Le Zozo Zemmour doit d'abord se faire soigner…

Le Zozo Zemmour en deviendrait presque pitoyable, ses agressions permanentes est en réalité un combat contre lui-même: ce ne sont pas les arabo-musulmans qui « envahissent » la France, ce sont ses obsessions qui ont « envahi » Zemmour.

La question, il la pose sans retenue et sans talent concernant l’Islam, pris contre toute évidence comme un bloc amalgamé, monolitique. Mais le Zozo Zemmour est-il lui-même, mélange de provocation calculée et de ridicule qui ne fait plus peur, COMPATIBLE AVEC LA REPUBLIQUE ? Bon, c’est vrai, cela fait des années que ce personnage de bande dessinée, qui essaie de prendre des postures sérieuses d’écrivain tout en étant polémiste facile, racole le public xénophobe boursouflé par les événements récents. Oui, cela fait des années maintenant qu’il conçoit ses séquences éditoriales avec l’art consommé – et très rémunérateur en droits d’auteurs – du marketing racialiste, qui avait fait les grandes heures de Jean-Marie Le Pen: après quelques mois de silence (relatif) et de calme (apparent), et après avoir compilé une série de références pseudo-historiques et bibliographiques qui font croire en une mise en perspective savante, le Zozo Zemmour sort donc un livre comme on lance un crachat : pour agresser ; faire bruyamment réagir ; et ramasser la mise dans les librairies.

La ficelle est très grosse mais les temps que nous vivons favorisent les raccourcis les plus grossiers du national-populisme tendance xénophobe, qui tend à flamboyer pour toute une série de raisons conjuguées. Cerise sur le gâteau zemmouro-lepéniste, les attaques djihadistes subies par la France ont naturellement amplifié les peurs : Daech aimerait tant, évidemment, exploiter au maximum cette terreur pour déstabiliser la démocratie pris pour cible. Mais cela ne fonctionnera pas. La démocratie française, qui est une République à l’armature défensive solide – notamment sur le plan juridique et civique –, ne se laissera pas impressionner, encore moins déstabiliser. Et même s’ils progressent en nombre, et même s’il faut y prendre garde, elle ne se laissera pas berner par ce courant Zemmouro-lepénisto encouragé par la rentrée sarkozyste, qui tentent de profiter des tensions sociales et culturelles provoquées par les attentats, pour tirer vers eux tous les amalgames et tirer à vue sur l’Islam-bloc, sur tous les musulmans, pris en masse comme une « invasion » et une « menace ». 

Alors, pour ce qu’il est vraiment difficile de pouvoir qualifier de « pensée » zemmourienne, à ce stade de grossièreté mais aussi de ridicule, la question se pose pour le Zozo Zemmour. Evidemment, il est suffisamment intelligent pour ne pas croire vraiment au sérieux de sa thèse, il est suffisamment tordu pour savoir que sa thèse a un impact assez certain dans les foyers apeurés où se recrutent ses lecteurs. Qu’ils soient issus de la haute bourgeoisie Fig-Mag, où il tient une chronique régulière d’une xénophobico-cryptolepénisto «insolence» (terme historiquement trouvé à l’extrême droite, pour couvrir les naufrages racistes et antisémites). Ou qu’ils proviennent, lecteurs en proie à la souffrance du sentiment de déclin, des milieux populaires qui font l’audience de RTL, où les chroniques aux relents les plus xénophobes du Zozo cotoient à l’antenne, les doctes démonstrations argumentée d’un François Lenglet… Le ratissage de la raison et de la déraison est certes un calcul marketing (qui ne discrimine pas !) mais fait-il une cohérence éditoriale, est-il surtout un acte de responsabilité respectueux de la République, à l’heure où la xénophobie peut devenir un produit inflammable et faire exploser, par réactions en chaîne, les esprits les plus faibles ? 

Ses agressions sont en réalité un combat contre lui-même : ce ne sont pas les arabo-musulmans qui « envahissent » la France, ce sont ses obsessions qui ont « envahi » Zemmour.

