Les primaires ? Un divertissement pour bobos qui commentent à l’infini, en sortant de leur magasin de pâtes sans gluten, les chances des candidats en présence alors qu’au dernier moment ils n’iront pas voter parce qu’il y a une rétrospective Xavier Dolan au MK2 Beaubourg.
Il y a des références à la mode. Depuis deux décennies, il arrive souvent que des publicistes voire même des politiques citent Baltasar Gracian. On doit notamment à ce dernier, qui était à la fois jésuite, essayiste et écrivain dans ce XVIIe siècle qui fut aussi l’âge d’or espagnol, l’Homme de cour, ce manuel de survie en milieu politique hostile. Cependant, la paresse aidant, on oublie un autre essai de cet auteur chéri par Voltaire, Schopenhauer, Nietzsche, Debord et Jankélévitch. Un ouvrage extrêmement corrosif et salubre : le Politique Dom Ferdinand le catholique, qu’à ma connaissance on ne retrouve qu’aux défuntes éditions Gérard Lebovici. Et c’est dommage car l’on y croise un concept fort intéressant pour éclairer notre actualité : celui de faire la guerre ou la politique «avec la poudre sourde», c’est-à-dire «sans le bruit inutile et dangereux, sans aucune marque éclatante de quelque entreprise». Généralement, on utilise ce subterfuge pour installer une entreprise sans avertir les ennemis, irriter les princes neutres et alarmer tout le monde, dirait-on dans un style gracianesque.
C’est, d’ailleurs, la même idée que l’on retrouve chez Nietzsche lorsqu’il écrit : «Les pensées qui mènent le monde arrivent sur des pattes de colombe.»
Il existe, en effet, la société du spectacle aidant, des affaires, présentées avec grand bruit, qui peuvent enflammer l’opinion publique et mettre la classe politique dans tous ses états avant que l’on ne finisse par s’apercevoir qu’elles sont de nature parfaitement anodines, mesquines, germanopratines. Et puis, il y a des entreprises dont on avance l’idée par petites saccades successives jusqu’à ce que l’on considère qu’elles vont de soi, qu’il s’agit d’une amélioration notable de notre quotidien démocratique, mais qui, dans les faits, préparent le terrain à un dessaisissement de la souveraineté des citoyens. C’est le cas de ces fameuses et fumeuses primaires que l’on nous a vendues depuis quelques années comme la panacée universelle et qui ne sont rien d’autre qu’un formidable piège à cons. Un divertissement pour bobos qui commentent à l’infini, en sortant de leur magasin de pâtes sans gluten, les chances des candidats en présence alors qu’au dernier moment ils n’iront pas voter parce qu’il y a une rétrospective Xavier Dolan au MK2 Beaubourg.
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