Mélenchon sur Hollande : "Tout n'aura été que reculs et duperies"

Jean-Luc Mélenchon entame cette campagne présidentielle comme si elle était la dernière pour lui. Dans un livre entretien avec notre collaborateur Marc Endeweld, « Le choix de l’insoumission » (Seuil), le cofondateur du Parti de gauche revient sur son parcours et étrille le quinquennat de François Hollande. Extraits exclusifs.

 Le secret : « J’étais malentendant de naissance »

Une autre chose rendait difficile mon éducation en tant que petit garçon, et on ne le savait pas à l’époque, mais j’étais malentendant de naissance. On ne l’a su que bien après. Parce que c’est une maladie héréditaire, enfin une maladie… un handicap héréditaire. Alors sur le moment, on disait de moi tout le temps : «Il est dans la lune.» C’est-à-dire il n’est pas vraiment là. Et, en effet, je n’étais pas là. Parce que je devais me brancher sur la réalité. Participer à la réalité est un effort, il faut écouter, tendre l’oreille et, continuellement, chaque jour, chaque heure, chaque minute, reconstruire ce que les autres viennent de dire, parce que vous n’en avez capté qu’un mot, ou deux, ou trois, ça dépend des moments. Ou plus, il ne faut pas exagérer. Etre avec les autres, ça demande une discipline, un effort, c’est un acte volontaire. Vous, vous êtes avec les autres que vous le vouliez ou non. Pas moi.
 
À partir de là, il y a deux choses qui se produisent. D’abord, je me reconstitue dans le silence. Pas dans le tumulte. Je suis un amoureux du silence. Venant d’un homme qui parle autant que moi, ça peut paraître curieux ! Et, la deuxième chose, c’est que le fait de mal entendre développe l’imagination d’une manière dont les gens n’ont pas idée. J’ai passé ma vie à reconstituer les phrases des autres.

« Tout ce qu’on reprochait à Sarkozy, Hollande a tout fait en pire »

 Hollande, « un petit Blair »

La fin du quinquennat est horrible, avec la déchéance de la nationalité et la loi El Khomri, c’est-à-dire la négation des principes les plus fondamentaux de l’humanisme républicain. Qui pouvait imaginer une honte pareille ? Au cours de ce quinquennat, il s’est exercé une violence qui n’est pas liée au seul Hollande intuitu personae. C’est une violence qui vient du système libéral auquel sont complètement convertis tous les PS d’Europe. Voilà ce dont tout cela atteste. Quand j’ai entendu François Hollande parler du retrait de la nationalité, j’avais la chair de poule, j’étais glacé d’horreur. C’est vrai, jamais je n’aurais pu imaginer dire un jour qu’il était pire que Sarkozy. Ce qu’il a été. Sur tous les plans, le plan social, le plan de la répression, le plan de la criminalisation de l’action syndicale, tout ce qu’on reprochait à Sarkozy, il a tout fait en pire. Tout n’aura été que reculs et duperies : les retraites, l’atlantisme absolument honteux dans lequel il se vautre. […]

Au fond, on a l’impression de voir un petit Blair, parce que lui aussi avait essayé de compenser l’affaiblissement de son pays par une hyperprésence militaire dans les fourgons des Etats-Unis d’Amérique. De même, Blair a eu les mêmes campagnes insolentes antiouvrières que Hollande. Quand ses sbires disent que la loi El Khomri est une loi de protection sociale, on est en plein dans la novlangue de 1984, le roman d’Orwell, où les mots veulent dire le contraire de ce qu’ils désignent. Je n’oublie pas que Blair avait proposé d’offrir un réveil aux chômeurs pour qu’ils se lèvent le matin pour aller chercher du travail. Pourtant, c’était un Premier ministre travailliste. Les gens de conviction étaient soulevés de dégoût en Grande-Bretagne. Mais, pour les socialistes français, l’expérience blairiste a été la démonstration du fait qu’un Parti socialiste droitisé pouvait retrouver une surface électorale et conserver le pouvoir, trois élections de suite. Mais, pour qu’ils y arrivent, il a fallu qu’ils augmentent, en dégoûtant tout le monde, l’abstention de la gauche traditionnelle.

 2017 : « Je n’ai plus rien à prouver »

Je vais faire la campagne décisive de ma vie politique. C’est la deuxième fois que je suis candidat à l’élection présidentielle, l’élection la plus importante de notre pays. Je vois bien que je dois faire davantage qu’une campagne électorale. Parce que j’ai aussi mon âge, je ne suis pas un jeune homme qui est en train de spéculer sur son plan de carrière. J’ai eu la chance d’avoir connu toutes les onctions du suffrage universel. Je n’ai plus rien à prouver, ni à moi, ni aux miens, ni à personne. J’agis les pieds sur terre, mais je reconnais que j’ai la tête dans les étoiles. J’ai le goût du travail bien fait et des affaires bien bordées. Je dois non seulement gagner pour changer le cours de l’Histoire, mais je dois aider de toutes mes forces à refonder le mouvement progressiste en France, qui est à l’agonie, éparpillé dans d’innombrables petites chapelles sous toutes les étiquettes. Il s’agit de reformater un espace politique qui est une force pour notre pays.

« Le choix de l’insoumission, éditions Le Seuil, 18 euros

 

 

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