Lactalis : le monstre et les hypocrites

La crise du lait est loin d’être finie et Lactalis n’en est que l’antipathique symptôme. Lactalis est bien un monstre. Mais il faudrait comprendre d’où il vient et qui l’a enfanté…

Le bref épisode de la crise du lait – rebaptisée «scandale Lactalis» – offre un bon exemple du non-traitement des problèmes français par des politiques masquant leur impuissance derrière l’indignation et la subvention. Relatée comme un fait divers crapuleux, elle fut décrétée «finie» parce que l’horrible groupe Lactalis, qui imposait à des éleveurs de travailler à perte, avait «cédé». Or la crise n’est pas finie et Lactalis n’en est que l’antipathique symptôme. Sa peu communicante direction a trouvé le bon mot en se plaignant d’être un «bouc émissaire». En oubliant qu’un bouc émissaire n’est pas forcément innocent. Lactalis est bien un monstre. Mais il faudrait comprendre d’où il vient et qui l’a enfanté…

Comme nombre de ses confrères, le Monde nous a raconté qu’en imposant à ses fournisseurs «une relation moyenâgeuse entre un seigneur et ses serfs» Lactalis serait une survivance du passé, une anomalie historique à éradiquer. C’est au contraire un «champion de l’économie», comme dirait Jacques Attali, à la pointe du progrès financier. Premier groupe laitier mondial, 17 milliards de chiffre d’affaires réalisé à 75 % hors de France, résultat net de 10,5 %. Son propriétaire est la 13e fortune de France non parce qu’il mène des «serfs» à la trique, mais parce qu’il joue des «coûts comparatifs mondiaux».

Depuis qu’il achète où c’est moins cher, la France importe du lait. Mais les Français ne le savent pas parce qu’il est aussi à la tête du lobby contre l’étiquetage de l’origine française des produits laitiers. Ce serait du «nationalisme», précise Lactalis, qui parle comme Alain Minc. C’est Stéphane Le Foll qui semblait archaïque en invoquant les valeurs d’honneur et de patriotisme pour faire appel à la responsabilité du premier groupe laitier de France. Le ministre de l’Agriculture avouait en même temps qu’il n’avait jamais rencontré son patron… Parce qu‘Emmanuel Besnier n’a rien à faire d’un ministre et que la France n’est pour lui qu’une zone de production à qui son «directeur de communication» explique qu’il lui faut rattraper la «compétitivité» des usines à lait allemandes ou danoises.

Lactalis est le meilleur élève de cette «modernisation» de l’agriculture qu’ont voulue Bruxelles, la FNSEA et la plupart des gouvernements.

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