François Ruffin : "Macron, caricature de la démission des élites"

Les salariés de l’entreprise 
Ecopla vont manifester ce lundi 12 septembre devant le ministère de l’Economie à Bercy, puis devant le siège du mouvement d’Emmanuel Macron, jour de son inauguration. François Ruffin, réalisateur du film « Merci patron ! », les soutient et explique à « Marianne » pourquoi il considère l’ex-ministre comme responsable de la situation de ces ouvriers.

Ce lundi 12 septembre, Emmanuel Macron inaugure le siège parisien de son mouvement En Marche, à la tour Montparnasse. Il aura de la visite : celle des salariés de l’entreprise 
Ecopla, accompagnés de François Ruffin, réalisateur du film Merci patron !, et 
de ses amis du journal Fakir. Depuis deux ans les salariés d’Ecopla, petite entreprise qui fabrique des plats en aluminium à Saint-Vincent de Mercuze dans l’Isère, se battent pour sauver leurs emplois et l’activité. Regroupés en Scop, ils ont réussi à obtenir les soutiens des industriels, des banques, des élus. Mais le tribunal de commerce a préféré confier la société au principal concurrent italien d’Ecopla, qui en fait compte récupérer les machines en fermant l’établissement. Le dossier doit encore être examiné par la cour d’appel le 9 octobre. N’ayant reçu aucun soutien du ministère de l’Economie depuis deux ans, ils manifesteront ce lundi matin à Bercy, puis se rendront au siège de « En Marche », en criant : « Puisqu’Emmanuel Macron n’est pas venu à nous, nous irons à lui ! » François Ruffin s’en explique pour Marianne.

Marianne : Qu’est-ce qui vous pousse à soutenir la cause des salariés d’Ecopla ?
François Ruffin : Je connaissais l’histoire de cette entreprise en dépôt de bilan, promise à la casse par le tribunal de commerce, dont les salariés se sont regroupé en Scop et ont élaboré un projet de reprise viable. En revenant de vacances, je suis passé par Grenoble et j’ai fait un détour par cette entreprise. C’est une chose de connaître un dossier et une autre que de rencontrer les personnes, de leur parler et de voir leur désespoir devant des décisions absurdes. Il reste un mois pour renverser le courant afin de sauver Ecopla et 30 emplois tout de suite, 50 à terme.

Je sais qu’on a l’air de ramasser les miettes de l’industrie, lorsqu’on annonce la fermeture d’un site Alstom à Belfort. Mais c’est un combat qui vaut le coup. J’ai dit aux salariés : si votre histoire demeure dans le seul périmètre de Saint-Vincent de Mercuze, vous n’avez aucune chance de vous faire entendre. J’assume d’être à la fois un journaliste et un activiste. Défendre des causes comme celle de la famille Klur contre Bernard Arnault (thème de Merci Patron !, ndlr), une salariée licenciée d’une entreprise de nettoyage sous-traitante de la SNCF ou Ecopla, cela veut dire qu’il faut mettre les mains dans le cambouis pour démontrer la possibilité du changement social. Ecopla, c’est l’incarnation jusqu’à la caricature du mépris affiché par les élites françaises vis-à-vis de l’industrie, de leur démission face à la mondialisation. Cela fait trente ans que les dirigeants de ce pays ont décidé que l’industrie n’avait plus d’intérêt, misant exclusivement sur les services, à commencer par Emmanuel Macron.

C’est donc un combat contre la mondialisation ?
Je suis personnellement pour le protectionnisme. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit même pas de ça. Ecopla est une entreprise viable. La filière patronale souhaite qu’elle continue à produire. Les banques sont prêtes à mettre 2,5 millions d’euros sur la table, les fournisseurs sont prêts à livrer la matière première. Tous les éléments sont là pour une issue positive si le politique donne enfin un coup de pouce. La solution est simple : le concurrent italien propose d’effacer la dette sociale d’Ecopla, soit 1,5 million d’euros. En échange de quoi il supprime l’entreprise, donc un concurrent, et il récupère sa part de marché. Les salariés ont réussi à réunir de l’argent mais pour investir, faire redémarrer l’activité, conserver l’emploi. Il suffirait que Bercy propose un moratoire, ou un effacement de cette dette sociale et la Scop peut reprendre Ecopla. Ce n’est pas la mer à boire !

Vous mettez en cause spécifiquement l’attitude d’Emmanuel Macron. Pourquoi ?
Parce qu’il n’a rien fait pendant ses deux années passée à Bercy. Malgré le soutien des parlementaires communistes et socialistes du département, malgré un dossier constitué par les Scop, le soutien des banques, etc, les salariés n’ont eu aucune réponse, aucun soutien de la part de Bercy. A l’inverse, le dernier propriétaire qui a entraîné la faillite, lui, a été reçu ! En comparaison Montebourg et Hamon, ses prédécesseurs avaient soutenu, dans une situation tout à fait similaire, les salariés de l’entreprise SET réunis en Scop. C’est vraiment le service minimum, et pourtant Macron a préféré appliquer sa doctrine, selon laquelle « privilégier les emplois existant serait une erreur ». Le clou du spectacle c’est la lettre-type que Bercy a fini par envoyer aux salariés, datée du 29 août et reçue le lendemain, soit le jour de la démission d’Emmanuel Macron, comme si son entourage avait voulu le protéger … Alors puisque le mouvement « En Marche », créé par Macron, a la prétention d’écouter les problèmes des gens, nous irons les faire connaître à son siège parisien, après un détour par Bercy, ce lundi…

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