Qiu Xiaolong, des nouvelles d'une Chine vue de loin

Qiu Xialong est un auteur studieux, bien installé à sa table du Pavillon des Arts de Pau pour dédicacer ses livres et, surtout, rencontrer les lecteurs et parler de son dernier livre, recueil de nouvelles sur la jeunesse de Chen Cao, son héros récurent. Pour l’auteur qui a quitté la Chine pour les États-Unis en 1989 Il était une fois l’inspecteur Chen, dixième livre mettant en scène le policier de Shanghai a un goût particulier.

« Je me demande souvent ce qui me serait arrivé si j’étais resté en Chine ; ce que je serais devenu. »

Serait-il devenu ce Chen Cao qu’il met en scène et qui, dans Il était une fois l’inspecteur Chen, ressemble souvent à Qiu Xialong ? « Mon éditrice pensait qu’il serait bien de commencer le recueil par une nouvelle à la première personne, et de le terminer de la même manière ». Qiu Xialong tombe donc d’abord le masque dans un émouvant préambule dans lequel il raconte comment, adolescent, il a dû rédiger pour son père hospitalisé l’autocritique qui lui permettrait d’être opéré et achève le recueil dans la peau de Chen. Mêlant ainsi le fictionnel et le personnel Qiu Xialong comble un peu la distance entre lui et son personnage mais aussi entre l’écrivain et son pays d’origine.

Parti pour les États-Unis faire ses études en 1988, il a dû y rester : « En 1989, mon nom a été mentionné dans The Voice of America car je collectais de l’argent pour aider les étudiants de Beijing. Mes parents ont été avertis par les autorités qu’il fallait me prévenir que si je continuais, ils pourraient en subir les conséquences. Et mon éditeur m’a écrit pour me dire qu’il ne pouvait plus éditer mes recueils de poésie en chinois. » Et Qiu Xiaolong de passer à l’écriture en anglais pour trouver un éditeur américain et de se lancer dans la série de polars mettant en scène Chen Cao. Une position ambigüe que celle de l’auteur qui parle de son pays et de l’évolution de celui-ci sans y vivre : « Vous savez, il y en Chine un proverbe qui dit que vous ne pouvez saisir l’image d’une montagne si vous êtes dessus. Bien sûr, on peut écrire sur la Chine en y vivant, mais j’ai une perspective différente, une distance qui me semble nécessaire. »

S’il avoue des moments de désillusion, Qiu Xiaolong reste toutefois un incorrigible optimiste : « Le texte sur mon père qui est dans ce livre n’a pas pu être traduit en chinois, on ne peut toujours pas évoquer la Révolution Culturelle, mais je sens que les choses changent. Les intellectuels se font plus critiques ». Les choses changent donc un peu et certainement que Qiu Xiaolong, à sa modeste échelle, y participe.

Il était une fois l’inspecteur Chen, Liana Levi. 19 €.

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