Les quatre hypothèses foireuses de Michel Sapin pour boucler le budget 2017

Le ministre de l’Economie et des Finances a présenté ce 28 septembre son projet de budget pour 2017. Sur le papier, tout va pour le mieux : le déficit sera ramené en dessous de la barre fatidique des 3%, les économies seront au rendez-vous et les nouvelles dépenses seront toutes financées. Mais quelques failles se sont glissées dans le monde merveilleux de Michel Sapin…

« Ce budget est sérieux », a assuré Michel Sapin devant la presse en cette matinée du mercredi 28 septembre. Le ministre de l’Economie et des Finances dévoilait le projet de loi de finances pour 2017, qui est aussi le dernier budget du quinquennat, avant de le présenter en Conseil des ministres quelques heures plus tard. Et s’il tient à garantir son « sérieux », c’est que les doutes existent sur la capacité du gouvernement à équilibrer recettes et dépenses. Marianne passe en revue quatre zones grises du budget 2017, qui sera examiné par le Parlement cet automne.

 Une hypothèse de croissance très optimiste

Le ministère des Finances a bâti son projet de budget sur une hypothèse de croissance de 1,5% en 2017, soit une progression du PIB identique à celle attendue en 2016. Un chiffre que la plupart des économistes trouvent surévalué et auquel les institutions internationales ne croient pas. Mi-septembre, l’OCDE a revu sa prévision de croissance pour la France à 1,3%. Le FMI, lui, mise sur 1,2%. Seule la Commission européenne reste optimiste – encore plus le gouvernement – en voyant une croissance de 1,7% l’an prochain, mais elle n’a pas actualisé sa prévision depuis le printemps. L’exécutif joue donc un jeu dangereux : surestimer l’activité économique, qui conditionne notamment le montant des futurs impôts, pourrait conduire à une sérieuse désillusion en 2017.

 Un objectif de déficit incertain

Dans son programme présidentiel, François Hollande s’engageait à respecter la sacro-sainte règle des 3% de déficit public… dès 2013 ! La promesse a rapidement été emportée par la réalité, mais le chef de l’Etat la tiendra-t-elle au moins à la fin de son quinquennat ? A en croire son fidèle Michel Sapin, c’est oui : le ministre de l’Economie jure que le déficit sera réduit à 2,7% en 2017, après 3,3% cette année. Ce n’est pas ce que pense le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Dans un avis salé rendu en début de semaine, cette instance indépendante chargée d’évaluer la crédibilité des prévisions budgétaires juge « incertain » le passage du déficit sous le seuil des 3%. Quant à le réduire à 2,7% seulement, c’est « improbable », enfonce l’instance…

 Des dépenses difficilement maîtrisables

Le déficit n’est pas la seule inquiétude des experts du Haut Conseil. Dans leur avis, ceux-ci pointent aussi les risques de dérapage des dépenses publiques, « plus importants en 2017 que pour les années précédentes ». L’an prochain, l’Etat devrait dépenser 7,4 milliards d’euros de plus qu’en 2016, en raison des mesures annoncées depuis le début de l’année, entre un énième plan pour l’emploi, le renforcement de la sécurité après les attentats et les multiples promesses catégorielles (agriculteurs, jeunes, etc.).

Mais, alors que ces dispositions sont inscrites noir sur blanc dans le budget, le HCFP s’inquiète de l’évolution d’autres dépenses plus difficilement maîtrisables, notamment « l’accélération de la masse salariale » des collectivités territoriales, sur laquelle l’Etat n’a pas directement la main. Il rappelle aussi que le gouvernement doit trouver dans les mois à venir plusieurs milliards pour recapitaliser EDF et Areva. Il dénonce enfin un tour de passe-passe de Bercy, qui a transformé la dernière tranche du pacte de responsabilité à destination des entreprises – soit 5 milliards d’euros – en hausse du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE). Concrètement, cela veut dire que les recettes fiscales de l’Etat n’en souffriront pas en 2017, mais seulement en 2018. Pour François Hollande, c’est un bol d’air bienvenu, mais le prochain gouvernement héritera de la facture…

 Des économies claironnées un peu vite

Pour financer ses dépenses, le gouvernement racle les fonds de tiroir. Il compte par exemple sur 800 millions d’économies sur l’assurance-chômage. « Irréaliste », assène toutefois le HCFP dans son avis. L’assurance-maladie, alors ? La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé triomphalement la semaine dernière que « le trou de la Sécu aura disparu » en 2017. Certes, mais il existe « de fortes incertitudes », pointe le HCFP, tandis que Marisol Touraine a opportunément négligé d’intégrer à ses calculs le Fonds de solidarité vieillesse, qui sera en déficit de 4,2 milliards en 2017 l’an prochain. Autrement dit, les pistes d’économies de Bercy restent fragiles.

Ce n’est pas nouveau. Rappelons que le gouvernement comptait économiser 50 milliards d’euros au total entre 2015 et 2017, une promesse faite surtout à la Commission de Bruxelles, qui guette scrupuleusement tout dérapage. En fait, ce sera plutôt 46 milliards, comme l’a concédé Michel Sapin mercredi. Et encore, pour parvenir à ce chiffre, l’exécutif a dû ajouter une diminution de 6 milliards de la charge des intérêts de la dette, liée à la baisse des taux d’intérêt, comme le souligne Le Point. Un facteur dans lequel la politique du gouvernement n’est pas pour grand chose…

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