Lutte contre le terrorisme : François Molins annonce des peines plus dures pour les complices

Les délits liés à une association de malfaiteurs en vue de préparer un acte terroriste, auparavant jugés en correctionnelle et passibles de 10 ans de prison, sont désormais considérés comme un crime pouvant entraîner une peine de 20 à 30 ans derrière les barreaux, explique le procureur de Paris, François Molins, dans une interview accordée au « Monde » ce vendredi 2 septembre.

Après une vague d’attentats sans précédent, la France durcit son arsenal pénal. Une fois n’est pas coutume, c’est le très discret procureur de Paris François Molins qui l’explique dans une longue interview accordée au Monde ce vendredi 2 septembre. « Le parquet de Paris a décidé fin avril un durcissement considérable de sa politique pénale en criminalisant des dossiers correctionnels », déclare-t-il. Autrement dit, un délit constaté dans une affaire de terrorisme, auparavant passible de dix ans de prison, est désormais considéré comme un crime, pouvant entraîner une peine de 20 à 30 ans derrière les barreaux.

Dans le détail, poursuit François Molins, cela signifie que l’association de malfaiteurs terroriste, socle juridique sur lequel se fonde toute condamnation en la matière, évolue : « On utilisait jusqu’ici la qualification criminelle en cas d’exactions, pour les individus vus par exemple sur une vidéo exécuter quelqu’un ou brandir une tête coupée. Pour tous les autres, les combattants, les candidats au départ, les femmes ou les soutiens logistiques, c’était de l’association de malfaiteurs correctionnelle. La peine encourue étant limitée à dix ans, on constatait que le spectre des peines prononcées ne correspondait absolument pas à l’échelle de gravité des comportements. » 

Ainsi, toute personne s’étant rendue « sur zone », en Irak ou en Syrie, après janvier 2015, verra les faits qui lui sont reprochés requalifiés. « Nous demandons aux juges d’instruction la requalification au criminel des procédures déjà ouvertes ». « A compter » de janvier 2015, date à laquelle ont eu lieu les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’Hyper Cacher, « plus personne ne peut ignorer que ces organisations ont pour but de perpétrer des crimes », justifie le procureur de Paris. Sur les 324 dossiers dont le parquet de Paris a la charge, 183 enquêtes préliminaires et 141 informations judiciaires, deux affaires sont d’ores et déjà concernées par cette rétroactivité. 

« Protéger la société en laissant ces individus plus longtemps en prison »

Il s’agit pour les autorités « de protéger la société en laissant ces individus plus longtemps en prison », conclut François Molins. Conscient des limites de la mesure, certains des terroristes passés à l’acte en France s’étant précisément radicalisés en prison au contact de vétérans du djihad, le procureur de Paris tempère : « Les maintenir enfermés n’est peut-être pas la mission la plus noble, elle a au moins l’impérieuse vertu de protéger la société. » Au risque toutefois de radicaliser les délinquants de droit commun qui croiseraient leur route en prison.

Pas question en revanche, comme le suggère une partie de la droite – dont Nicolas Sarkozy – de placer en rétention des personnes fichées S. « C’est absolument impossible. Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d’une procédure pénale (…) On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction », martèle François Molins. La consultation répétée de sites Internet faisant la promotion du djihad, infraction punie depuis la loi Urvoas du 3 juin 2016, a cependant déjà débouché sur l’ouverture de plusieurs procédures, à Paris et en province. 

Enfin, concernant les femmes ou les mineurs qui se sont illustrés par leur endoctrinement ou leur soutien logistique sur zone ou en France, les premières – épouses, mères, cousines etc – sont systématiquement interpellées à leur retour et placées en garde à vue. A l’heure actuelle, 59 d’entre elles sont d’ailleurs mises en examen. Pour les mineurs, bien que de plus en plus de dossiers concernent des adolescentes, les garçons restent majoritairement impliqués, avec 23 mises en examen contre 12 pour des filles. Quelque 700 personnes restent quant à elles toujours présentes en zone de combat…

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