Pour le journaliste de France Culture Brice Couturier, en idéologisant les faits économiques et sociaux, certains commentateurs et éditorialistes rendent impossible le traitement objectif des problèmes du pays.
Marianne : Après votre départ, cet été, de la matinale de France Culture où vous avez été chroniqueur pendant cinq ans, vous avez dit votre ras-le-bol de ce que vous nommez «le parti des médias». Qu’entendez-vous par cette expression ?
Brice Couturier : D’abord, une précision : j’ai quitté «Les matins», mais je reste sur France Culture. C’est ma base, ma maison. J’y suis entré en 1985. Je ne suis ni démissionnaire ni remercié. Maintenant, en ce qui concerne l’expression «parti des médias», je n’en revendique pas la paternité : Marcel Gauchet l’avait déjà employée dans les années 2000 et, avant lui, le journaliste Georges Suffert, dans son livre les Intellectuels en chaise longue, publié en 1974. Il y a donc toujours eu des esprits pour reprocher à certains journalistes de s’être constitués en un pouvoir éminemment discutable, dans la mesure où, contrairement aux hommes et aux femmes politiques – qui sont soumis à l’élection -, ces journalistes, eux, n’ont pas à rendre de comptes. Ils peuvent «planter» des journaux, et réapparaître aussitôt dans un autre titre ou sur un autre média. Leur notoriété les protège de leurs échecs. Une fois qu’on fait partie de la nomenklatura, on y est pour de bon.
Ce «parti des médias», que vous dénoncez, a-t-il un agenda ? Un corpus d’idées ?
Oui, mais, d’abord, permettez-moi de préciser qu’il ne représente pas l’ensemble des journalistes – sinon j’en ferais moi-même partie ! C’est une fraction numériquement faible des commentateurs, des éditorialistes, des présentateurs télé ou radio, qui se considèrent comme des leaders d’opinion naturels, des moralistes chargés de dire le bien et le mal, d’orienter l’opinion. C’est la version actuelle du «socialisme de la chaire». Partant, ils poursuivent un agenda bien à eux : ils veulent focaliser l’attention publique sur des infos au détriment d’autres. Ainsi, allument-ils des contre-feux quand certains faits d’actualité vont à l’encontre de ce que prétend démontrer leur idéologie.
Vous avez un exemple ?
Oui, tout récemment, il y a eu cette polémique sur le fait divers de Toulon. Dans un premier temps, il a été écrit et dit que le groupe de sportifs du dimanche agressé lors d’une balade en famille aux abords de la cité des Œillets l’avait été parce que les femmes portaient des shorts. J’ai moi-même relayé cette «info» dans l’émission «28 minutes» (Arte). Elle s’est révélée fausse et je m’en suis excusé : les femmes étaient en legging. C’est vrai. Il n’en reste pas moins que, comme l’a précisé le procureur de la République, c’est bien pour leur tenue vestimentaire que ces femmes ont été traitées de «putes» et de «salopes», à qui on a enjoint de se mettre «toutes nues», etc. – agressions verbales qui ont débouché sur le passage à tabac que l’on sait de leurs maris qui se sont interposés. Mais le parti des médias s’est focalisé sur cette erreur de détail (le short contre le legging) pour détourner l’attention. Pour crédibiliser tous ceux qui dénonçaient le climat responsable de cette agression sexiste d’une rare violence. Souvenez-vous de la manière gênée et tardive dont les violences sexuelles de Cologne ont été dévoilées au public…
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