En 2010, la tempête Xynthia faisait 29 morts à La Faute-sur-Mer. En 2014, un procès mettant en cause René Marratier, le maire de l’époque, s’ouvrait. Après deux ans d’instruction, il est reconnu coupable d’homicides involontaires. Mais aujourd’hui, ce sont ses frais de justice, à la charge la commune, qui enflamment toujours les débats… et les rancœurs.
Six ans après, la nuit du 27 au 28 février 2010 continue d’alimenter la controverse. Cette nuit-là, la tempête condamne 29 personnes dont une large partie habite dans des lotissements construits sur des zones inondables. Outre la course à l’indemnisation des victimes, un autre combat se joue en parallèle. Celui mené par la commune pour échapper aux dettes laissées par l’ancien maire et principal mis en cause suite à la catastrophe, René Marratier, s’élevant à plus de 400.000 euros. Sauf qu’entre le maire actuel, Patrick Jouin et l’ancien, la patate chaude circule. Alors qui doit payer ? Entre les deux, l’assurance de la commune essaye d’en débourser le moins possible.
Pour comprendre ce qui se joue, il faut revenir six ans en arrière. Dès le lendemain de la tempête, fin 2010, l’équipe municipale en place doit rendre des comptes. La délivrance des permis de construire, par la mairie, pour les logements pris sous les eaux, pose question. Des plaintes sont vite déposées. Il y en aura près d’une centaine au total. Une instruction est ouverte puis, le 15 septembre 2014, le procès démarre. René Marratier et son adjointe à l’urbanisme, Françoise Babin (également propriétaire des terrains), se voient reprocher d’avoir fermé les yeux sur les risques pour profiter de la manne financière qui pouvait découler de ces constructions. Le fils de cette dernière sera également mis en cause, étant président de la commission de surveillance de la digue. D’abord condamnés à de la prison ferme en première instance, ils seront finalement relaxés… sauf l’ex-maire de la commune. Il est condamné à deux ans de prison avec sursis, reconnu coupable d’homicides involontaires et de mise en danger de la vie d’autrui. Si son cas est réglé, une question demeure… qui va payer la note ?
En 2014, Patrick Jouin, candidat divers gauche, remporte les élections municipales et enfile l’écharpe tricolore de maire de La Faute-sur-Mer. Il découvre alors « à sa grande surprise » que son prédécesseur avait engagé la commune et son assurance pour payer ses frais de justice à sa place. D’abord par la souscription d’un contrat avec l’assurance signé en 1996, Marratier s’est protégé de toute décision de justice pouvant lui demander de débourser de l’argent. Par cette « protection fonctionnelle« , dont il peut bénéficier en tant que maire, c’est à l’assurance de la commune de payer si des amendes lui sont infligées. En l’occurrence, ce dispositif lui permettra d’éviter de régler le remboursement des frais d’avocats des victimes ordonné par la Cour d’appel, soit 262.800 euros. Ensuite, il apparaît que l’ex-maire a aussi échappé au paiement de 155.192,20 euros concernant ses propres frais d’avocats, grâce au vote, en 2012, d’un budget consacré à ces frais. Une sorte de protection tout à fait légale.
Une note finale qui s’élève à 417.995,20 eurosSauf que la commune et son assurance ne l’entendent pas de cette oreille. Toutes deux vont tenter de se défaire de ces cadeaux empoisonnés hérités de l’ex-maire. De son côté, Patrick Jouin, le maire actuel, décide de casser, en août 2015, le vote de 2012 au motif que Marratier présidait lui même la séance. Tandis que l’assurance, elle, oppose plusieurs refus de garantie, mettant en avant une clause précise. L’assurance assure à Marianne que « le contrat reposait sur la présomption d’innocence. Dès lors que monsieur Marratier a été condamné, le contrat ne pouvait subsister. »
Nouveau rebondissement en avril 2016 : la cour d’appel décide de rattacher la faute de Marratier à sa fonction de maire, faisant échouer les tentatives de la mairie et de l’assurance pour échapper au paiement. Dès lors, les deux décident de s’entendre cet été, entrainant la capitulation de la Smacl – c’est le nom de l’assurance – qui accepte de prendre en charge la totalité des frais découlant des différentes actions judiciaires. Entre les frais d’avocats de l’ex-maire et le remboursement des frais d’avocats des victimes, le chiffre s’élève à 417.995,20 euros. « Disons que c’est un geste commercial », déclare l’assureur. C’est surtout un « ouf » de soulagement pour les contribuables qui se voyaient déjà obligés de mettre la main au portefeuille.
Fin de l’histoire ? Pas vraiment… En coulisses, la mairie et l’assureur préparent leurs arrières. Après la conclusion des tractations entre les deux parties, un conseil municipal spécial en date du 18 juillet est organisé et débouche sur cette conclusion :
« La commune et son assureur, la Smacl, se réservent la possibilité d’exercer toute action récursoire pour obtenir le remboursement des sommes ainsi exposées. »
Un recours serait-il en préparation pour demander à l’ex-maire de prendre en charge ses propres frais d’avocat ? Du côté de l’assureur, comme du côté de la commune, on dit simplement se réserver ce droit en cas de retour en arrière de la Cour de cassation. Cette dernière doit en effet se prononcer dans les mois à venir… et éventuellement renverser la balance. Toute la question est de savoir si elle jugera la faute de Marratier détachable de sa fonction de maire et le remettra ainsi en position de premier payeur.
Une source proche du dossier voit toutefois l’action de la commune et de l’assurance comme « une sorte d’alliance », « le but c’est de voir l’argent revenir et, à deux, ils sont plus forts.« Pour le camp Marratier, c’est l’incompréhension qui domine. « Cet entêtement n’a aucun sens », réagit Denis Seban, avocat de l’accusé. « L’attitude de l’assurance et son refus de payer sont des classiques mais, par contre, on peut se questionner sur les motivations du maire actuel, elles peuvent être politique par exemple. Surtout en prévisions des prochaines élections municipales. »
Pendant que ce match se prolonge, les victimes restent loin des débats mais, surtout, loin des attentions. « Nous n’avons pas touché un centime d’indemnisation en dehors du remboursement de nos frais d’avocat. Notre sort semble accessoire », explique à Marianne Renaud Pinoit, président de l’association des victimes de La Faute-sur-Mer et ses environs (Avif). Il semble en effet que tout ce petit monde soit bien occupé…
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