Belfort : lettre ouverte à Alstom, pour les Alst'hommes

Derrière la casse industrielle et sociale, il y a des hommes…

Monsieur le Président-directeur général,

Dans les pages économie des journaux, les bonnes nouvelles sont rarement vraiment bonnes et les mauvaises nouvelles sont souvent vraiment mauvaises. Belfortain de toujours, côtoyant tous les jours des salariés d’Alstom, comme eux, j’ai appris à vivre avec ces vagues de bonnes et de mauvaises nouvelles. Mais nous n’avions pas vu venir ce 7 septembre qui restera comme le jour où vous avez osé envisager la fermeture de l’usine de production de Belfort.

Depuis 2014, nous avons aussi appris de la direction d’Alstom que des choix prétendument guidés par une extrême rationalité économique se traduisent toujours par la casse industrielle et sociale, derrière laquelle il y a des hommes : les Alst’hommes. Votre prédécesseur a abusé de sa réputation de sauveur de l’entreprise alors qu’il en fut l’exécuteur, en imposant à des pouvoirs publics trop conciliants la vente de toutes les activités énergie à l’américain General Electric. A Belfort, General Electric a développé son activité dans un partenariat étroit avec les responsables politiques locaux, mais Alstom a agi contre les intérêts nationaux.

Cette mutilation nous a été présentée comme une garantie pour l’avenir de la branche de transports devenue le nouvel Alstom. Des responsables politiques ont même eu des paroles fortes pour dire aux salariés de Belfort : «Vous avez un avenir.» Aujourd’hui, il ne reste déjà plus rien de ces promesses en carton-pâte. Derrière la vente des activités énergie à General Electric décidée par Patrick Kron en 2014 et finalisée en 2016, des esprits suspicieux n’ont pas vu la main de la rationalité économique, ni même une stratégie d’entreprise, mais plutôt l’appât du gain et le cynisme débridé d’une caste. D’ailleurs, les seuls gagnants identifiés de cette mutilation sont l’ancien PDG et les cadres dirigeants qui se sont partagé des millions d’euros comme rétribution de leurs bons et loyaux services. Le projet de fermer Belfort démontre malheureusement une grande continuité dans le management de l’entreprise.

Belfort, c’est Alstom, et Alstom, c’est Belfort. Il faut lire cette phrase en entier et ne pas se contenter d’y voir la dépendance d’un territoire et de ses habitants à une entreprise : l’entreprise doit beaucoup à ce territoire, son histoire et ses habitants qui sont bien plus que des «ressources humaines». Dans l’économie mondialisée, le capital se veut fluide et ne voit le monde qu’à travers des colonnes de chiffres et des ratios. La richesse d’une entreprise, c’est le tissu humain, la loyauté, les compétences acquises, l’engagement de salariés qui donnent beaucoup parce qu’ils croient à l’ouvrage fait en commun. Vous méprisez cette richesse. Vous voulez vous montrer rassurant en évoquant des reclassements au sein du groupe dont vous savez bien qu’ils n’auront pas lieu parce que les hommes ne sont pas des pions. Si jamais nous vous laissions faire, la réalité vous rattraperait un jour, et Alstom le paierait très cher.

Si ce désastre devait se produire, les dirigeants politiques auront une immense responsabilité, et pas seulement parce qu’aujourd’hui l’Etat est de fait votre actionnaire principal avec les 20% prêtés par Bouygues. Les politiques ont leur responsabilité dans ce mouvement de désindustrialisation qui a vidé et continue de vider le territoire français de ses usines, sans y opposer une véritable politique industrielle, ni la protection efficace dont tous nos concurrents sont dotés.

Monsieur le Président-directeur général, nous n’entendons pas rester spectateurs de vos méfaits. Nous ne nous rendrons pas sans combattre. Vous aurez face à vous les salariés d’Alstom, bien sûr, mais aussi des citoyens debout, et pas seulement belfortains. Entendez le cri de cette France qui se lève tôt pour continuer la grande et belle aventure industrielle d’Alstom. Comportez-vous en patriote.

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