Le tribunal de grande instance de Nanterre vient de reconnaître la responsabilité du laboratoire UCB Pharma dans le handicap d’un jeune homme en l’astreignant à verser 595.000€ de dommages et intérêts. Jusqu’en 1983, cette société pharmaceutique commercialisait un médicament particulièrement dangereux : le Distilbène. Encore aujourd’hui, ses effets indésirables continuent de sévir.
C’est une nouvelle victoire pour les victimes du Distilbène, médicament controversé qui n’est plus commercialisé depuis 1983. Ce jeudi 29 septembre, le TGI de Nanterre a condamné UCB Pharma – le laboratoire qui l’a mis au point – à 595.000€ de dommages et intérêts. L’essentiel de cette somme viendra indemniser Julien Le Cossec, un jeune polyhandicapé qui vient de fêter ses 18 ans. Il est une victime dite de « troisième génération » car c’est sa grand-mère qui a pris le médicament. Au soutien de leur décision, les juges ont retenu le rôle « indirect mais certain » du Distilbène dans les lésions motrices et psychiques qui frappent le jeune homme. Jean-Michel Joubert, le porte-parole du laboratoire, a laissé entendre que l’affaire ne serait pas portée en appel, affirmant que « UCB Pharma assumera ses responsabilités ».
Voilà plusieurs années que le Distilbène est au cœur d’un grave scandale médical. Prescrit aux femmes enceintes entre 1950 et 1970 pour limiter le risque de fausse couche, le médicament a en fait lourdement impacté les fœtus qui y ont été exposés. En juillet dernier, la revue médicale Prescrire rapportait les résultats d’une expérience menée sur des rongeurs pour affirmer que « l’exposition in utero au diéthylstilbestrol (l’hormone de synthèse contenue dans le Distilbène, ndlr) entraîne le risque d’effets épigénétiques transmis aux générations non exposées ». C’est ainsi que, en prescrivant du Distilbène à la grand-mère de Julien Le Cossec, une terrible chaîne de causalités a été déclenchée. D’abord parce que Sylvie Le Cossec, la mère de Julien, a développé une malformation utérine, et ensuite parce que cette anomalie a entraîné la naissance prématurée de son fils. Cette dernière est à l’origine des infirmités qui frappent Julien Le Cossec.
La décision de ce jeudi fait suite à une longue bataille judiciaire engagée il y a près de sept ans. Sylvie Le Cossec avait d’abord cherché à engager la responsabilité d’UCB Pharma quant à sa propre malformation utérine. Elle avait remporté son procès contre le laboratoire, où les juges avaient considéré que le médicament était la cause du dommage. Cette décision a été confirmée en appel durant le mois de mai dernier. La mère de famille avait alors attaqué une nouvelle fois le laboratoire pour que, cette fois-ci, il soit jugé responsable du handicap de son fils. Le jugement du 29 septembre lui a donné gain de cause.
« Cette décision de justice est une victoire pour mon fils et pour toutes les victimes du Distilbène, a déclaré Sylvie Le Cossec après avoir eu connaissance du jugement. Elle va nous permettre, à moi et à mes proches, d’avancer vers une forme d’apaisement. » La mère de famille admet toutefois que rien ne pourra effacer les années de souffrance que lui a causé le Distilbène… Me François de Cambiaire, l’avocat d’UCB Pharma, a pour sa part estimé que la décision des juges « peut sembler logique d’un point de vue compassionnel ».
Durant les deux dernières décennies, une centaine d’affaires similaires à celle de Sylvie Le Cossec ont été jugées devant les tribunaux. En revanche, les affaires impliquant les membres de la troisième génération sont beaucoup plus rares… Julien n’est que le quatrième enfant né prématurément à avoir été judiciairement reconnu comme victime du Distilbène. Cette affaire encouragera peut-être d’autres familles ayant subi semblables sévices à engager une action en justice.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments