Les jeux d'argent, un exemple pour légaliser le cannabis ?

Alors qu’il avait déjà réalisé une étude préconisant la légalisation du cannabis en 2014, le comité de réflexion Terra Nova revient à la charge, publiant un nouveau rapport dans lequel il prolonge ses réflexions. La nouveauté : Terra Nova s’appuie sur l’expérience de l’encadrement des jeux d’argent en ligne.

Ils persistent et signent. Ce mardi 4 octobre, les membres de Terra Nova ont publié un nouveau rapport pour vanter les mérites qu’aurait selon eux une légalisation du cannabis. Regrettant que ses recommandations de 2014 n’aient pas été suivies d’effets, le comité de réflexion entend renforcer ses propositions avec cette nouvelle étude. Prenant appui sur l’expérience de la légalisation des jeux en ligne, il fait valoir que la création d’une autorité de contrôle similaire assurerait une régulation plus efficace que la répression pure et dure.

« La lutte policière, toujours très active auprès des simples usagers, n’arrive pas à enrayer l’offre, constate d’abord le rapport. Elle fait à présent face à une extension du marché en ligne des drogues illicites. » Et Terra Nova de rappeller les chiffres : 700.000 Français consommeraient quotidiennement du cannabis et 1,4 million d’entre eux fumeraient une dizaine de joints par mois. Des statistiques qui font de la France le pays européen où l’on consomme le plus de cannabis et qui montrent qu’en dépit d’une répression toujours plus forte, les fumeurs d’herbe n’ont aucun mal à s’approvisionner.

La prévalence des joueurs excessifs est restée stable

Terra Nova propose donc toujours de prendre acte de cette incapacité à endiguer les flux. Et pour « assécher les marchés clandestins », les auteurs du rapport préconisent de légaliser la consommation de cannabis en posant « un cadre de gouvernance et d’organisation propre à un marché légalisé ». Nouveauté, au centre de ce dispositif, le comité prône la mise en place d’une autorité administrative s’assurant que la consommation de cannabis ne dérape pas, dont le fonctionnement s’inspirerait de l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), créée en 2010 lors de la légalisation desdits jeux. « Les jeux d’argent et de hasard en ligne (…) font l’objet d’une politique publique s’illustrant par une certaine efficacité pour en réduire les dimensions dommageables », note le rapport.

Le cas du cannabis en France rappelle en effet à plusieurs égards celui des jeux d’argent en ligne dans les années 2000. Face à l’interdiction, les consommateurs empruntaient des chemins détournés pour assouvir leurs envies. Ainsi, avant la loi de 2010, ils étaient plus d’un million à se rendre régulièrement sur des sites illégaux pour parier leur argent. Lorsque les jeux d’argent en ligne ont été légalisés, un dispositif a été mis en place afin que ces parieurs délaissent les sites interdits pour les sites légaux. L’ARJEL a alors été placée au cœur de ce dispositif, et s’est vu confier des pouvoirs importants : elle organise le marché, délivre des agréments aux divers opérateurs et homologue ou non les logiciels de jeux et de paris.

Cinq ans plus tard, Terra Nova estime que le bilan de cette autorité est concluant. « Malgré une certaine progression des pratiques de jeu des Français, la prévalence des joueurs excessifs est restée stable en France. Surtout, les deux effets attendus par le changement de cadre légal ont été vérifiés : la majorité des pratiques de jeu d’argent sur Internet se sont déplacées sur l’offre légale et les pratiques sur l’offre légale génèrent moins de problèmes que les pratiques résiduelles sur l’offre illégale ». Forts de ce constat, les rédacteurs du rapport proposent d’appliquer au cannabis la même recette : légalisation – lutte contre l’offre illégale – prévention de la dépendance.

Un nouveau débouché pour l’agriculture française ?

Cette entité nouvelle se verrait aussi confier une mission de santé publique, en veillant au respect d’un cahier des charges visant à permettre une production de qualité. À ce jour, la concentration en THC (la substance qui provoque le sentiment d’euphorie recherché par les fumeurs) ne cesse en effet de croître dans les produits saisis par les forces de police, notamment dans les produits résineux. Or, une concentration trop élevée de cette substance peut avoir des conséquences sanitaires catastrophiques. « La production française limiterait le dosage en THC des produits de cannabis et offrirait toute une gamme de produits en fonction de ses concentrations [et des effets souhaités par le consommateur]. Cela aurait l’avantage de l’informer sur le contenu du produit et de l’assurer d’une culture contrôlée. »

L’autorité imaginée par Terra Nova aurait enfin la mission de régenter le réseau de production. « La mise en production de cannabis pourrait se faire par des agriculteurs français autorisés par des licences du ministère de l’Agriculture ». Rappelant que la France fut longtemps le premier producteur européen de chanvre, le rapport affirme qu’« il serait relativement aisé de développer en France une production de cannabis » et que cela « fournirait un nouveau débouché à l’agriculture française ». Pour ce qui est de la vente, le comité de réflexions propose de s’appuyer le réseau des buralistes et des pharmacies existants, tout en envisageant la création de magasins spécialisés. Tout ce beau monde devrait préalablement obtenir un agrément de l’autorité de contrôle. Un marché qui, selon les estimations de Terra Nova, pourrait rapporter 1,3 milliard d’euros de recettes fiscales à l’État.

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