gouvernement tentait justement de baisser les impôts et supprimer des taxes. D’autres pays, confrontés à une urgence sanitaire encore plus importante, n’ont pas eu d’autre choix que de tenter le coup. Le Mexique, où 70% de la population est en surpoids, a mis en place en 2014 une taxe de 8% sur les aliments très riches en calories et de 10% sur les boissons sucrées. En un an, leur consommation a chuté de 8,5%.
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