Police prédictive : Twitter peut-il aider à anticiper la violence ?

La justice américaine vient de débloquer 800.000 dollars pour le développement d’un algorithme censé prévoir les violences grâce à l’analyse de Twitter. Une première qui éveille les craintes de voir se développer un Big brother numérique.

La police prédictive pourrait avoir un nouvel allié. Avec le numérique, la police américaine espère pouvoir anticiper les troubles à l’ordre public grâce à un algorithme appliqué aux réseaux sociaux. Concrètement, les différentes publications sur Twitter en lien avec des violences seraient analysées et géolocalisées et pourraient ainsi permettre de prédire, voir empêcher, de possibles éclats de violence ou des débordements en marge de manifestations, à l’image de ceux de Charlotte dernièrement. Du côté des associations de défense des libertés, l’heure est aux craintes. Se dirige-t-on vers une ère calquée sur un scénario à la Minority Report, le roman de Philipp K. Dick ensuite adapté au cinéma, où toutes les explosions de violences seraient contrecarrées en amont grâce à une surveillance de masse ?

Ce n’est en tout cas pas l’intention de son créateur, Peter Burnap. Ce professeur à l’Université de Cardiff a été chargé par le ministère américain de la Justice de diriger les futures recherches sur la base de sa précédente étude sur le sujet. Dans Crime sensing with big data: the affordances and limitations of using open source communications to estimate crime patterns (Détection de crimes avec des données massives : les potentialités et les limites de l’utilisation des communications en open source pour déterminer les tendances de la criminalité), publié en mars 2016, et co-rédigée avec Mattew L. Williams et Luke Sloan, il montre la création d’algorithmes de ce type comme un formidable nouvel outil pour la police. A une condition : que son fonctionnement soit « accompagné par des sociologues » et « fréquemment contrôlé par des méthodes issues des sciences sociales. » Le but : faire que cet algorithme ne soit pas simplement un outil sécuritaire livré aux forces de police pour traquer les crimes. Mais plutôt un outil de compréhension pour déterminer pourquoi certaines zones sont plus sujettes aux violences que d’autres. A condition que la police US parte dans la même optique…

Analyse des non-tweets

« Enfin un usage pertinent de Twitter ! » réagit pour Marianne Bilel Benbouzid, sociologue et maître de conférence à Paris-Est, spécialisé dans les polices prédictives. « On entend crier au loup alors que beaucoup n’ont pas lu le contenu des travaux », peste t-il. « Cet algorithme peut devenir un véritable révélateur de dysfonctionnements sociaux. Il ne faut pas être technophobe, une telle utilisation de Twitter peut permettre de réparer de nombreuses inégalités. » Lui aussi voit en cet outil un atout sociologique. Plus que les tweets, c’est l’absence de tweets qui pourrait, selon lui, apporter des informations précieuses. Les non-tweets sont« parfois révélateurs de l’abandon de tel ou tel quartiers par les pouvoirs publics. » Etant habituées aux violences, ces populations ne réagiraient pas sur les réseaux lorsqu’un événement violent se prépare ou se réalise sous leurs yeux. « Si ces données sont croisées à des statistiques administratives plus traditionnelles, la palette offerte aux scientifiques pour améliorer la situation de ces personnes sera large », veut croire le sociologue.

Pour autant, la méfiance qui suit ce genre d’annonce est légitime, au moment où la police prédictive prend de plus en plus d’ampleur dans les brigades du monde entier. En France et aux Etats-Unis, des statistiques sont établies à partir de la criminalité passée. Ainsi, les zones à risques sont établies. Même chose au Japon qui analyse également les conversations sur les réseaux sociaux, selon Slate. En Chine, d’après le Telegraph, le gouvernement aurait demandé à la société China Electronics Technology de travailler sur un logiciel capable de relever des informations personnelles de la population telle que l’historique internet, les appels passés à l’étranger et les mouvements d’argent. Ceci afin de pouvoir anticiper de possibles insurrections. Si aujourd’hui l’opinion est frileuse sur ce genre de « progrès », c’est que Big brother n’est plus très loin… et peut tomber entre de mauvaises mains.

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