Primaire à droite : rameuter les électeurs FN, le pari risqué de Sarkozy

Des électeurs de gauche pourraient s’inviter à la primaire de la droite, histoire de faire barrage à Nicolas Sarkozy. Mais l’ancien président compte, lui, rabattre les électeurs du FN vers le scrutin de novembre. D’où la tonalité à droite toute de sa campagne… et des déplacements qui ciblent en priorité les terres frontistes.

Nicolas Sarkozy a un plan. Toujours devancé par Alain Juppé dans les sondages, l’ex-chef de l’Etat doit faire face à une éventualité menaçante : ces électeurs de gauche tentés de se rendre à la primaire de la droite, afin de lui faire barrage en votant pour le maire de Bordeaux. Alain Juppé lui-même ne se prive pas de leur faire des appels du pied. Mardi 27 septembre, il a encore encouragé les « déçus du hollandisme » à participer au scrutin de novembre. Mais Nicolas Sarkozy compte, lui, sur d’autres réserves de voix : celles des électeurs du Front national, qu’il tente de rameuter à tout prix. Juppé l’a d’ailleurs mis en garde, dimanche 2 octobre dans le JDD : « Quand on cherche à se faire élire par les voix du Front national, on risque de mener une politique inspirée des thèses du Front national. » Une réplique à la charge de Sarkozy qui l’avait accusé, le 28 septembre, de chercher « à se faire élire avec les voix de gauche » et de se préparer « à mener une politique qui donnera des gages à la gauche »

Nicolas Sarkozy rêve donc d’un hold-up sur l’extrême droite pour surclasser son adversaire. L’ancien ministre Brice Hortefeux, fidèle de l’ancien président, confirme à demi-mot cette intention en livrant ce pronostic : « Je pense que beaucoup d’électeurs du FN vont venir voter à la primaire. Leur participation sera plus importante que celle des électeurs de gauche. » Cette stratégie part d’un constat : la plupart des enquêtes montrent une participation large à la primaire de novembre, entre 3 et 4 millions d’électeurs. Le scrutin ne se réduira donc pas au noyau dur des sympathisants du parti Les Républicains, qui comptait 238.000 adhérents au début de l’année.

« L’électeur FN a peur des soupçons. En allant voter à la primaire, il se refait une petite virginité ! »

« Sarkozy a compris qu’il y allait avoir quatre millions d’électeurs à la primaire. C’est pour ça qu’il va chercher les gens du FN, c’est son pari », assure un député filloniste, qui reste sceptique : « Je n’y crois absolument pas. Mon analyse, c’est que le vote FN est un vote fidèle. » Un proche de Nicolas Sarkozy qui fait le pari exactement inverse se lance même dans une explication teintée de psychologie pour étayer sa démonstration : « L’électeur FN, il se planque, il a peur des soupçons. En allant voter à la primaire de la droite, il se refait une petite virginité : “vous voyez bien que je ne suis pas Front !” »

Un électeur sur dix sympathisant du FN ?

Un pari risqué ? « Dans l’état actuel des choses, les personnes qui se déclarent certaines d’aller voter à la primaire sont loin d’être homogènes idéologiquement. On n’a pas 80% de sympathisants LR », observe Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop. Signe que certains électeurs FN pourraient en effet se mêler de la désignation du candidat de la droite, attendu qu’aucun sondage ne donne Marine Le Pen victorieuse à la présidentielle, poursuit-il : « Ils sont au FN, mais ils voient la primaire comme un moyen d’effectuer un second choix. » Même si ces scénarios sont à prendre avec des pincettes, d’autant que sur le terrain, la frontière est évidemment loin d’être étanche entre FN et droite républicaine. « De nombreux électeurs de droite sont idéologiquement très proches de l’électorat frontiste », avertit Jérôme Fourquet.

Selon une enquête Ipsos pour le Cevipof publiée par Le Monde le 26 septembre, parmi les 6% de Français qui se disent certains d’aller voter au premier tour de la primaire, 10% sont des sympathisants du FN (de même que 10% sont des sympathisants de gauche). Cette proportion est non négligeable, mais elle était de 13% en juin, signe que l’entrée en campagne tonitruante de Nicolas Sarkozy n’a pas tellement attiré les électeurs partis au FN. Pourtant, le candidat ne s’économise pas pour flirter toujours plus avec les positions lepénistes. Avec des propositions comme la suspension du regroupement familial ou la remise en cause du droit du sol, Nicolas Sarkozy se rapproche de plus en plus du programme frontiste. Les polémiques sciemment provoquées, du type « nos ancêtres les Gaulois », viennent alimenter cette ligne identitaire que n’aurait pas reniée Patrick Buisson, l’ex-conseiller qui vient de se venger en publiant un livre ravageur.

Dernière preuve que Nicolas Sarkozy foule délibérément les terres frontistes, au sens propre comme au sens figuré : ses déplacements de campagnes ciblent en priorité les régions où Marine Le Pen cartonne. Depuis le début de l’année, il a ainsi effectué près d’un tiers de ses visites dans des communes où le FN est arrivé en tête aux régionales de décembre 2015, selon un décompte du Parisien. Ses meetings hors région parisienne se concentrent dans le Nord et le Sud-Est, délaissant les territoires plus modérés que sont la façade atlantique et le grand Est. Reste que le jeu de cache-cache avec l’extrême droite n’a pas toujours réussi à l’ex de l’Elysée. S’il avait siphonné avec succès le fonds de commerce du FN en 2007, la même stratégie a échoué en 2012. Nicolas Sarkozy espérerait-il une amnésie des électeurs ?

Marine Le Pen : la primaire, « ça n’est pas notre affaire ! »

Pas touche à mes électeurs ! C’est, en substance, ce que gronde Marine Le Pen face à la tentative sarkozyste de rabattre ses sympathisants vers la primaire. « Ça n’est pas notre affaire ! », a tonné la patronne du FN lundi 3 octobre sur France 2, fustigeant « une manœuvre ». « C’est la primaire de la droite et du centre. Il me semble que c’est aux électeurs de la droite et du centre de se déplacer », a-t-elle conclu.

 

 

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply