Le gouvernement introduit la sélection à l’université (mais sans prononcer le mot tabou)

Le ministère de l’Education nationale, les syndicats étudiants et les présidents d’université ont trouvé mardi un compromis sur la possibilité de refuser des étudiants à l’entrée d’un master, et non plus entre le M1 et le M2. Mais attention : pour Najat Vallaud-Belkacem, il ne s’agit pas de « sélection », mais de « recrutement »…

La droite adorait en parler, mais ne l’avait pas fait. L’histoire retiendra que c’est la gauche qui a introduit la sélection à l’université. Les syndicats étudiants et les présidents de facs ont conclu mardi 4 octobre un accord sous l’égide de la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Les universités pourront désormais sélectionner les étudiants « selon leur niveau pédagogique, leur projet professionnel », a indiqué Najat Vallaud-Belkacem. En contrepartie, elles garantissent un droit à la poursuit des études : un candidat refusé à l’entrée d’un master pourra saisir le recteur, qui sera obligé de lui faire trois autres propositions, dont l’une dans l’établissement où il a passé sa licence. Un fonds pour aider à la mobilité des étudiants concernés sera créé.

Si tous les acteurs ont su trouver un compromis, c’est parce que cet accord met fin à une absurdité française. En effet, un étudiant qui entrait en première année de master (M1) n’était pas certain de pouvoir achever sa formation, puisque les facs pratiquent de fait un écrémage entre le M1 et le M2 – un héritage de la sélection à bac +4 effectuée après la maîtrise, remplacée en 2002 par la licence en trois ans. Le résultat était une multiplication de recours en justice d’étudiants recalés entre les deux années de master. Désormais, un étudiant sélectionné pour entamer un master sera donc assuré d’y rester « pour quatre semestres », a assuré Najat Vallaud-Belkacem.

« La sélection n’est pas un gros mot »… mais en fait si !

Une chape de plomb demeure toutefois autour du terme de « sélection », que Najat Vallaud-Belkacem s’obstine à ne pas employer. En présentant la réforme, la ministre a préféré dire que les universités pouvaient désormais « recruter » les étudiants à l’entrée du master. Pourtant, le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon, n’a pas l’habitude de prendre autant de pincettes que sa ministre de tutelle. Au sein du gouvernement, il menait bataille depuis plusieurs mois pour la sélection. Une gageure, alors que depuis sa mobilisation contre le projet de loi Devaquet sur les universités en 1986, la gauche a toujours combattu cette mesure. « Pour moi, la sélection n’est pas un gros mot », claironnait Thierry Mandon le 20 septembre septembre dans Le Parisien. Une déclaration qui lui a valu un recadrage express de Najat Vallaud-Belkacem, le même jour sur iTélé : « Je veux croire que ses propos ont été tronqués et qu’il aura l’occasion de les repréciser. »

Depuis, Thierry Mandon fait profil bas et veille à ne pas laisser échapper le mot-qu’il-ne-faut-pas-prononcer. Le secrétaire d’Etat sait qu’il a gagné sur le fond et n’en rajoute pas. Reste cette curiosité sémantique signée Najat Vallaud-Belkacem : à l’université, on recrute, on ne sélectionne pas ! Comme si un recruteur ne sélectionnait pas ses employés…

 

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