"Trou de la Sécu" : un retour à l'équilibre en trompe-l'oeil

Marisol Touraine a annoncé un retour à l’équilibre du régime général de la Sécurité sociale pour 2017. S’il y a bien une amélioration notoire, la ministre de la Santé se réjouit un peu trop vite. Et surtout à quel prix !

Enfin une bonne nouvelle à annoncer ! Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, n’en pouvait plus d’attendre. Avant même la présentation officielle du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) du quinquennat, ce vendredi 23 septembre, elle a sorti les trompettes. En avant la musique ! 

Jeudi 22 septembre, sur son blog personnel ainsi que dans un entretien accordé aux Echos, la ministre claironne : « En 2017, le « trou de la Sécu » aura disparu. Le régime général, qui affichait 17,4 milliards de déficit en 2011, sera à 400 millions de l’équilibre », annonce-t-elle. Sur son blog, elle écrit ainsi qu’ « après 4 années de réformes structurelles, une nouvelle donne est clairement et durablement installée. » De quoi redonner de la combativité à un gouvernement morose, plombé par l’impopularité du président de la République. 

Selon Touraine, « l’histoire de ce quinquennat, c’est la fin des déficits sociaux »Ainsi, selon Marisol Touraine, « l’histoire de ce quinquennat, c’est la fin des déficits sociaux, grâce à des réformes de structure pour mieux répondre aux besoins des Français, et ce sont des droits sociaux nouveaux. La droite avait multiplié les franchises et creusé le déficit. Nous aurons sauvé la Sécu. » Sur les quatre branches, en 2017, trois seront donc à l’équilibre (retraite, famille, accident du travail). La branche vieillesse devrait même afficher un excédent de 1,6 milliard d’euros, grâce notamment aux réformes engagées depuis 2010… Passons. Sur le papier, époustouflant. 

Dans le détail, c’est la branche maladie qui plomberait encore le budget du régime général avec un trou de 2,6 milliards d’euros. Seul élément de réjouissance pour le gouvernement, en 2016 il est de 4,1 milliards. 

2019 plutôt que 2017

Sauf qu’en ajoutant le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (qui verse les cotisations retraite de chômeurs et le minimum vieillesse) « stabilisé à 3,8 milliards d’euros en 2016 et en 2017 », selon Touraine, le déficit global sera de 4,2 milliards en 2017 avec un retour à l’équilibre prévu plutôt pour 2019. Moins spectaculaire même si les chiffres n’ont jamais été aussi bons depuis 2001. 

A cela s’ajoute des montants qui n’ont pas encore été calculés comme le souligne Le Monde. Notamment les coûts de la convention en cours de discussion entre dentistes libéraux, Assurance-maladie et organismes complémentaires. Ils devront s’être accordés d’ici la fin de l’année. Et dès 2017, ce sera au tour des kinésithérapeutes et des pharmaciens. De quoi saler la note de la Sécu…

« Coup de rabot » et « procédé comptable discutable »

Reste que le bilan affiché par le gouvernement est assez exceptionnel. En matière de réduction du déficit du régime général de la « Sécu », de nombreux gouvernements s’y sont cassés les dents. « La dette sociale a commencé de diminuer depuis 2015 et elle sera plus faible fin 2017 que fin 2011. Et cela, j’insiste, grâce à des réformes structurelles », affirme la ministre aux Echos. Ce serait donc grâce aux réformes profondes entamées sous le quinquennat de François Hollande ? Une analyse qui ne partagent pas vraiment les observateurs de la santé.

« C’est en serrant de plus en plus sévèrement les coûts de la santé que le gouvernement a réduit le déficit de la branche maladie depuis 2012 », confie ainsi au Monde, Claude Le Pen, économiste de la santé à l’université Paris-Dauphine. Selon lui, « Marisol Touraine a mené une politique de coups de rabot ». La Cour des comptes a, elle, de son côté, pointé un « procédé comptable discutable » voire « opportuniste », en mettant en lumière l’intégration d’un « produit exceptionnel de CSG (contribution sociale généralisée) de 700 millions d’euros » ne correspondant à aucune recette supplémentaire de l’Assurance-maladie. 

Des détails pour Marisol Touraine. Selon elle, « c’est bien d’une nouvelle donne qu’il s’agit. Oui, la gauche fait le job. Et la gauche de Gouvernement assume ses responsabilités. Sachons collectivement le dire aux Français »Avec la présidentielle dans quelques mois, et un François Hollande toujours très bas dans les sondages, on comprend l’empressement de la ministre. 

Sauf que sans vouloir décourager son entrain, il faut rappeler qu’en 2001 la gauche au pouvoir, conduite par Lionel Jospin, avait elle vraiment ramené la Sécurité sociale à l’équilibre. Avec un impact dans les urnes difficilement quantifiable, voire nul…

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