Dans un discours ressemblant furieusement à un meeting de campagne, ce jeudi à Paris, le chef de l’Etat a répondu pied à pied à l’entrée en campagne de son adversaire de 2012. Visiblement impatient de rejouer un duel que les Français voient pourtant comme un cauchemar…
« Je ne laisserai pas l’image de la France s’altérer lors des prochains mois ou prochaines années. » A la conclusion du discours prononcé ce jeudi 8 septembre par François Hollande salle Wagram, dans le 17e arrondissement de Paris, deux certitudes viennent à l’esprit. Non seulement le chef de l’Etat compte bien être candidat à sa propre succession, mais tout confirme qu’il a déjà choisi son adversaire. Invité à s’exprimer sur « la démocratie face au terrorisme », François Hollande a surtout parlé d’un autre face-à-face : lui contre Nicolas Sarkozy. Certes, son prédécesseur n’a jamais été cité, mais il était omniprésent dans ce discours aux allures de meeting de campagne.
Pour un peu, on aurait presque dit que François Hollande rejouait déjà le débat de second tour contre son adversaire de 2012 ! Car c’est limpide : il a décortiqué le livre-programme de Sarkozy, Tout pour la France, et épluché à la loupe ses déclarations. Le voilà qui cite textuellement ses propositions : « Recourir à des internements administratifs dans des camps », « ressusciter la cour de sûreté de l’Etat », « supprimer le regroupement familial »… Pour évidemment les dézinguer : « Nous ne devons jamais nous laisser emporter par la déraison » et dériver vers « l’état d’exception ». Le voilà aussi qui reprend mot à mot le discours sarkoziste : « Non, les principes constitutionnels ne sont pas des arguties juridiques », insiste-t-il. Avant de tourner le terme en anaphore, son exercice de style favori : « Argutie juridique, le droit d’aller et venir ? Une argutie juridique, la liberté d’expression ? Argutie juridique, la liberté de culte ? Argutie juridique, la présomption d’innocence, bien commode à brandir quand il s’agit de plaider pour son propre compte ? » Et hop, voici l’embarrassante affaire des comptes de campagne de Sarkozy casée au passage !
Le tableau ne serait pas complet sans un petit tour par le bilan de son prédécesseur. Soulignant les créations de postes dans la police et la gendarmerie, Hollande flingue : « Je dois le rappeler, puisqu’il y en avait eu 13.000 qui avaient été supprimés précédemment. » Il épingle aussi la volonté de Sarkozy de rétablir le cumul des mandats. Se disant « fier » de la loi qui interdira cette pratique à partir de 2017, le président fait implicitement sa première promesse de campagne en annonçant sa volonté d’aller « plus loin encore en réduisant le cumul des mandats dans le temps ».
François Hollande, candidat de « l’autre voie, la seule qui vaille », celle de « l’Etat de droit », investit largement le terrain de l’identité, « ni heureuse, ni malheureuse », théorise-t-il en renvoyant dos à dos Nicolas Sarkozy et son principal rival pour la primaire de la droite, Alain Juppé. Une large partie de son discours est consacrée à l’islam : « Peut-il s’accommoder de la laïcité comme l’ont fait avant lui le catholicisme, les religions réformées, le judaïsme ? Ma réponse est oui, clairement oui », affirme-t-il, en réfutant « la provocation qui attise » et « la stigmatisation qui blesse ».
Preuve que François Hollande, au fond du trou dans les sondages, compte bien jouer « à l’extérieur » en venant défier Nicolas Sarkozy sur des terrains glissants. Avec une évidente part de tactique : l’antisarkozisme reste sans doute l’un des meilleurs ressorts pour tenter de rassembler une gauche en mille morceaux. Mais en marquant à la culotte son adversaire de 2012, le chef de l’Etat semble juste oublier une chose : une très grande majorité de Français (84%) ne veut pas d’un match retour en 2017, comme l’a montré un sondage Harris Interactive pour Marianne en juillet. Or, autant Nicolas Sarkozy paraît obsédé par son désir de revanche, autant François Hollande semble, lui aussi, obnubilé par son prédécesseur. Une manière de verrouiller le débat, alors que les Français n’ont jamais eu autant soif de changement.
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