Festival de Pau : le Noir prend la direction du soleil

Pour cette huitième édition d’Un Aller Retour dans le Noir, le festival du polar de Pau a choisi de mettre à l’honneur les auteurs du sud avec notamment l’Espagnol Victor de Arbol, parrain de cette huitième édition. Cette année sera aussi décerné le premier prix Marianne/Un Aller Retour dans le Noir.

Cap au Sud ! A l’heure où le vieux continent traverse une crise majeure depuis la fin de la guerre, rythmée par les diktats de la chancelière allemande et les tenants de l’orthodoxie « austéritaire », nos amis et partenaires d’Un aller retour dans le noir (ARDN), le très bon festival polar de Pau, ont choisi une thématique qui a tout d’un manifeste. A défaut de l’Europe sudiste, dont la réalité politique reste désespérément à l’état de chantier, en guise de lot de consolation, ils ont attiré dans leurs filets deux auteurs phares de nos plus proches voisins, l’Italien Giancarlo De Cataldo et, parrain de cette huitième édition, l’Espagnol Victor de Arbol. Dans une sorte de « work in progress » permanent, dont Romanzo criminale et Suburra (Métailié) forment l’ossature, le premier dresse une passionnante cartographie des maux anciens (faiblesse historique de l’Etat et puissance des mafias) et plus récents (déclin du politique et « tribalisme » généralisé) dont l’Italie a le plus grand mal à se défaire. Historien, et un temps enquêteur dans les forces de police catalanes, le Barcelonais Victor de Arbol (La tristesse du Samouraï et Toutes les vagues de l’océan, Actes Sud) a choisi la fresque épique et les ressorts du thriller pour interroger les traces de l’Histoire et les dégâts qu’elle occasionne dans la vie des gens. Architecte narratif surdoué, il jongle avec les époques et la multiplicité des personnages, non par un goût vain de la maestria, mais pour mettre à jour comment se construit, sur le terreau de la mémoire forcément infidèle et des mensonges d’Etat, ce qu’on appelle communément le roman national. Celui de l’Espagne postfranquiste, aujourd’hui aux prises avec une crise politique semblant quasiment insoluble, est au cœur de son travail.

Loin de limiter sa voilure méditerranéenne à la seule Europe, Pau est aussi allé à la rencontre de la rive proche-orientale en invitant l’auteur israélien Dror Mishani (Les doutes d’Avraham vient tout juste de paraître au Seuil) et l’Anglo-Soudanais Jamal Mahjoub, écrivain de littérature « blanche » mais aussi de plusieurs polars ayant pour décor Le Caire. Sous le pseudonyme de Parker-Bilal, il y raconte les aventures tortueuses d’un policier soudanais réfugié dans la  capitale égyptienne, prétexte à une « dérive » « ethnographique » dans les entrailles de l’immense mégalopole, révélant la corruption des régimes militaires comme les menées expansionnistes des Frères musulmans. Le débat entre les deux hommes constituera probablement un des temps forts du festival. Un autre sera la rencontre avec l’écrivain nigérian (résidant à Londres) Leye Adenle dont le premier livre Lagos Lady (Métailié) a été une des très bonne surprises de 2015, riche de toutes les qualités attendues d’un authentique « Noir »: une écriture qui ne soit pas un simple  copié-collé des facilités propres au « genre », une peinture sociale échappant aux clichés du didactisme dénonciateur, en somme cette « voix » que n’a cessée de chercher François Guérif, le patron des éditions Rivages, orfèvre en la matière s’il en est. Il y a tout cela dans Lagos Lady plus une bonne dose d’humour et un hommage intelligent (sans prêchi-prêcha fatiguant) aux femmes africaines.

Les sélectionnés du prix Marianne/ARDN

Lagos Lady se retrouve donc logiquement dans la sélection de six livres retenue par le jury du prix Marianne/ ARDN qui, dès cette édition, couronnera tous les ans un roman français, ou étranger, publié entre le mois de novembre et de mai, et répondant aux exigences évoquées plus haut. Outre Leye Adenle, nous avons retenu Corrosion, de John Bassoff (Gallmeister), Plateau, de Franck Bouysse (La Manufacture des Livres), Gravesend, de William Boyle (Rivages), Il reste la poussière, de Sandrine Collette (Denoël) et La nuit derrière moi, de Giampaolo Simi (Sonatine), tous d’excellente facture. S’il avait été disponible à temps, le deuxième roman de l’ Américain Donald Ray Pollock, Une mort qui en vaut la peine (Albin Michel) publié à l’occasion du festival où il sera présent, aurait à coup sûr intégré cette sélection. Chronique dans le Marianne de cette semaine, (disponible dans tous les kiosques dès vendredi), couplée avec celle de notre coup de cœur de la rentrée, Bondrée (Rivages) de l’écrivaine québécoise Andrée A. Michaud, nouvelle preuve, puisque sans cesse les sots en réclament, que la littérature de genre n’est décidément pas le parent pauvre de ce qui s’écrit sous toutes les latitudes.

Retrouvez le programme complet sur Marianne.net ou en cliquant ici.

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