Des électeurs de gauche à la primaire de droite ? Voici ce qu'en pensent les députés PS

Selon les enquêtes d’opinion, une partie non négligeable des votants à la primaire de la droite pourraient être des sympathisants de gauche qui viendraient faire barrage à Nicolas Sarkozy. Mais les députés socialistes observent-ils ce phénomène sur le terrain ? On leur a posé la question.

10% des électeurs à la primaire de la droite, fin novembre, pourraient être… de gauche ! C’est l’enseignement d’une enquête électorale réalisée en septembre par le Cevipof sur un échantillon de plus de 18.000 personnes. L’objectif de ces électeurs stratèges, c’est surtout de faire barrage à Nicolas Sarkozy, puisque la plupart d’entre eux voteraient pour qu’Alain Juppé soit le candidat investi par Les Républicains à la présidentielle. Mais sur le terrain, les députés de gauche ont-ils observé une telle tentation chez leurs électeurs ? Dans la salle des Quatre-Colonnes de l’Assemblée nationale, certains assurent que oui…

« Eviter le pire »

« C’est un phénomène assez nouveau, je l’entends depuis une quinzaine de jours, explique Olivier Falorni, député radical de gauche de la Charente-Maritime. Beaucoup de citoyens envisagent de participer à la primaire de la droite pour “éviter le pire”, comme ils le disent, c’est à dire voter Alain Juppé contre Nicolas Sarkozy. » Pour l’élu, exclu du PS après s’être présenté contre Ségolène Royal aux législatives de 2012, « c’est inquiétant pour le président de la République, puisque cela veut dire que ces électeurs ont intégré l’élimination de la gauche dès le premier tour de la présidentielle ».

Laurent Baumel, l’une des figures des frondeurs du PS qui en ont fait voir de toutes les couleurs au gouvernement pendant le quinquennat, attribue lui aussi ce phénomène au « sentiment que la gauche n’est pas dans le coup ». Mais il n’est pas certain que ces électeurs aillent jusqu’au bout de leur démarche, et compte sur l’autre primaire, celle du PS, prévue en janvier, pour remobiliser son camp : « Aujourd’hui, à gauche, c’est complètement flou. Notre primaire n’est pas installée. Mais si un duel Hollande/Montebourg se met en place, les gens de gauche vont se réintéresser à ce qui se passe à gauche, et pas à ce qui se passe à droite. »

« On brûle des cierges pour que ce soit Sarkozy ! »

Un afflux de sympathisants de gauche à la primaire de droite, l’idée fait en revanche sourire Bruno Le Roux, le patron des députés socialistes. « Je ne crois pas que ça puisse mobiliser des milliers d’électeurs », balaie l’élu de Seine-Saint-Denis. « Et puis, il y a quand même un petit mot à signer », glousse-t-il. Une référence à l’obligation pour les votants à la primaire de s’engager par écrit à partager « les valeurs républicaines de la droite et du centre ». Conclusion de Bruno Le Roux : « Je dis aux électeurs de gauche : laissez les électeurs de droite faire leur choix ! »

Même scepticisme chez Olivier Faure, député de Seine-et-Marne et porte-parole du PS. « Je ne vois pas ça, confie-t-il. Je ne dis pas que ça existe pas, mais on n’en est pas là. » Au demeurant, l’élu souligne, comme certains de ses collègues, un paradoxe : en allant voter Juppé, les électeurs de gauche favoriseraient le candidat qui, dans les sondages, apparaît le plus menaçant pour François Hollande à la présidentielle. Il sourit : « Vous savez, nous on brûle des cierges pour que ce soit Sarkozy ! »

 

A droite, le débat fait rage aussi

Les électeurs de gauche peuvent-ils s’inviter dans la primaire à droite ? Alain Juppé ne dit pas non, bien au contraire. Le maire de Bordeaux a lu les sondages et sait qu’il aurait tout à y gagner, d’où ses appels répétés à une primaire la plus « ouverte » possible. « S’il y a des déçus du hollandisme qui veulent nous rejoindre, ils sont les bienvenus », a-t-il encore déclaré sur France Inter mardi 27 septembre – en lançant le même appel aux électeurs du Front national, pour faire bonne mesure. Une autre candidate à la primaire, Nathalie Kosciusko-Morizet, elle aussi tenante d’une ligne modérée, ne se prive pas non plus d’ouvrir les portes du scrutin aux électeurs de gauche. « S’il y a parmi eux des déçus de François Hollande qui veulent y participer, ils sont les bienvenus ! » affirme la députée de l’Essonne ce jeudi 29 septembre dans Le Monde.

Dans le camp Sarkozy, on fait mine de ne pas s’inquiéter. Brice Hortefeux, fidèle de l’ancien président, énumère tous les « obstacles » à cette participation d’électeurs de gauche : la signature des « valeurs républicaines de la droite et du centre » et de l’engagement « pour l’alternance », mais aussi la contribution de deux euros par tour de scrutin. « Ces éléments-là vont commencer à se savoir », prédit l’ancien ministre, certain que ces conditions décourageront les sympathisants de gauche tentés d’aller voter en novembre. Le député de Paris Pierre Lellouche, qui a récemment rallié Nicolas Sarkozy, se rassure lui aussi : « Dans les petites villes, les gens se connaissent. Des électeurs de gauche ne vont pas aller voter aux côtés d’électeurs de droite ! »

 

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