La question se pose donc. Comme celle de l’opportunité pour ses détracteurs (dont je suis), dans le cas du Zozo Zemmour, de descendre dans le caniveau encombré, où ce provocateur, petit télégraphiste du FN versus Jean-Marie, fait complaisamment, et avant tout, du marketing (racialiste xénophobe), essayant d’abord et par tous moyens de faire le buzz sur son nom et son livre ? Comme son procédé est très gros, non pas comme une ficelle mais comme un baobab africain, on se demande pourquoi certains médias font semblant de ne pas le voir ! Le Zozo a évidemment calculé dans chaque livre les quelques passages qui feront le scandale, payant, du buzz.

Dans sa période de « promo », il conçoit toutes les séquences, les apparents dérapages, qui lui permettent d’exister. Utilisant depuis au moins dix ans le même sujet hypersensible (et sa chambre d’écho actuelle) de la xénophobie, il cible un « ennemi » – l’Islam, le musulman ; très facile dans la période – et il attaque, nommément, dès qu’un grand micro lui est ouvert. Récemment, il a ainsi ressorti la vieille thèse moisie du devoir de « franciser » les prénoms « étrangers », ceux à consonance arabe bien sûr. Oui, « franciser » tous les prénoms, c’est bon ça, ça parle le matin aux auditeurs de RTL ! Ca ne peut pas blesser, croit-il, les auditeurs aux prénoms bien de chez nous ! Et si ça blesse les autres, ou indigne une multitude et bien on dira que c’est la bande « politiquement-correct » des « bobos-qui-ne-connaissent-rien-de-la-réalité » ou que c’est par la polémique qu’on anime le débat, pas avec de l’eau tiède ! Voilà, l’argumentaire usé qu’il a réussi à vendre, jusqu’à présent, à la haute direction de RTL par exemple (même s’il n’a pas convaincu à la tête d’Itélé et du groupe Canal Plus, où le xénophobe professionnel chroniquait).

Mais au fond et sans l’excuser, c’est en fait pour faire parler essentiellement de lui que le Zozo Zemmour, en proie depuis des années à un désespoir personnel et existentiel, accable les autres de tous les maux de la terre – c’est le syndrome de tous les extrémistes – c’est pour cela qu’il attaque nommément, en particulier ceux aux noms (et non plus prénoms) à consonance dite étrangère (et bien sûr arabe). Ainsi, tout dernièrement, c’est Zinedine Zidane et Rachida Dati qui ont été pris dans la cible publique de l’injonction zemmourienne de « franciser » les prénoms.

Le moindre étudiant en première année de psychologie y voit que ce niche, là, une fois encore chez lui, plus de 50 ans après, la marque de ce qu’il n’a jamais accepté : la guerre perdue d’Algérie de Papa-Maman. Chez beaucoup de pieds-noirs, encore plus chez leurs enfants ou petits-enfants, la résilience apaisée s’est produite positivement. Chez Zozo Zemmour, la revanche permanente doit absolument frapper, pour réparer une fracture, une plaie que ce grand garçon est seul responsable de ne pas avoir soignée. D’ailleurs, notons que le mot « soigner » est venu en réplique, de la part de Rachida Dati, comme une boutade qui a répondu juste : il s’en prend à nos prénoms, à ceux de nos enfants, « mais il faut qu’il se fasse soigner !!! » 

Je ne suis pas toujours d’accord – loin s’en faut – avec Rachida Dati, redevenue militante d’un Sarkozy ultra-« identitaire ». Mais, là, c’est bien le sujet. Le Zozo Zemmour en deviendrait presque pitoyable, ses agressions permanentes est en réalité un combat contre lui-même : ce ne sont pas les arabo-musulmans qui « envahissent » la France, ce sont ses obsessions qui ont « envahi » Zemmour. Ce qui est tout de même ennuyeux, c’est que quelques médias sérieux, sans prendre au sérieux le Zozo, instrumentalise cette obsession zemmourienne, son art de la provocation et en font une obsession collective, histoire de « faire parler ». C’est trop tentant ! Mais quelle tristesse aussi. Car, à force de préférer la petite musique de cette « histoire de faire parler », c’est la grande Histoire qui parle. Et qui, face à ces thèses fétides, tranchera. 

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