Bygmalion : ce mensonge répété ad nauseam par le camp Sarkozy sur sa mise en examen

Depuis que le parquet a demandé son renvoi pour un procès en correctionnelle, Nicolas Sarkozy et son entourage n’ont de cesse de répéter qu’il n’est pas mis en examen pour « financement illégal » de sa campagne présidentielle de 2012 mais pour simple dépassement du plafond. Sauf que même répété sur tous les tons et dans tous les médias, un mensonge n’en devient pas pour autant une vérité…

« On peut se parier une bière si vous le souhaitez : Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour le dépassement, et seulement pour le dépassement de ses comptes de campagne« . Ce lundi 19 septembre au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV, Gérald Darmanin, le coordinateur de campagne de Nicolas Sarkozy, a déroulé avec aplomb la communication défensive de l’ex-chef de l’Etat depuis la demande de son renvoi en procès, annoncée par le parquet de Paris le 5 septembre.

Oui, Sarkozy a bien été mis en examen pour « financement illégal de campagne »

Jeudi dernier déjà, dans « L’Emission politique » sur France 2, l’intéressé en personne avait asséné avec la même assurance : « J’ai été mis en examen – et demain ce sera facile de confirmer si je dis la vérité ou pas – pour le seul fait du dépassement du plafond de ma campagne ». Facile à vérifier, effectivement : le 15 février 2016, Nicolas Sarkozy a bien été mis en examen par le juge d’instruction pour… « financement illégal de campagne électorale ».

Alors, comment expliquer que toute la Sarkozie entame en choeur une contre-vérité si aisée à établir ? En fait, le camp de l’ancien président joue sur deux éléments. D’abord, sur les mots du communiqué de presse qui avait annoncé sa fameuse mis en examen en février, lequel en exposait à la fois le motif – « financement illégal de campagne électorale », donc – mais aussi une partie de la qualification développée par le juge d’instruction pour justifier sa décision : « Pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal des dépenses électorales ».

« On a fait un communiqué précis mais le motif reste celui-là : Nicolas Sarkozy a bien été mis en examen pour financement illégal de campagne« , nous re-confirme aujourd’hui le parquet de Paris. Ce que l’intéressé a pourtant explicitement nié en ces termes sur France 2 : « Absolument pas, c’est faux ».

Le deuxième élément sur lequel joue la défense de Nicolas Sarkozy, c’est sur le fait qu’il n’a pas été mis en examen pour les mêmes chefs d’accusation que les dirigeants de Bygmalion, la société soupçonnée d’avoir mis en place un système de double facturation pour financer sa campagne. Et de rapporter cette discussion qu’il affirme avoir eue avec avec le juge d’instruction en février : « Le juge Tournaire m’a dit : ‘Effectivement, vous n’avez rien à voir avec les agissements des dirigeants de Bygmalion. Je ne vous mettrai donc pas en examen pour escroquerie, pour faux et usage de faux, pour tout ce qu’ils ont fait' ». Nicolas Sarkozy veut installer dans l’opinion publique l’idée que sa mise en examen n’a eu lieu que « pour un délit formel, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’intention ».

Non, la responsabilité de Sarkozy n’est pas écartée

Au passage, Nicolas Sarkozy omet de préciser que les chefs d’escroquerie, de faux et usage de faux ne concernent pas que des dirigeants de Bygmalion mais aussi d’anciens cadres de l’ex-UMP et des responsables de la campagne présidentielle. Et si lui-même n’est en effet pas accusé d’escroquerie, la responsabilité de l’ancien chef de l’Etat n’est absolument pas pour autant mise hors de cause dans cette affaire. Dans les qualifications développées par le juge en février pour le mettre en examen, il y avait aussi : « Pour avoir fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d’éléments comptables sciemment minorés ». Et le réquisitoire final du vice-procureur, que Marianne a pu se procurer, pointe encore plus directement sa responsabilité, soulignant qu’il était « le principal bénéficiaire et le principal donneur d’ordres des événements, puisqu’il était le décideur final de leurs éléments essentiels ».

>> Bygmalion : nos révélations sur l’accablant réquisitoire du parquet contre le système Sarkozy

Surtout, le vice-procureur estime que « compte tenu de sa formation et de sa très grande expérience en matière de campagne électorale, il était logique d’estimer que sa seule connaissance du dépassement du plafond de dépenses impliquait la connaissance de l’usage de moyens frauduleux inhérents à une telle dissimulation ». Et de considérer donc que la responsabilité de l’ancien président est « pleinement engagée du chef de financement illégal de campagne, car il était démontré qu’il avait donné, en connaissance de cause, des instructions en faveur d’une augmentation des dépenses, au mépris des recommandations contraires des experts comptables ».

Conclusion, il est parfaitement faux pour Nicolas Sarkozy d’affirmer comme il l’a fait : « En tout état de cause, je ne peux être renvoyé éventuellement, ce qui n’est pas le cas, que pour la seule infraction de dépassement du compte de campagne ». Et il est encore loin des faits quand il ajoute : « J’ai été lavé de toute accusation mettant en cause ma probité dans l’affaire Bygmalion« . Il appartient justement aux juges de déterminer désormais, en suivant ou non le réquisitoire du vice-procureur, s’il aura besoin de laver cette probité devant un tribunal. En attendant, Gérald Darmanin doit une bière à Jean-Jacques Bourdin.

Nicolas Sarkozy a-t-il déjà payé pour sa faute ?

C’est le deuxième volet de l’argumentaire déployé par Nicolas Sarkozy et son entourage dans l’affaire Bygmalion. « J’ai déjà été sanctionné par le Conseil constitutionnel il y a quatre ans pour cela (…) et il serait intéressant de voir au nom de quoi, en France, on peut être condamné deux fois pour la même chose alors que l’article 62 de la Constitution dit : ‘La décision du Conseil constitutionnel s’impose à toutes (les autorités administratives et juridictionnelles, ndlr)' ».

En effet, par une décision du 4 juillet 2013, prenant acte du rejet de ses comptes par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), les Sages ont ordonné à l’ex-président « la restitution de l’avance forfaitaire de 153.000 euros et le versement au Trésor public d’une somme de 363.615 euros ». Sauf que le rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, acté le 19 décembre 2012, n’a… absolument rien à voir avec l’affaire Bygmalion !

Ce rejet, et l’amende qui s’est ensuivie, sont la conséquence d’une saisine par des députés socialistes de la Commission des comptes de campagne, l’alertant sur des dépenses non déclarées par le camp Sarkozy dans ses comptes (notamment des sommes engagées avant la déclaration officielle de sa candidature le 15 février 2012). Après un nouveau calcul, la CNCCFP a effectivement conclu que le plafond légal autorisé était dépassé de 363.615 euros, d’où la sanction du Conseil constitutionnel. Mais en aucun cas celui-ci ne s’est préoccupé d’un système présumé de fausses factures ; d’ailleurs il ne le pouvait pas, puisque le scandale Bygmalion n’éclatera que plus d’un an plus tard, en février 2014.

En aucun cas, non plus, le Conseil constitutionnel n’a accusé Nicolas Sarkozy de financement illégal de campagne, mais simplement d’un dépassement de 363.615 euros. Alors que selon le réquisitoire du parquet dans l’affaire Bygmalion, sa campagne de 2012 aura finalement coûté plus de… 45 millions d’euros ! Et pour cela, personne n’a encore été sanctionné à ce stade.

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